Le rapprochement entre le London Stock Exchange et Deutsche Börse, qui devrait se confirmer le 22 mars prochain, va révolutionner le secteur et mettre en danger Euronext.

La fusion entre le London Stock Exchange (LSE) et Deutsche Börse prendrait la forme d’un mariage entre égaux. Francfort possèderait 54,4 % des parts de la nouvelle holding, contre 45,6 % pour le LSE. Une répartition avantageuse pour ce dernier, valorisé à 11,7 milliards d’euros, tandis que la Bourse allemande est estimée à 15,2 milliards d’euros. Suite à cette annonce, l’opérateur britannique a vu son cours grimper de 16 %. Mais rien n’est encore confirmé. Intercontinental exchange (ICE), l’un des trois acteurs majeurs de la scène internationale, qui possède entre autres le New York Stock Exchange (Nyse) et Euronext, préparerait une contre-offre pour empêcher la fusion. D’un autre côté, Bruxelles et les autorités de la concurrence pourraient désapprouver cette alliance qui permettrait aux deux entités, déjà fiancées, de survoler le marché européen. « Alors que 72 % des introductions en Bourse en Europe se font déjà sur le London Stock Exchange, cette fusion pourrait poser un problème de positionnement concurrentiel pour Euronext », précise Jérôme Laurre, associé et managing partner chez Degroof Petercam. La nouvelle plate-forme boursière détiendrait 45 % des parts de marché en Europe. Une omniprésence qui la ferait s’élever au niveau des poids lourds mondiaux tels qu’ICE, Chicago Mercantile Exchange et Hongkong Exchange. « L’enjeu c’est d’avoir une envergure de taille pour concurrencer les groupes les plus influents de la scène mondiale. L’Europe a besoin d’un champion qui puisse rivaliser avec les Bourses américaines et celle de Hong Kong. Cependant, il reste à convaincre les autorités de la concurrence », ajoute John Colley, un spécialiste des grandes fusions et professeur à la Warwick School.

 

300 millions d’euros d’économies

 

Selon Jérôme Laurre, « ce rapprochement permettrait au LSE et Deutsche Börse de faire des économies de back-office et d’infrastructure informatique de 300 millions d'euros ». De plus, les volumes d’actions échangés seraient décuplés et les capacités d’investissement renforcées. Un avantage important à l’heure où le rachat des fintech devient un enjeu de développement et d’attractivité primordial. À l’image de la Bourse de Francfort, qui a déjà fait l’acquisition de la start-up 360T et de l’indice suisse Stoxx. L’autre point important, c’est l’absence de concurrence frontale entre les deux opérateurs boursiers. Une complémentarité encore plus nette depuis que le LSE, qui détient aussi la Bourse de Milan, s’est offert la chambre de compensation bruxelloise, LCH Clearnet. L’opération serait également rentable pour les groupes côtés qui verraient leurs coûts de cotation et de transaction diminuer. Une tendance qui pourrait faire perdre des parts de marché à Euronext.

 

Euronext mis à mal

 

Rachetée par ICE en 2013, la Bourse paneuropéenne avait alors revendu des plates-formes actions Nyse et des produits dérivés à ICE. Après avoir cédé son organisme de compensation au LSE, l’opérateur qui ne pèse aujourd’hui que 2,6 milliards d’euros, semble condamné à devenir un marché boursier de second plan. Stéphane Boujnah, le P-DG, qui n’a pas souhaité s’exprimer sur l’affaire, semble à court de moyens pour sortir la tête de l’eau. Mais si Bruxelles juge le rapprochement entre Londres et Francfort trop déloyal, la nouvelle entité devrait se séparer de la chambre de compensation de LSE au profit d’Euronext. Ce dernier pourrait alors se spécialiser sur le marché des produits dérivés de gré à gré qui, selon Jérôme Laurre, « représente un marché mondial de 600 000 milliards de dollars ».

 

R. T.

 

La réaction de De Marc-Antoine Guillen, P-DG d'Invest CF (1)

« En période de Brexit, laisser les Bourses londonienne et allemande fusionner est une aberration. Pour rappel, la Commission européenne avait empêché notre place, Euronext, de se rapprocher de Deutsche Börse... »

 

(1) Retrouvez son interview complète ici

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