Hervé Novelli, secrétaire d’État au commerce, avait clairement indiqué au mois d’octobre 2009 que la LME devait être appliquée et qu’elle le serait, dénonçant certaines clauses iérées da les contrats d’eeigne.

Hervé Novelli, secrétaire d’État au commerce, avait clairement indiqué au mois d’octobre 2009 que la LME devait être appliquée et qu’elle le serait, dénonçant certaines clauses insérées dans les contrats d’enseigne. Dès le début novembre 2009, une rafale de neuf assignations a marqué le paysage de la grande distribution française, avec l’assignation de Carrefour, Auchan, Système U, Casino, Leclerc, Cora, Intermarché, Castorama et Darty.



Le premier jugement a été rendu, le 6 janvier 2010, moins de deux mois après l’assignation de Castorama !

Le message est fort ; il est lisible et clair !
Le ministre de l’Economie demandait au tribunal de commerce de Lille :
« Dire et juger que l'obligation, à la charge du fournisseur, de verser à chaque fin de mois à Castorama France des acomptes de ristournes et remises, crée un déséquilibre significatif dans les droits et les obligations des parties au profit de Castorama ;
- Dire et juger que le fait d’imposer une modalité de paiement par virement crée un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au détriment du fournisseur ;
- Dire et juger qu’en continuant à faire payer des acomptes, alors même que leurs montants ne correspondent plus aux obligations auxquelles le fournisseur s’est engagé, Castorama impose à son profit des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;
- Dire et juger que les pratiques incriminées sont fautives au sens de l’article L.442-6-I-2° du Code de commerce ;
- Enjoindre à Castorama de cesser les pratiques dénoncées ;
- Condamner Castorama  au paiement d’une amende civile de 2 000 000 €.
»

Que répond le tribunal de commerce de Lille ?


LE TRIBUNAL CONDAMNE LE VERSEMENT D'ACOMPTES MENSUELS SUR RISTOURNES ANNUELLES

Castorama a imposé à ses fournisseurs en 2009 le paiement d’acomptes mensuels au titre des RFA. 
Jusqu’au 31 décembre 2008, la rémunération de la coopération commerciale et des services distincts donnait lieu au versement d’acomptes généralement trimestriels déterminés sur la base du chiffre d’affaires réalisé au cours de l’année « n -1 » ou du chiffre d’affaires prévisionnel de l’année « n ». La rémunération de ces services a fortement chuté en 2009 au profit d’une montée en puissance des conditions particulières de vente exprimées sous forme de RFA. Les modalités de paiement connues ont été naturellement reprises pour le versement de ces ristournes, compte tenu du caractère émi-nemment inflationniste des CPV, mais avec une fréquence mensuelle.

Ces modalités de paiement sont dénoncées au regard des délais de paiement pratiqués par Castorama pour payer ses fournisseurs, qui révèlent un écart de deux à trois mois défavorable aux fournisseurs et ce, alors même que Castorama étant une GSB, elle bénéficie d’un accord dérogatoire lui permettant de ne pas appliquer les nouveaux délais de paiement issus de la LME (cf. accord sur le bricolage : décret du 29 avril 2009).

Cette asymétrie de conditions de paiement est mise en avant par le tribunal :
« […] cette pratique d’acomptes mensuels se traduit inévitablement par une dégradation du fonds de roulement des fournisseurs ; qu’elle induit pour eux des besoins de trésorerie accrus et génère des coûts financiers supplémentaires. ». 

Les juges lillois sont d’autant plus sévères que lors de la discussion de l’accord sur les délais de paiement dans le domaine du bricolage, le Conseil de la concurrence avait insisté sur la différence de traitement inacceptable des débiteurs selon qu’il s’agissait d’un distributeur ou d’un industriel, avec une différenciation entre le règlement du prix des produits aux fournisseurs et le règlement des sommes dues aux distributeurs au titre des prestations de services. 

Les juges critiquent de plus le taux des pénalités de retard fixé à un taux journalier de 1 %, certes avec un plafond de 10 %, en le qualifiant d’« usuraire » et ce, d’autant plus que le règlement de ces pénalités intervient par compensation, en les déduisant directement des règlements dus aux fournisseurs.

Les magistrats lillois précisent d’ailleurs qu’une telle compensation est contestable !
Le tribunal conclut dès lors que la pratique consistant à exiger le versement d’acomptes mensuels, mis en place par Castorama en 2009, est abusive et qu’une telle pratique crée un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties en faveur de Castorama, tel que prévu par l’article L.442-6-I-2° du Code de commerce.


LE TRIBUNAL CONDAMNE EN OUTRE L'OBLIGATION DE PAIEMENT PAR VIREMENT IMPOSEE AUX FOURNISSEURS

Ce n’est pas tant l’utilisation du virement bancaire qui est, selon le tribunal, « un moyen de paiement pratique, sûr et économique », qui est contestée par l’administration, dans un premier temps, puis condamnée par le tribunal, dans un second temps, que l’imposition du virement au titre du règlement des acomptes par Castorama à ses fournisseurs.

Le tribunal de commerce de Lille s’étonne, en outre, que la compensation, cette fois demandée par certains fournisseurs au titre du paiement de ces acomptes avec le règlement du prix de leurs produits, n’ait pas été acceptée par Castorama.


LES MAGISTRATS LILLOIS SANCTIONNENT DE PLUS L'ABSENCE DE CLAUSE DE MODIFICATION DES ACOMPTES EN COURS DE CONTRAT

Dès lors que pour telle ou telle raison, le fournisseur et le distributeur s’aperçoivent que le chiffre d’affaires estimatif envisagé au cours de l’année ne va pas être réalisé, il apparaîtrait logique que soit prévue contractuellement la possibilité de diminuer le montant des acomptes dont l’assiette de calcul est justement constituée par le chiffre d’affaires prévisionnel.
Au vu de ces constatations, le tribunal de commerce de Lille considère que ces pratiques sont abusives, fixant le montant de l’amende à 300 000 € versus les 2 000 000 € demandés.

Ce premier jugement démontre la volonté du gouvernement et de son administration de faire appliquer dans toute sa rigueur, mais aussi dans tout son esprit, la LME. Les magistrats consulaires ont souhaité diffuser un message d’une grande clarté quant à l’appréciation qu’ils porteront sur les contrats des enseignes nationales alimentaires ou spécialisées.

Attendons à présent les huit autres jugements, qui ne sauraient tarder.

Juin 2010

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