Le président d'Engie ne cache pas sa volonté de faire de son groupe l'un des acteurs majeurs de la transition énergétique et attend beaucoup de la COP 21, à la fin de l'année. Entretien.

Décideurs. Lors du Business & Climate Summit, en mai dernier, vous avez déclaré que "chaque tonne de carbone émise doit être pénalisée" et que ce prix devait être "suffisamment élevé pour peser dans les décisions".  Anticipez-vous déjà un prix du carbone dans vos décisions ? 

Gérard Mestrallet. Nous sommes convaincus de la nécessité de donner un prix au carbone et mettre en place un marché mondial pour lutter de manière efficace contre le réchauffement climatique. C’est la boussole du climat et le meilleur moyen de réussir à réduire les émissions de gaz à effet de serre. J’ai d’ailleurs plaidé en ce sens à l’ONU l’an passé et nous avons signé la déclaration de la Banque mondiale. Un mécanisme de prix du carbone cohérent est en effet indispensable pour investir dans la bonne direction. L’Europe a décidé, comme nous le défendions au sein du groupe Magritte, d’anticiper à 2019 la mise en place d’un mécanisme de stabilité pour le marché carbone européen. En Amérique du Nord, de grands États tels que la Californie aux États-Unis ou la Colombie-Britannique au Canada ont opté pour des marchés carbone. La Chine également avance très vite. La COP21 à Paris fin 2015 sera à ce titre particulièrement déterminante et nous espérons que cette conférence aboutira à un accord global sur cette question. De son côté, Engie s’est engagé à réduire de 10 % ses émissions spécifiques de CO2 d’ici à 2020 et de doubler sa capacité en énergies renouvelables d’ici 2025 en Europe. Nous croyons également beaucoup au développement de l’efficacité énergétique qui occupe près de 100 000 personnes dans le groupe.

 

Décideurs. Engie a lancé un fonds corporate de 100 millions en 2014 pour les cleantechs. Sur quels projets déployez cette enveloppe ?

G. M. Le secteur de l’énergie est en plein bouleversement. Nous passons d’un système de production centralisé d’énergie, avec de grosses unités de production, à une énergie de plus en plus décentralisée, de plus en plus miniaturisée, produite au plus près des zones de consommation. Grâce aux technologies numériques, le client souhaite aujourd’hui piloter lui-même sa production d’énergie, maîtriser sa consommation et réduire son empreinte carbone. Fort de ce constat, nous avons fait évoluer nos métiers afin d’accompagner cette évolution, au plus près de nos clients. L’innovation, à tous les niveaux, est également essentielle. J’ai décidé de créer l’an dernier une direction dédiée dont l’objectif est de stimuler l’innovation tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du groupe. Parmi nos actions, nous avons ainsi créé un fonds dédié au financement des start-up innovantes, doté de 100 millions d’euros. Nous avons à ce jour investi dans quatre start-up, sur des sujets variés, en France comme à l’international : l’efficacité énergétique pour le marché B2C avec la société Tendril aux États-Unis, les drones avec Redbird en France, les objets connectés avec Sigfox, la mobilité verte avec la société belge Powerdale.

 

Décideurs. Pourquoi misez-vous sur les cleantechs ?

G. M. Pour faire évoluer les mentalités, nous sommes convaincus que nous devons nous inspirer de ce qui se passe en dehors de l’entreprise et nous confronter le plus possible aux besoins de nos clients et à l’évolution des marchés. Notre démarche vise ainsi à détecter toutes les nouvelles sources d’innovation pour nos métiers et à choisir la forme d’accompagnement la plus adaptée. C’est pour cela que notre action comporte une large palette de moyens d’action, du partenariat à la prise de participation minoritaire, en passant par des appels à projet ou des soutiens à l’incubation. Ceci nous permet de soutenir et d’encourager le processus d’innovation au sein de structures plus légères et plus souples, plutôt qu’au sein d’un grand groupe, dont les processus internes ne correspondent pas toujours aux besoins d’agilité et de réactivité de start-up.

 

Décideurs. Le groupe est par ailleurs leader de l’éolien terrestre et en mer. Pourquoi avez-vous fait le choix de parier sur ces énergies ?

G. M. Nous avons toujours fait le choix d’un mix énergétique diversifié, composé de toutes les sources d’énergie. Les énergies renouvelables y occupent à ce titre une place de choix, et l’éolien tout particulièrement. Il s’agit d’une source propre et disponible, qui peut facilement être couplée avec le gaz naturel par exemple. Nous sommes leader de l’éolien en France et nous disposons de positions très significatives dans d’autres régions du monde, notamment en Amérique latine et en Afrique. Nous exploitons d’ailleurs le plus grand parc éolien d’Afrique à Tarfaya au Maroc de 300 MW. Nous souhaitons également développer l’éolien en mer, qui offre des perspectives très intéressantes en France et en Europe. Dans l’Hexagone, nous menons d’ailleurs les projets du Tréport et des Iles d’Yeu et Noirmoutier pour deux parcs de 500 MW chacun. L’éolien n’est pas la seule énergie renouvelable développée par Engie. Le groupe est récemment devenu également numéro 1 du solaire en France et nourrit de très fortes ambitions dans ce domaine. Nous sommes convaincus que le développement des ENR permettra d’accompagner la transition vers une production d’énergie plus respectueuse de l’environnement et moins émettrice de CO2.

 

Propos recueillis par Julie Atlan 

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