À deux semaines du début du déconfinement, Anne-Sophie Maisonrouge, présidente fondatrice de la société spécialisée dans la gestion d’actifs de commerce pour compte de tiers Terranae, dévoile à Décideurs sa stratégie et les enseignements qu’elle tire de cette crise sanitaire.

Décideurs. La solidarité est le leitmotiv des professionnels de l'immobilier depuis le début du confinement. Comment cela se matérialise-t-il au sein de votre activité ?

Anne-Sophie Maisonrouge. Nous étions bien préparés à passer en télétravail car nous favorisons ce processus depuis deux ans dans l’entreprise. Sur les sites que nous gérons et qui sont encore ouverts, nos collaborateurs assurent une présence en se déplaçant un à un et en limitant au strict minimum les échanges tout en respectant les distances de sécurité. Enfin, nous organisons régulièrement des visioconférences pour communiquer avec les collaborateurs et les responsables de départements afin de nous coordonner et de maintenir la cohésion des équipes.

En externe, nous continuons à assurer les règlements de nos prestataires sans rupture et avec rapidité car ce sont des PME comme Terranae. En parallèle, nous nous retrouvons entre le marteau et l’enclume avec nos clients. Je ne vois pas beaucoup de solidarité entre les bailleurs et les commerçants. La nomination de Jeanne-Marie Post par Bruno Le Maire au poste de médiatrice sur la question des loyers illustre bien cette situation. Je suis d’autant plus consternée que nous faisons tous partie d’un seul et même écosystème dans lequel tous les intérêts sont alignés in fine. Et les organisations qui demandent aujourd’hui l’appui de l’Etat seront les premières à dénoncer son interventionnisme quand la situation se « normalisera ». Certains bailleurs comme Frey et des commerçants tel Armand Thiery prennent des initiatives qui nous donnent de l’espoir. Terranae œuvre à son échelle pour rapprocher les points de vue des uns et des autres.

Quel regard portez-vous sur l’action du gouvernement dans cette situation de crise sanitaire ?

D’un point de vue sanitaire, la politique de fermeture des commerces « non-essentiels » est logique. Je suis toutefois étonnée que le gouvernement n’avance pas plus rapidement sur la question de la réouverture des restaurants. Concernant la mise en place des aides pour soutenir les entreprises, je suis admirative de la rapidité avec laquelle elles ont été mise en place. Nous avons pu recourir au chômage partiel quand cela s’est avéré nécessaire et souscrire un emprunt garanti par Bpifrance pour éviter des difficultés de trésorerie.

Comment préparez-vous le déconfinement ? 

Nous sommes tournés vers l’avenir depuis deux semaines. Pour préparer la réouverture des sites dans des conditions optimales, nous avons constitué une task force composée de commercialisateurs et de directeur de centres afin d’être prêts le 11 mai. Nos prestataires sont eux-aussi opérationnels. Tout l’enjeu consiste à permettre aux commerçants de lever le rideau rapidement tout en assurant la sécurité des visiteurs pour les convaincre de revenir dans les centres commerciaux et retail parks que nous gérons. Nous travaillons également en amont avec les associations de commerçants et les agences de communication sur l’information autour des dispositifs mis en place. Enfin, nous devons être imaginatifs. Nous réfléchissons par exemple à la mise en place d’un click and collect centralisé dans certains centres. Les start-up auront un rôle important à jouer pour permettre de restaurer la confiance et de rétablir les chiffres d’affaires des commerçants au plus vite. 

L’ensemble de ces aspects ont été pensés dans une stratégie globale qui a fait l’objet d’un guide de sécurité sanitaire interne. Il en faudra un général, à l’image de ce qui a été fait dans le secteur du BTP. Le Conseil national des centres commerciaux a travaillé sur ce sujet et une concertation aura probablement lieu rapidement avec le gouvernement.

Dans quelle mesure cette crise sanitaire pourrait faire évoluer à moyen terme votre stratégie et les grands principes de fonctionnement du secteur de l’immobilier commercial ? 

Nous avons pu être tentés d’élargir nos services à d’autres typologies d’actifs qui seraient moins impactés que le commerce en cas de nouvelle crise sanitaire. Mais notre expertise en gestion de sites complexes va voir son utilité se renforcer dans les mois à venir. De nombreux centres commerciaux et retail parks vont souffrir et notre savoir-faire permettra de les repositionner, les recommercialiser, ou de les requalifier. Notre secteur était déjà dans la tourmente avant la crise. Il faut absolument réfléchir à la requalification des mètres carrés et à un renforcement de la digitalisation des sites. Nous devons renforcer le couple physique et e-commerce. 

Propos recueillis par François Perrigault (@fperrigault)

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