Rencontre avec la directrice des ressources humaines du groupe Kering.

Dans l’une des entreprises les plus féminisées du CAC 40, le capital humain est entre les mains d’une Hispanique, Belén Essioux Trujillo. Et lorsqu’elle me reçoit dans le discret siège social de Kering, niché en bas de l’avenue Hoche, la DRH globe-trotteuse ne perd pas son sourire malgré ses incessants voyages.

 

Dans le parcours de Belén Essioux Trujillo, il y a un goût d’excellence. Telles les élites françaises, elle opte très vite pour la combinaison magique : une grande école, l’Icade à Madrid et un géant du conseil, le Boston Consulting Group. Mais parce qu’elle croit à la richesse des parcours, elle opère son premier changement de cap en 1993.


Une femme de changement


Et quel changement ! Nouveau pays, la France, nouvelle langue, nouveau challenge et nouveau métier, les ressources humaines. Année après année, elle apprivoise la fonction dans des fleurons de l’économie française : PSA, Valeo, Danone puis Hermès. Du changement, toujours du changement ! Gestion des ressources humaines, développement des carrières, mobilité internationale, elle se constitue ainsi une palette complète d’interventions. Aujourd’hui, celle qui est devenue directrice des ressources humaines du groupe Kering, l’affirme : « Le métier gagne à être pratiqué dans des contextes divers, selon différents points de vue.  Les expériences que j’ai eues sont complémentaires. » 


Une chef d’orchestre au cœur de la transformation


En 2012, Belen Essioux-Trujillo retient l’attention de François-Henri Pinault dont le nouveau plan stratégique est de transformer le conglomérat PPR en organisation intégrée autour de deux segments : le luxe et le sport & lifestyle. L’ambitieuse n’hésite pas un instant lorsque le patron lui propose ce défi de taille. Convaincue que la fonction RH est au cœur de la transformation des entreprises, l’Espagnole affiche, dès son arrivée dans le groupe, plusieurs priorités dont la création d’une culture commune autour de la marque Kering. « En France, le groupe ne concentre que 6 % des effectifs, c’est la raison pour laquelle la maison mère doit se faire connaître au-delà de l’Hexagone » souligne-t-elle. Autre champ d’action, la gestion et le développement des talents sont intimement liés à l’approche business du groupe : l’épanouissement des clients à travers les produits. En véritable business partner, la DRH remet donc l’objectif stratégique en perspective : « Nos collaborateurs doivent s’épanouir pour donner la note de magie et de rêve à nos produits. La mobilité interne notamment est un outil qui permet de favoriser la diversité des opportunités, la variété des parcours et ainsi le développement de nos ressources. » Elle se félicite-t-elle aujourd’hui «  Nous devenons toujours les jours un peu plus intégré. »


Une femme engagée 


Le groupe se reflète en une DRH dont le rôle semble lui coller à la peau. Engagé, Kering porte sa responsabilité sociale à travers des actions ciblées, notamment en matière de parité et de diversité depuis de nombreuses années. N’y voyez pas quelque heureux hasard si une femme d’origine espagnole porte haut ces valeurs. Enthousiaste et dynamique – ce ne sont pas ses collaborateurs qui diront le contraire –, elle est l’une des membres actives du conseil d’administration de la Fondation Kering pour la dignité et les droits des femmes, elle a mis en place une campagne interne contre les stéréotypes de genre « Hunting Down Stereotypes » et participé à l’élaboration d’un programme de leadership au féminin. Celui-ci a d’ailleurs donné des envies côté collaborateurs. En France, le programme de mentoring initialement réservé aux femmes a été ouvert aux hommes en 2014 et déployée à l’international en Asie et en Italie dans sa version locale. 


Deux convictions font écho à cet engagement : « Je pense qu’il faut cultiver le côté féminin de l’homme et vice versa », ose-t-elle. « Quant aux quotas, certes ils permettent de suivre des indicateurs, mais ce sont aux femmes de manifester leur envie de se développer chez nous. » Et le groupe a bien compris qu’il faut montrer l’exemple : pour le pôle « Luxe – Montres et Joaillerie », deux directeurs généraux sur cinq sont des femmes ; et 36 % des sièges du conseil d’administration sont occupés par des femmes.


Si on lui demande quelle marque du groupe elle serait, elle ne peut répondre car elle s’imagine ressembler un peu à chacune d’entre elles. Un parfum Saint Laurent, un beau livre sur Gucci ou encore une écharpe Puma, les marques ont toutes leur place dans le bureau de l’attentionnée DRH qui se voit en chef de tribu plutôt qu’en chef d’équipe. « Je crois à la collaboration avec les DRH des marques pour être à la fois puissant au niveau global et au niveau local en maintenant une grande proximité avec les collaborateurs dans chaque pays. » Mère d’un projet complexe avec un objectif ambitieux, Belén Essioux Trujillo veille sur les 37 000 talents qui font et feront le succès du géant dans sa nouvelle aventure.
 

Julie Atlan

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