Peu de collaborateurs envisagent cet exercice sereinement. Le contexte économique difficile couplé avec certaines défaillances personnelles n’ont pas permis à certains salariés d’atteindre leurs objectifs, ce qui peut rendre ce moment d’autant plus stressant. Voici quelques conseils pour le concevoir le plus rationnellement possible.
Entretien annuel d'évaluation : comment l'aborder quand l'année a été mauvaise ?
La période des entretiens annuels d’évaluation est ouverte. Même s’ils peuvent avoir lieu à n’importe quel moment de l’année, nombreuses sont les entreprises qui les organisent entre décembre et janvier. Rares sont les collaborateurs à y aller la fleur au fusil. Même lorsque les derniers mois se sont bien passés, certains salariés craignent les mauvaises surprises ou qu’un manque d’affinités avec leur manager ne pèse dans la balance. Or, certains employés auraient réellement de quoi s’inquiéter. C’est le cas lorsqu’ils n’ont pas réussi à atteindre leurs objectifs. Que ce soit pour des raisons liées à un contexte économique peu porteur ou parce qu’ils n’ont pas été capables de se conformer aux attentes, l’exercice peut se transformer en épreuve stressante. Comment s’y préparer ? Quel positionnement adopter ? Surtout, comment arriver à prendre du recul pour mieux repartir ? Éléments de réponses.
Bonne idée mais…
"À l’origine, les entretiens annuels ont été mis en place afin de créer un moment formel dans l’année pour parler de la performance des collaborateurs et leur présenter les objectifs de l’année suivante, rappelle Karine Trioullier, coach spécialisée en gestion de carrière. Problème : l’exercice peut devenir une lourde charge pour le manager lorsqu’il en mène plusieurs dans cette période chargée, peu propice à la prise de recul." D’autant que les sujets à aborder s’avèrent généralement nombreux : objectifs, intégration dans l’équipe, rémunération, télétravail, etc.
Une réalité qui n’échappe pas aux collaborateurs, qui abordent pour beaucoup l’entretien annuel la boule au ventre. Les salariés craignent parfois les feedbacks. "Je suis toujours stupéfaite de voir à quel point les personnes, qu’elles aient réalisé ou non une bonne année, se mettent une énorme pression pour ce rendez-vous, constate Karine Trioullier. Concernant, les critiques auxquelles elles font face, elles retiennent aussi souvent le négatif." Les collaborateurs ayant pour beaucoup le syndrome du bon élève, difficile d’avoir la hauteur de vue suffisante, surtout lorsqu’ils nourrissent de nombreuses attentes concernant ce rendez-vous.
Éviter les surprises
Même si l’entretien annuel est très cadré, les managers ne sont pas à l’abri des biais cognitifs, comme le biais de récence. "Nous avons tendance à nous référer aux événements les plus récents, explique Karine Trioullier. Même si un manager a pris des notes sur le début d’année, son avis est impacté par les trois mois précédents." Ces derniers ont été mauvais ? Cela peut inquiéter le collaborateur qui sait que l’entretien va être orienté par cette dernière mauvaise impression.
Par ailleurs, difficile également d’entendre des remontrances sur des sujets qui datent de février quand l’entretien se déroule en décembre. "Plus les événements remontent, plus les critiques ressemblent à des reproches, analyse la coach. D’où l’intérêt d’avoir régulièrement des points ou de dire les choses au jour le jour. Cela permet également d’éviter les surprises." Elle ajoute : "Si un entretien annuel devient le théâtre de grandes révélations, le manager doit s’inquiéter." Certaines entreprises organisent des entrevues deux fois par an afin d’éviter cet écueil. "Avec mes équipes, on se voit en one to one tous les lundis, raconte Solène Vivier, associée et cofondatrice du cabinet de recrutement WOM. On se dit les choses tout au long de l’année. Avec mon associé, nous ne tombons pas de notre chaise sur les chiffres ou sur ce qui se passe au bureau lors de l’entretien annuel."
"Plus les événements remontent, plus les critiques à l’égard des collaborateurs ressemblent à des reproches"
Cette régularité est d’autant plus appréciable quand l’année n’est pas bonne. Collaborateurs comme managers ont tout intérêt à aborder les difficultés lorsque l’employé peine à faire son travail. La communication reste clé. D’ailleurs, selon Karine Trioullier, le meilleur moment pour demander une augmentation reste celui où vous avez enregistré un bon résultat. C’est l’occasion de parler de votre performance à votre manager et de lui demander d’en être récompensé. Lors des entretiens annuels, la plupart des employés songent à sortir du bois sur le sujet. Or les enveloppes sont déjà quasiment prêtes et réparties entre les différents postes et départements. C’est-à-dire que les jeux sont presque faits. S’appuyer sur un bon résultat six mois après serait déjà trop tard. "L’entretien annuel n’est pas le moment des grandes manoeuvres", résume Karine Trioullier.
Question de personnes
Alors, qu’est-il attendu ce jour-là, surtout en cas de résultats peu reluisants ? Du côté des managers, "je recommande une petite discussion informelle en amont afin de dédramatiser l’instant, poursuit Karine Trioullier. Si votre interlocuteur est tendu, il ne va retenir que 10 % de ce que vous allez lui dire et sûrement les 10 % les moins agréables ou les moins clairs." Ce qui expliquerait "le drama", selon l’expression de la coach, autour de cet exercice. Les critiques négatives ne doivent pas être personnelles mais viser les postures ou les résultats attendus sur le poste.
Du côté des collaborateurs : ne pas oublier que l’on fait partie d’un tout. De mauvais résultats globaux devraient rendre l’exercice individuel moins compliqué à aborder. Ne pas omettre non plus que les managers ont également des objectifs qui leur sont propres à remplir. "Parfois la manière dont se passe notre entretien d’évaluation reflète la façon dont s’est passé celui de son propre manager", note la coach. Or, si lui aussi n’a pas eu une année à la hauteur des attentes, vous faites partie des personnes à remotiver ou avec qui il doit trouver des solutions pour obtenir de meilleurs résultats dans les mois qui viennent.
Anticiper
De la même façon qu’un candidat sérieux prépare son entretien d’embauche, un collaborateur n’arrive pas les mains dans les poches à un entretien annuel, surtout si celui-ci promet d’être un peu corsé. N’hésitez pas à lister et décrire vos réalisations concrètes, qu’elles soient grandes ou petites, et à détailler la manière dont les objectifs ont été atteints ou non. Cela peut permettre aux managés de prendre un peu de recul et de constater qu’ils n’ont pas failli à toutes leurs missions. "Un mois avant l’entretien, nous demandons à nos collaborateurs de rédiger un PowerPoint, avec une trame : que pensent-ils de leur activité/du marché, quels sont leurs chiffres, etc.", explique Solène Vivier.
"Si une personne est motivée, on peut trouver des solutions"
Si un tel cadre n’est pas mis en place par toutes les entreprises, les employés ont tout de même intérêt à bien préparer leur copie afin de poser de bonnes bases pour plus tard. "Ce moment est l’occasion d’aller chercher les moyens de bien faire son travail", ajoute Karine Trioullier. Les collaborateurs peuvent faire des retours sur ce qui a semblé leur manquer, demander des conseils ou à revoir certains objectifs. Souvent, en cas de mauvais bilan, des objectifs différents ou à plus court terme sont mis en place et des rendez-vous supplémentaires actés pour les mois à venir afin de suivre les évolutions et de constater si les solutions envisagées portent leurs fruits ou si des ajustements sont encore nécessaires.
Dans les cas où les difficultés ne concernent pas les objectifs mais des problèmes de personnes par exemple, sur lesquels les collaborateurs ne se seraient pas ouverts pendant l’année, il est important que ceux-ci en fassent part avec le plus de maturité possible. Parfois, certains crachent leur Valda de manière agacée pensant que leur supérieur était évidemment au courant. Ce qui revient à oublier que leurs managers ne sont pas omniscients et qu’il est bon de communiquer au jour le jour pour éviter ces sursauts de prise de conscience.
Motivation
Dans tous les cas, la position de victime est rarement une bonne idée. Les collaborateurs ont plutôt intérêt à montrer leur capacité à se remettre en question et à aller de l’avant. "Nous avons eu le cas d’une personne qui avait passé une mauvaise année car son secteur faisait face à une mauvaise conjoncture. Le problème, c’est qu’elle a perdu en motivation malgré l’énergie que j’ai consacrée pour inverser la tendance, précise Solène Vivier. Si une personne est motivée, il n’y a pas de débat sur le fait qu’elle ait tout donné et on peut trouver des solutions." Dans le cas inverse, difficile de rebondir.
De la même manière, les managers ne doivent pas enrayer cette motivation. Si les douches froides peuvent réveiller certains collaborateurs, d’autres en sortent complètement abattus. Une façon d’éviter ce mauvais pas ? "Nous accompagnons toujours nos critiques de conseils", précise Solène Vivier.
Relativiser
Enfin, chacun est invité à relativiser l’exercice qui n’est ni plus ni moins qu’un point d’étape. "Il ne s’agit pas de réussir un examen, rappelle l’associée de WOM. Il n’y a pas d’enjeux derrière un entretien annuel. L’année se joue toute l’année." Karine Trioullier estime, elle aussi, qu’il faut savoir faire un pas de côté pour gagner en maturité professionnelle. "Un entretien annuel ou la note qui en découle reflète une personne sur un poste dans un contexte donné. Cela ne devrait pas impacter l’estime de soi." Alors poussons la porte avec conviction quels que soient nos résultats.
Olivia Vignaud