Pour un dispositif médical, la certification constitue autant une obligation, qu’un critère de compétitivité. Siham Vidard, présidente d’SGS ICS, démine les spécificités réglementaire en France et outre-Atlantique. 

 Décideurs. SGS ICS accompagne les démarches de certification des entreprises dans de nombreux domaines, dont celui de la santé. Comment caractériseriez-vous le contexte réglementaire ?

Siham Vidard. Dans le domaine de la santé, le contexte réglementaire en Europe s’est considérablement complexifié ces dernières années. Au lieu de fluidifier l’accès au marché pour toutes les entreprises européennes, les nouvelles réglementations créent des disparités, jusqu’à devenir un frein pour l’innovation. Ce renforcement réglementaire, qui entend plutôt renforcer la sécurité des patients, risque d’entraîner la pénurie de certains produits, voire de services de santé.

Quels types de certifications entrent en jeu pour les dispositifs médicaux (DM) ?

Les dispositifs médicaux prennent de nombreuses formes. La qualification de ces produits, et donc les obligations de certification, peut s’avérer technique. Les produits qui ne contribuent pas directement à la santé des personnes, mais restent au contact du corps humain, ont un régime particulier. Ils entrent dorénavant, via l’annexe XVI du nouveau règlement, dans le cadre de la réglementation des DM. C’est le cas de nombreux produits à visée esthétique, comme les lentilles cosmétiques, qui n’améliorent pas la vue. Certains de nos clients nous consultent parfois sans savoir quelles normes ou réglementations les concernent, ou bien si la certification est volontaire ou obligatoire.

Dans le processus de certification d’un dispositif médical logiciel, le fabricant a besoin d’une réponse coordonnée entre le marquage CE médical, la certification HDS pour l’hébergement de données de santé, ou encore d’autres certifications relatives à l’IA ou à la cybersécurité. Pour cette raison, les auditeurs d’SGS ICS opèrent de manière décloisonnée entre les secteurs.

"Beaucoup d’entreprises pensent que lancer commercialement un produit aux USA serait moins coûteux ou plus simple qu’en Europe"

Dans le domaine des DM, comment se positionne la France par rapport au reste de l’Europe ?

Pour ce qui est de la fabrication de DM, la France tient une belle place : derrière le Royaume-Uni et la Belgique. Dans le cadre de France 2030, une enveloppe de 7,5 milliards d’euros a été attribuée au secteur de la santé, dont 400 millions d’euros pour accompagner les entreprises du DM. C’est un boost pour tout le domaine. Il est primordial de l’entretenir pour éviter le déclin de notre industrie et une perte de souveraineté, comme cela a pu arriver dans le secteur du médicament.

Le paysage industriel du DM en France se caractérise par des profils de start-up, d’ETI ou de PME. D’où la nécessité pour les organismes de certification de maintenir, en plus de la qualité d’écoute, une réelle proximité auprès des entreprises. Un nombre croissant d’entre elles aborde la certification comme un critère de compétitivité ou bien sollicite la SGS Academy pour bénéficier de formations techniques. En tant que présidente d’SGS ICS, je tiens à ce que nos équipes gardent cette connaissance du terrain. À ce titre, nous entretenons des liens stratégiques avec Medicen, le salon de l’innovation en santé Medintechs, ou encore le Snitem.

Selon une étude du Snitem, 51 % des entreprises s’interrogent sur une bascule vers le marché américain. Quelle situation rencontrez-vous de manière récurrente ?

Nos équipes observent un fantasme français autour de l’accès au marché américain. De même en ce qui concerne la délivrance réputée "si facile" de la certification 510K délivrée par la FDA ( "Food and Drug Administration"), l’institution américaine responsable des autorisations liées aux produits alimentaires et aux médicaments. Beaucoup d’entreprises pensent que lancer commercialement un produit aux USA serait moins coûteux ou plus simple qu’en Europe. Ce n’est pas le cas. En matière de nouveaux produits et d’innovation, l’Europe et le MDR ("Medical Device Regulation") restent très compétitifs du point de vue des coûts, délais et de time-tomarket. Le budget d’une certification n’est finalement pas beaucoup plus élevé que celui d’une campagne de communication dans cinquante-deux États. Le marquage CE médical peut apparaître comme un Graal. Il constitue également une marque de qualité reconnue dans le monde entier.

Que conseilleriez-vous aux entreprises de DM qui ciblent le marché américain ou ceux étrangers ?

Tout miser sur les États-Unis peut s’avérer risqué et irrémédiable en cas d’échec. D’autres zones géographiques peuvent présenter un intérêt de développement commercial et moins protectionniste. Le MDSAP ("Medical Device Single Audit Program") est un programme de certification complémentaire à celle afférant aux DM, ISO 13485. Il ouvre l’accès à plusieurs marchés en dehors de l’Europe. Il facilite grandement la prise en compte des réglementations, non seulement américaines mais aussi en Australie, au Japon et au Brésil. Un atout de taille pour les entreprises ambitieuses à l’export.

"Le marquage CE médical peut apparaître comme un Graal 

Les sociétés gagneraient à se saisir plus souvent de ce ressort de certification. Au-delà du champ de certification, il permet à une entreprise française de s’adresser à des interlocuteurs français ou européens, par opposition à un cabinet américain ou uniquement à la FDA.


Quels jalons anticipez-vous pour les prochains mois ?

Nous venons de passer un premier cap avec l’échéance de mai pour les "legacy devices". Ce terme désigne les dispositifs médicaux déjà présents sur le marché avant l’entrée en vigueur du nouveau règlement MDR 2017/747. Les fabricants disposaient déjà de deux prolongations. La prochaine est fixée au 26 septembre, date à laquelle les entreprises devront avoir contractualisé avec un organisme notifié. Nous sommes inquiets, car nous avons reçu des demandes tardives, dont certaines issues de groupes de plusieurs centaines de personnes. Nos équipes ont dû se mobiliser tard dans la nuit pour instruire les derniers dossiers. Nous craignons notamment dans le secteur des logiciels de santé que beaucoup d’éditeurs focalisés sur les enjeux d’interopérabilité et l’obtention de la reconnaissance Ségur ne manquent cette échéance. Malheureusement, l’article 120 du MDR ne permet pas de "repêchage".

Propos recueillis par Alexandra Bui

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