Avison Young France, la branche française de la société de conseil en immobilier canadienne, connaît une croissance rapide depuis sa création en 2021. Son président Thomas Canvel revient avec nous sur des premières années bien remplies et sur ses projets à venir.

Décideurs. Vous avez pris la présidence d’Avison Young France en 2022, quelques mois après sa création. Quel est désormais votre périmètre d’intervention en France ?

Thomas Canvel. Quand j’ai eu le plaisir de prendre la direction d’Avison Young en France il y a deux ans, c’était une toute petite entité de cinq personnes, dont le plus senior avait 6 mois d’entreprise! Nous sommes donc une structure très jeune, et connaissons un développement assez important, puisque nous comptons désormais environ 25 collaborateurs. Notre volonté est de maintenir cette croissance, après une petite phase de « digestion » qui aura duré plus ou moins un an. Nous nous fixons pour objectif de doubler notre effectif d’ici à un an, et de compter 150 collaborateurs dans trois ans. Notre croissance s’inscrit dans la droite lignée de celle du groupe, qui est passé de 300 employés en 2008 à 5000 aujourd’hui. Notre ADN réside dans un développement rapide dans tous les marchés où nous sommes intégrés, et la France ne fait pas exception.

Quels sont les points de différentiation qui vous permettent une telle croissance ?

Notre identité, construite autour de la combinaison d’un professionnalisme et notre attention à la relation humaine avec nos clients, nous fait gagner des parts de marché. Cela nous permet de travailler efficacement comme une équipe unie et non pas chacun de son côté. C’est particulièrement important pour notre activité capital market, car, contrairement à la plupart de nos concurrents nous travaillons sur la base d’un chiffre d’affaires commun à l’ensemble du département, ce qui est de nature à favoriser la collaboration entre les équipes. Nos équipes chassent en meute plutôt que comme des loups solitaires ! Nous sommes dans une logique d’équipe projet créée par la combinaison de compétences variées, et cela fait la différence. Contrairement à nos concurrents, nous ne travaillons pas en silo, avec une personne responsable d’une seule typologie d’actifs. Certains collaborateurs ont bien évidemment des points forts ou des affinités pour un sujet ou un autre, mais in fine tous sont capables d’intervenir sur tous les sujets. Si leurs besoins évoluent, nous sommes en mesure d’y répondre rapidement et sans perte de productivité.

Côté project management, nous avons construit une équipe très internationale avec une parfaite maîtrise du monde anglosaxon, ce qui nous offre une position privilégiée chez des grands groupes mondiaux (notamment des géants de la tech). Cette expertise auprès d’entreprises excessivement exigeantes nous offre un savoir-faire unique pour accompagner des sociétés dans les aménagements les plus complexes ! Aussi, chose assez rare dans l’immobilier, notre entreprise est très féminine, puisqu’elle est constituée à 65% de femmes. Tous ces facteurs font de nous une société hyperflexible et hyperagile, capable de s’adapter rapidement aux changements du marché et de repérer les occasions de transactions et d’investissement.

Quels sont les effets du contexte immobilier actuel sur vos activités ?

La crise actuelle n’a pas les mêmes répercussions sur tous les services. Pour le project management par exemple, c’est un peu « ma petite entreprise ne connaît pas la crise ». Tous les mouvements économiques et sociaux qui ont eu lieu dans l’immobilier génèrent des mouvements et par conséquent des projets pour une société comme la nôtre. La volonté de réduire les mètres carrés et de changer les méthodes de travail amène nécessairement à réaménager les bureaux. Alors certes les projets ne sont plus forcément aussi importants qu’avant, mais ils sont nombreux. Avison Young France, la branche française de la société de conseil en immobilier canadienne, connaît une croissance rapide depuis sa création. 

En revanche, la situation est différente en ce qui concerne le capital market. Le marché a rarement été aussi secoué. J’ai commencé ma carrière en 2007 et j’ai donc eu la joie de connaître la crise des subprimes et ses conséquences… J’ai aussi connu « l’apocalypse » de 2009, avec seulement une poignée de grandes transactions dans l’année. La situation actuelle est cependant différente : nous ne subissons pas une crise de liquidités, mais de redistribution. Les marchés obligataires ont fait un bond de rentabilité considérable. Mécaniquement, il est donc devenu beaucoup moins intéressant de placer son argent dans un immeuble de bureau plutôt que dans des obligations d’État ou de grandes entreprises. Ajoutez à cela une hausse des taux qui complique l’accès au financement et vous obtenez une double peine pour les investisseurs. Paradoxalement, des clients me disent « j’ai des milliards à placer, mais les actifs disponibles n’offrent pas une rentabilité suffisante ». Pour résumer la situation de l’investissement : Le premier semestre a été catastrophique et je pense que le deuxième ne sera guère mieux...

Malgré tout, le marché présente-t-il des possibilités d’investissement intéressantes ?

Tout à fait ! Si le bureau dans la première couronne est très délaissé, je pense à titre personnel qu’il y a des coups à jouer. Tout particulièrement sur des bureaux situés à proximité immédiate du métro ou d’une ligne de RER A ou B. Le marché parisien intra muros est actuellement saturé : le taux de vacance monte à 1,5% dans le QCA, et la mairie est plutôt en défaveur du bureau. Le pastillage en est un bon exemple. Acheter au bon prix un immeuble dans la première couronne, qui est bien connectée au réseau de transports, et le repositionner de manière qualitative finirait par avoir un écho sur le marché, auprès de locataires habitués à des bureaux parisiens soit en mauvais état, soit excessivement chers.

"La petite couronne est délaissée mais il y a des coups à jouer !"

Leur proposer des plans rationnels, une offre de service complète et des tarifs attractifs pourrait les convaincre de s’installer de l’autre côté du périphérique. Je ne dis pas que ce sera un raz-de-marée, mais je pense qu’il y a de réelles occasions à saisir. Dans des villes comme Saint-Ouen par exemple, qui ont été très décriées dernièrement en raison du nombre d’immeubles livrés en même temps. Néanmoins, en y regardant de plus près, l’arrivée de la ligne 14 rend Saint-Ouen accessible en 7 minutes depuis Saint-Lazare et en une douzaine de minutes depuis Châtelet ! Et en prime, la ville a une image plus attractive que d’autres, avec un petit côté bohème, des restaurants trendy. Des projets comme les docks de Saint-Ouen contribuent à gentrifier la ville, ce qui rappelle un peu le cas de Londres, une ville qui n’a pas cette frontière physique et surtout psychologique du périphérique.

Le conseil en immobilier commercial s’est-il récemment enrichi des enjeux liés aux questions environnementales ?

Sur la partie project management, la question environnementale est désormais centrale. Tous nos clients ont maintenant une politique ESG et nous les accompagnons forcément sur ces projets. En France nous n’avons pas encore de collaborateurs consacrés uniquement à cela, mais ils sont deux à l’être dans notre bureau londonien. Nous sommes donc accompagnateurs et parfois prescripteurs. Côté capital market les réglementations et attentes des clients contribuent évidemment à ce que nous la prenions en compte. En pratique, l’intérêt pour les critères écologiques varie avec le temps et en fonction de l’état du marché. La conjoncture actuelle rend la clientèle exigeante, mais elle s’assouplira peut-être lorsqu’il y aura plus de liquidités disponibles et moins de produits à acheter. Je reste cependant optimiste : nous allons vers plus de vertu sur ces thématiques.

Propos recueillis par François Arias

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