Après avoir été malmené par deux confinements, le secteur de l’énergie se trouve affecté dans son entièreté, de l’intermittence des énergies renouvelables, à la rigidité du nucléaire. La production d’électricité subit une pression importante, jetant un voile d’incertitude sur la continuité de sa distribution. Entretien avec Albert Codinach, CEO de Planète OUI.

Décideurs. Qu'est-ce qui fait la singularité de Planète OUI par rapport aux autres fournisseurs alternatifs d’énergie verte ? 

Albert Codinach. Cette spécificité se trouve dans la volonté d’être un acteur intégré. Cette volonté de vouloir intégrer tous les métiers des énergies renouvelables dans l’entreprise, depuis la production, jusqu’à la fourniture. Aujourd’hui, chez les fournisseurs alternatifs, on ne retrouve pas cette activité-là. Il y a surtout des acteurs en aval de la chaîne de valeur, qui ont simplement pour fonction d’établir la relation avec les clients et organiser la commercialisation. On retrouve également beaucoup d’autres acteurs sur l’activité de production, mais peu pratiquent en plus de la gestion d’énergie. Aujourd’hui, pour nous, c’est une vraie singularité, quelque chose qui nous différencie des acteurs alternatifs et nous rapproche des plus gros acteurs. Nous intégrons autant de métiers et pour nous, c’est la différence qui fait la différence.

L’autoconsommation résume, quant à elle, très bien cette mentalité, en installant des moyens de production chez nos clients : nous sommes à la fois producteur et fournisseur. Nous encourageons très fortement ce processus auprès des particuliers, mais surtout des professionnels. En effet, des modèles économiques très intéressants émergent, dans l’air du temps, et fonctionnent parfaitement avec notre activité BtoB.

Quel a été l’impact des deux confinements sur la consommation et la demande d’énergie ?

Nous avons connu deux confinements très différents. Le premier a été beaucoup plus violent et radical, enregistrant une baisse de 15 % à 20 % de baisse enregistrée de demande au niveau global. Au niveau industriel, on observe 30 % baisse de la demande. Ce premier confinement étant derrière nous, le deuxième est très différent. En découle une baisse de 4 % à 5 % de la demande. Cette différence avec le premier confinement s’explique en partie par l’activité industrielle ne connaissant qu’une faible baisse de régime, même si la demande de certains biens a tout de même baissé, ce qui fait tourner l’industrie au ralenti, à 90 % de ses capacités. Les deux confinements prennent place dans des contextes également très différents. Bien entendu, les écarts de températures entre ces deux périodes joueront un rôle important. Il est bien connu qu’en France, les consommations annuelles en hiver ou en été passent du quitte ou double. L’impact est donc bien plus important en ce moment, une baisse de 5 % de l’activité en hiver étant bien plus significative qu’une baisse de 5 % en été.

"Les énergies éoliennes et photovoltaïques bénéficient de technologies plus simples, avec leurs qualités et leurs défauts, autorisant des arrêts et démarrages plus fréquents"

Traduction de ce phénomène, la courbe d’échéance a vu sa forme évoluer sur les marchés, certes un peu moins que durant le premier confinement, puisque les gens doivent toute de même se réveiller pour emmener les enfants à l’école, par exemple. Ce changement de forme est toutefois observable. L’annonce d’un confinement est un moment ardu à gérer, puisque nous n'avons, à ce moment-là, pas de retour d’expérience. Une fois le confinement installé, les producteurs ont eu le temps d'observer le comportement des sociétés, ils analysent et tirent des conclusions. La situation se complique sur les marchés lorsque des changements de situations sociétales apparaissent.

Et sur le secteur de l’énergie dans sa globalité ?

On observe plusieurs changements notables. D’abord, une remise en question des citoyens au niveau global, ce qui a eu pour principal effet de générer de nombreuses demandes en vue de fournir les clients qui souhaitaient s’orienter vers des fournisseurs alternatifs. Concernant le marché et les infrastructures, les énergies vertes ont continué à produire, et ont prouvé leur résilience, aucun impact néfaste sur les énergies renouvelables déjà bien implantées, n’étant à déplorer. Cependant, les chantiers en cours ont enregistré des retards. En réalité, nous avons pu constater, qu’au contraire de l’énergie nucléaire, les énergies renouvelables ont su s’adapter et ont souligné les faiblesses des réacteurs : avec un confinement qui a duré quelques semaines, EDF a eu beaucoup de mal à respecter son programme de maintenance. On se retrouve aujourd’hui avec un parc de réacteurs dont la disponibilité n’est pas assurée pendant l’hiver, les plannings de maintenance et de rechargement n’ayant pas pu être assurés. Les énergies éoliennes et photovoltaïques bénéficient de technologies plus simples, avec leurs qualités et leurs défauts, autorisant des arrêts et démarrages plus fréquents, mais pâtissent de leur caractère intermittent. Les interconnexions avec les pays voisins sont une façon de gérer ce défaut inhérent. Elles sont importantes quand on produit trop mais aussi quand on manque d’énergie. La France a par exemple beaucoup exporté lors du premier confinement, lorsqu’elle était en production excédentaire.

"Nous avons également le devoir d’encourager et d’accompagner la réduction de la consommation d’énergie"

Peut-on parler de fragilisation du secteur, exposant le territoire français à des risques de pénurie énergétique, ou plutôt d’une situation gardée sous contrôle ?

Pour janvier et février 2021, nous ne risquons pas nécessairement de coupure de courant, le mot étant très fort, bien que la situation puisse se tendre. En effet, il pourrait y avoir plus de demande que d’offre, et ce, malgré les interconnexions. Toutefois, des dispositifs, des process sont prévus par les opérateurs pour faire face à ce genre de situation. Le délestage, par exemple, permet d’altérer la qualité de l’électricité, en conservant la même quantité d’énergie mais en changeant de fréquence. Réduire la qualité de l’énergie disponible permet ainsi d’assurer la fourniture de l’ensemble du territoire. Par ailleurs, il est également envisageable de demander à certains industriels de ne pas consommer à certains moments, de façon très ponctuelle, contre compensation financière. De fait, les problématiques d’offre et de demande sont très ponctuelles et l’affaire de quelques heures. Dans tous les cas, le blackout n’est pas envisageable.

Les confinements sont-ils une opportunité pour avancer du côté de la transition énergétique ?

Clairement ! Ils ont contribué à faire naître une prise de conscience, prérequis indispensable à tout projet de transition. Les habitudes ont également évolué. Les Français se sont habitués à des situations de ralentissement de l’activité, et donc à des consommations moins énergivores. En effet, l’usage des transports est fortement limité : on ne prend pas l’avion, moins la voiture. Ces nouveaux comportements vont dans le sens d’une transition énergétique puisque cette dernière ne peut se réduire à une plus grande production énergétique à partir d’énergies renouvelables, mais bien évoluer dans la sobriété énergétique. Autour de nous, on observe un terreau fertile pour l’émergence de nouveaux modèles. En tant que CEO de Planète OUI qui fournit particuliers et professionnels, nous incitons nos clients à s’interroger sur le sujet des énergies vertes et de la transition écologique. Nous avons également le devoir d’encourager et d’accompagner la réduction de la consommation d’énergie. Il est fondamental pour nous d’accompagner les clients, particuliers comme professionnels, à franchir le pas de l’autoconsommation, afin de se diriger vers un modèle décentralisé et plus autonome. 

Propos recueillis par Thomas Gutperle 

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