Plus de 700 entrepreneurs ont signé une tribune parue dans Les Échos à l’initiative de Thomas Burbidge (podcast Young, Wild & Freelance) afin de faire barrage au Rassemblement national aux prochaines élections législatives. Les indépendants et dirigeants d’entreprise souhaitent également porter sur un temps plus long leurs convictions politiques, estimant que leurs besoins et leurs idées ne sont pas assez entendues dans le débat public.

Décideurs. Vous prenez la parole avec d’autres entrepreneurs et indépendants sur les élections législatives à venir. Pourquoi ?

Laure Dodier. Il n’est pas dans les habitudes des entrepreneurs d’aller dans la rue. D’ailleurs, depuis que nous prenons la parole, certaines personnes réagissent en nous disant n’avoir rien à faire de pour qui nous votons, comme si les entrepreneurs et les indépendants n’étaient pas légitimes à le faire. Nous sommes invisibilisés. Or, nous avons beaucoup de choses à dire. Nous avons envie de montrer que notre dépolitisation est très problématique. Des choses sont faites, ou non, sur les sujets qui nous concernent et nous ne réagissons pas. Nous devons demander des comptes. Entreprendre, c’est politique. Les entrepreneurs participent à faire de la société ce qu’elle est, ils prennent des décisions selon leurs valeurs, c’est ultra politique. Cette espèce de tabou qui dit qu’il ne faudrait pas tout mélanger n’est pas fondé.

Vous avez corédigé avec un noyau d’entrepreneurs une tribune paru le 17 juin dans Les Échos. Qui en sont les signataires ?

En une semaine, nous avons réuni plus de 700 signatures, avec des profils variés allant d’entrepreneurs freelances à des dirigeants de start-up et PME. Nous réunissons des profils variés de tous bords politiques et ne donnons pas de consignes de vote. Néanmoins, nous ne sommes pas neutres envers le Rassemblement national dont nous ne voulons pas qu’il prenne le pouvoir. Notre objectif est double : parer à l’urgence en faisant en sorte que les entrepreneurs ne s’abstiennent pas et lutter contre les idées d’un parti qui va à l’encontre des valeurs prônées par l’entrepreneuriat. Nous souhaitons aussi continuer à faire entendre notre voix. Il ne s’agit pas d’être actifs pendant trois semaines puis ne plus rien faire. Nous voulons faire remonter nos besoins et idées aux élus. Il est aussi urgent de prendre la parole pour que les partis politiques tiennent compte de notre réalité.

Sur quels types de sujets pourriez-vous monter au front ?

Parmi ceux qui émergent, il y a le sujet de la réforme de l’assurance chômage. Réduire la période d’indemnisation de deux à un an est problématique pour les anciens salariés qui veulent se lancer dans l’entrepreneuriat. Cela va avoir un impact sur les créations d’entreprises puisque les dirigeants auront moins de temps devant eux pour lancer une activité. Pourtant, cet argument n’a pas été mis sur la table pendant les débats. Autre volet sur lequel avancer : la gestion des parcours de créations d’entreprises, avec des entrepreneurs qui oscillent entre l’Urssaf et la CCI, ce qui est une perte de temps. La protection sociale est également un problème. Lorsqu’une femme est entrepreneuse depuis moins de trois ans, elle ne bénéficie pas d’un congé maternité rémunéré décemment. Par ailleurs, souvent les politiques résument les indépendants et les chefs d’entreprise à des sujets liés à l’économie et à la fiscalité. Nous sommes plus que cela car nous sommes sur le terrain au jour le jour et travaillons à trouver des solutions à des problématiques qui touchent la société. Avec le développement des réseaux sociaux et des communautés, nous avons le pouvoir, même lorsque nous sommes seuls dans notre entreprise, d’avoir un impact. Nous allons l’utiliser.

"Il est aussi urgent de prendre la parole pour que les partis politiques tiennent compte de notre réalité"

Est-ce plus facile pour des indépendants de prendre la parole que pour les dirigeants de grandes entreprises par exemple ?

On pourrait penser que les indépendants prennent moins de risques. En réalité, si un client n’est pas d’accord avec notre prise de position publique, étant donné la taille de nos business, cela pourrait avoir un impact sur notre activité. Mais nous sommes des personnes de convictions, qui savent prendre des risques. Nous ne jugeons pas ceux qui ne prennent pas la parole mais demandons aux gens d’aller voter. En ce qui me concerne, mes déclarations sur le sujet ne sont pas un problème. Avec le slowpreneuriat, je suis déjà très engagée pour faire bouger les lignes, notamment sur des sujets sociaux et économiques. Donc personne dans ma communauté ne s’étonne de l’initiative politique à laquelle je participe. C’est le cas également d’autres co-rédacteurs de la tribune.

Vous faites tout de même face à quelques reproches. Quels sont-ils ?

Beaucoup nous reprochent de ne pas nous opposer à tous les extrêmes, c’est-à-dire à LFI en sus du Rassemblement national. N’oublions pas que le Conseil d’État l’a acté : le Rassemblement national est bien d’extrême droite alors que LFI n’est, selon lui, pas d’extrême gauche. Ce qui veut dire que le premier contrevient davantage aux valeurs républicaines. Le débat autour des deux extrêmes ne fait que détourner l’attention du vrai sujet et atténue la dangerosité du RN. En outre, LFI n’a pas fait 31 % aux élections européennes. Il s’agit donc moins d’un danger immédiat. Ensuite, le parti est inclus dans le Front populaire, ce qui donne l’espoir que les individus qui tiennent des propos problématiques seront raisonnés par le socle social auquel ils sont rattachés.

Propos recueillis par Olivia Vignaud

copyright photo : Géraldine Bramonte

 

Pour en savoir plus :

"Nous sommes un mouvement d'entrepreneur es de tous horizons qui refusent d'avoir peur du mot "politique" et qui veulent que notre écosystème entrepreneurial français se BOUGE pour faire une différence face à la possibilité très concrète d'une majorité du Rassemblement National aux législatives." Pour lire la tribune, cliquez-ici

 Les co-auteurs

Thomas Burbidge, Créateur du podcast Young, Wild & Freelance

Nina Ramen, PDG de RamenTaFraise 

Laure Dodier, fondatrice de Ma Slow Boîte

Marine Alari, fondatrice et CEO de Le Kocon

Laura Besson, fondatrice de Bien dans ta Boîte

Chloé Lécrivain, fondatrice de Les Collectives

Alexandre Dana, co-fondateur de LiveMentor

Léa Niang, consultante en communication inclusive

Brice Schwartz, créateur du podcast Smart Freelancing

Aperçu des signataires

Laetitia Vitaud, directrice Cadre Noir

Alain Bosetti, président Groupe En Personne (créateurs du Salon SME)

Gwénaëlle Gonzalez, co-Fondatrice Nuoo

Sébastien Garcin, président de YZR

Carlos Diaz, Hôte du podcast Silicon Carne

Emilien Pecoul, co-fondateur SuperIndep.fr 

Emilie Frieldi, fondatrice du Programme MÈRES

Pauline Trequesser, fondatrice du collectif COSME

Alexis Minchella, créateur de Tribu Indé

Sébastien Thomas, co-fondateur et CEO de DataGalaxy

Rémi Cournil, co-fondateur de Cohortz

Flavie Prévost, hôte du podcast Le Board

Quentin Lacointa, co-fondateur de Trezy

Charly Gaillard, fondateur et CEO de Beager, et président du Lab Pareto

Virginie Delalande, CEO de Handicapower et conférencière internationale

Maëlle Chassard, Co-PDG et co-fondatrice de Lunii

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