Réformée pour rendre la procédure plus attractive pour les chefs d’entreprise et plus souple pour les créancie, la loi de sauvegarde a été vendue comme une bouée de sauvetage pour les entreprises sous LBO en difficulté. Mais après quelques mois d’application, l’impression est plus mitigée tant le sort des créancie et des cibles opérationnelles est incertain.

Réformée pour rendre la procédure plus attractive pour les chefs d’entreprise et plus souple pour les créanciers, la loi de sauvegarde a été vendue comme une bouée de sauvetage pour les entreprises sous LBO en difficulté. Mais après quelques mois d’application, l’impression est plus mitigée tant le sort des créanciers et des cibles opérationnelles est incertain.  

Contractée aux temps où les valorisations étaient audacieuses et les perspectives de cash-flows futurs surévaluées, la dette est devenue la plus grande des hantises pour les entreprises sous LBO. Elles se trouvent désormais dans une sécheresse économique qui fait plus que compromettre leur remboursement.

Face à ces entreprises, les créanciers sont de moins en moins enclins à négocier un rééchelonnement de la dette ou à accorder un waiver aux holdings asséchées.
Désormais, ils exigent le remboursement dès le premier écart par rapport au calendrier ou aux montants. Cette situation entraîne le démantèlement de la société opérationnelle. La procédure de sauvegarde ouvre une période d’observation, où toutes les poursuites sont gelées et le cours des intérêts interrompu.
 

Une opportunité salvatrice pour les LBO défaillants


La loi de sauvegarde du 26 juillet 2005 a été réformée et assouplie par l’ordonnance n°2998-1345 du 18 décembre 2008. Elle est entrée en vigueur le 15 janvier 2009.

Pendant cette procédure, le débiteur est mis à l’abri des revendications des créanciers pour préparer un plan de sauvegarde. Son but, élaborer conjointement par les différents acteurs et soumis au contrôle du juge, est de mettre sur place un cadre de redressement de l’entreprise et de restructuration de la dette. Perspective particulièrement alléchante pour les LBO dont l’insoutenabilité de la dette est le premier facteur de faillite.

Mais alors que la procédure de sauvegarde s’imposait comme un remède contre les risques de cessation de paiements, la mouture de juillet 2005 ne permettait pas d’y recourir aisément. Plus encore, elle présentait des déficiences du point de vue de la protection des créanciers et du débiteur.

L’ordonnance du 18 décembre 2008 a corrigé certaines de ces carences. Elle rend la procédure plus accessible et plus équilibrée. La loi de sauvegarde permet à une entreprise d’anticiper ses difficultés de trésorerie et de solvabilité et organise un dialogue avec les créanciers et les fournisseurs. Alors qu’elle s’inspire de la tendance anglo-saxonne de protection accrue des créanciers, elle n’entend pas sacrifier l’intérêt social de l’entreprise et des salariés. C’est tout à fait ce qu’il manquait aux LBO défaillants dont le sort se résume trop souvent soit au démantèlement de la structure au profit des créanciers, soit à une pression sur eux en vue de restructurer la dette.
 

Les créanciers mis à l’honneur


Les créanciers ont constitué un des points fondamentaux de la réforme. Objectifs : apaiser les rapports entre prêteurs, management des fonds et cible opérationnelle. Désormais, tous les créanciers seront en mesure de participer aux comités des créanciers : hedge funds, fonds CDO / CLO et autres établissements de crédit fixés prochainement par un décret du Conseil d’État.

Point particulièrement important pour les LBO, où l’extrême diversité des détenteurs du crédit s’accommodait mal des comités auparavant drastiquement limités par la mouture de 2005. Le calendrier a également été assoupli par la nouvelle mouture : les créanciers disposent désormais de six mois pour se constituer, étudier le plan élaboré et décider s’ils l’acceptent ou le rejettent.  

Le temps de l’unanimité si cher au système français est révolu : la prise de décision des comités se fait à la simple majorité des 2 / 3 des montants des créances détenues par les votes exprimés au lieu de la double majorité. Les créanciers qui possèdent des intérêts minoritaires ne peuvent plus bloquer l’application du plan, ce qui accélère et rend plus fluide le processus d’élaboration et d’application du plan.

De ce point de vue, la  procédure de sauvegarde incite à appliquer un pré-pack négocié en amont entre investisseurs et créanciers, mais qui n’aurait pas pu être mis en œuvre en raison du désaccord ne serait-ce que d’une infime partie des créanciers.  

Ce changement est salutaire pour le management, mais son impact sur les créanciers sera étroitement lié à chaque cas et dépendra de leurs aptitudes à trouver une solution qui ne désavantage personne.

Par exemple, dans le cas d’Autodistribution, les investisseurs se sont assurés du soutien de 67 % des créanciers, mais « le plan est cependant structuré pour que même les créanciers ayant voté contre puissent en profiter par la suite », notent Nicolas Laurent et Raphaële Courtier, associés de Bredin Prat et conseils de Towerbrook.
 

L’ordonnance dans la pratique


La plus grande accessibilité de la procédure requiert une vigilance accrue en ce qui concerne l’appréciation par les tribunaux. Si l’ouverture de la procédure est accordée de manière quasi systématique, elle risque de devenir un facteur de désaffection des banques pour le private equity.

Il est nécessaire que la procédure ne devienne pas un motif d’affaiblissement de la validité future des contrats de prêts, ni une menace pour forcer les créanciers à se plier aux exigences des LBO.

Si de trop nombreux LBO brandissent cette arme, l’effet boule de neige ne tardera pas à suivre : réticence des banques à accorder un prêt aux fonds, durcissement des relations fonds / banques et négociation de clauses hyper protectrices des prêteurs.

 

 

Une arme anti-créanciers ?


Comme toute procédure collective, la sauvegarde n’est pas à l’abri d’une exploitation abusive par les entreprises souhaitant contourner ou abolir leurs obligations face aux créanciers. Le chef d’entreprise n’ayant plus à prouver qu’il est au bord de la cessation de paiement, le placement en sauvegarde peut répondre à des objectifs très divers. Par exemple, échapper aux revendications des créanciers qui exigent un rééchelonnement de la dette défavorable à l’entreprise ou dont les conflits d’intérêts en fonction de leur séniorité rendent les négociations ardues.

La sauvegarde de Cœur Défense a été ouverte pour un simple problème technique de couverture des taux d’intérêts.  Le cas Belvédère est encore plus énigmatique : la sauvegarde a été accordée par le tribunal de Beaune alors que Belvédère ne semblait pas avoir de problèmes financiers graves. Le plan d’action de désendettement n’avait même pas été communiqué aux créanciers. Dans son article l’avenir des LBO face à la crise, Jean-Charles Simon remarque très justement : « jusqu’alors, les LBO défaillants sur la place ont été peu nombreux et se sont quasiment tous réglés dans la confidentialité entre les banques et les fonds. L’activité des uns et des autres est liée ».

C’est dire que la procédure, en rendant ces négociations publiques et en introduisant une séparation manifeste entre intérêt social et intérêt des créanciers, risque d’exacerber les différends. Tout en ouvrant la voie au sauvetage des entreprises sous LBO, l’ordonnance ouvre la voie à un antagonisme entre banques et fonds, qui peut compromettre à long terme les opérations LBO.
 

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