L’accompagnement des professionnels pendant le confinement, l’évolution des critères de prêt, les perspectives post-crise… Béatrice Lièvre-Thery, directrice des activités immobilières du groupe Société Générale, fait le point sur le financement des acteurs immobiliers. Elle livre également à Décideurs sa feuille de route pour les mois à venir.

Décideurs. Comment Société Générale a-t-elle accompagné les acteurs de l’industrie immobilière pendant le premier confinement ?

Béatrice Lièvre-Thery. Les sujets sont très différents suivant la nature des clients. Nous travaillons avec des grands promoteurs nationaux et des acteurs régionaux qui ont été particulièrement impactés pendant le confinement en raison de l’arrêt de l’activité. Ils ont toutefois abordé cette période dans des conditions financières saines grâce au dynamisme du secteur ces dernières années.  Nous avons ainsi mis en place seulement quelques prêts garantis par l’Etat (PGE). Concernant les projets tertiaires, nous en faisions peu avant la crise sanitaire et le financement de ces sujets est devenu complexe depuis. Le financement des opérations de promotion reste actif.

Concernant le financement des actifs immobiliers, la question principale est celle de la valorisation. Nous devons regarder les dossiers au cas par cas sans faire de généralités. Quant au financement corporate, nous en faisons peu mais il n’y a pas d’alerte particulière pour le moment. Enfin, nous continuons à recevoir des demandes de crédits hypothécaires

Comment évoluent vos critères de prêt ?

L’appétit pour le risque est très encadré chez Société Générale. Nous n’étions pas les mieux disants sur les niveaux de loan-to-value avec des ratios de 65 % en hypothécaire avant le début de la crise sanitaire. Quant au rapport entre les revenus et la charge d’emprunt, il était plutôt élevé. Cette approche n’a pas évolué.

Concernant la manière d’appliquer les ratios, nous avons tendance à davantage stresser les perspectives de revenus. Nous avons un système de notation interne pour chaque opération. Les ratings sont plus sévères pour les nouveaux dossiers, ce qui amène les emprunteurs à mobiliser davantage de fonds propres. Concernant notre portefeuille de prêts en cours, les notations se dégradent passivement. Nous pouvons donc être amenés à revoir les conditions d’intervention en cas de demande de report d’échéance.

N’oublions pas par ailleurs que le coût d’un prêt est tributaire de la loi du marché. Il augmente actuellement car les offres sont moins nombreuses. Et le coût de la liquidité bancaire progresse, donc cela se répercute dans les conditions d’octroi des financements.

"La syndication des financements immobiliers devrait persister et les prêteurs alternatifs prendre des parts de marché"

Quelles sont les perspectives post-crise du financement des professionnels de l’immobilier ?

Nous avons le sentiment que le financement de l’immobilier commercial est surveillé de très près par les régulateurs. Tous les prêteurs bancaires doivent définir une enveloppe de risques immobiliers dans leurs bilans. Elle a beaucoup progressé depuis 2012 et nous sommes arrivés à un niveau élevé chez Société Générale. Les mutualistes ont moins de contrainte de liquidité et les fonds de dette ont toujours de l’appétit. La syndication des financements immobiliers devrait donc persister et les prêteurs alternatifs prendre des parts de marché.

Quelles sont les solutions financières responsables proposées par Société Générale pour développer la ville de demain ?

La question n’est pas vraiment bancaire. Prenons l’exemple du Village des médias des Jeux Olympiques 2024 pour lequel Sogeprom a remporté la réalisation du secteur « Aire des vents » avec Demathieu Bard Immobilier. Le projet lauréat a été pensé autour des valeurs de l’inclusion, du vivre ensemble et du bien-être durable.  Il comportera des infrastructures publiques qui seront construites grâce aux financements apportés par les collectivités territoriales. Tout le reste sera pris en charge par Société Générale qui dérisque au maximum l’opération en embarquant des investisseurs français et étrangers dans le projet. Ce type de dossiers va devenir de plus en plus répandu dans les années à venir. En parallèle, la limitation de l’étalement urbain va amener les promoteurs comme Sogeprom à faire évoluer leurs produits dans le diffus pour répondre aux attentes en matière de RSE et de nouveaux usages. Nous accompagnerons ce mouvement.

Nous travaillons par ailleurs sur l’intégration de la qualité environnementale dans nos modèles de notation. Cette méthode devra être approuvée par la Banque centrale européenne. Cette évolution est inéluctable car les sujets d’investissement socialement responsable prennent de plus en plus d’importance comme le montre la publication du nouveau label ISR pour les SCPI. A terme, je suis convaincu que seuls les dossiers offrant de solides garanties en matière de RSE obtiendront des financements.

"Nous voulons développer également la partie corporate en répondant aux besoins immobiliers des clients de la banque"

Quelle sera la feuille de route de la direction des activités immobilières de Société Générale pour les mois à venir ?

Nous allons poursuivre la stratégie qui a été initiée par Caroline Fortier au niveau de Sogeprom car elle répond parfaitement aux défis auxquels les promoteurs devront faire face. En matière de financement, nous nous sommes concentrés historiquement sur les professionnels de l’immobilier. Nous voulons développer également la partie corporate en répondant aux besoins immobiliers des clients de la banque, que ce soit des particuliers souhaitant acheter un bien pour l’occuper ou le mettre en location, des clients de la banque privée qui ont des sujets patrimoniaux, ou les entreprises qui ont des problématiques immobilières. La même approche vaut dans le métier de la transaction. Société Générale Real Estate Advisory (spécialisé dans le conseil en transactions) souhaite apporter son expertise en amont sur les dossiers immobiliers des clients de la banque et même faire l’intermédiaire entre eux sur certains sujets.

Propos recueillis par François Perrigault (@fperrigault)

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