Contre toute attente, le secteur du private equity (PE) ressort renforcé de la crise du Covid-19, tant au niveau de l’attrait de la classe d’actifs qu’au niveau de la résilience de ses performances. Sa présence dans les allocations d’actifs se démocratise alors que la disponibilité de produits de qualité s’élargit. Avec des performances au rendez-vous, un impact positif sur la diversification des portefeuilles et une démarche socialement responsable croissante, sa part dans les actifs totaux croit, que ce soit chez les institutionnels, les fonds de dotation et chez les ultra-high-net-worth (UHNW).

Le private equity, un succès continu en termes de collecte

Alors que l’on craignait que la pandémie mette fin à dix années d’or du private equity, force est de constater que la collecte a de nouveau atteint des niveaux records : 989 milliards de dollars collectés par les fonds de PE en 2020 (-10 % par rapport au pic de 2019) selon les chiffres collectés par Bain Capital auprès de Preqin et SPACInsider. L’analyse mérite une segmentation plus fine tant les sous-classes d’actifs sont spécifiques au sein du private equity : retenons que le buy-out (rachat d’entreprises avec effet de levier), stable, se taille toujours la part du lion avec près de 300 milliards de dollars levés, que les Special Purpose Acquisition Companies (SPAC)  quasi inexistants en 2018 ont atteint 41 milliards de dollars, et que les deux segments enregistrant les plus fortes hausses de collecte sur cinq ans sont le secondaire (achat de participations et de parts de fonds déjà existantes) et les infrastructures.

Plusieurs facteurs ont contribué à cette résilience, et en premier lieu probablement les politiques monétaires accommodantes menées aux quatre coins de la planète, mettant à disposition des investisseurs des ressources pour ainsi dire sans limites. D’autres, comme le rendement historiquement faible des obligations et le rendement négatif des fonds monétaires ont probablement poussé les investisseurs à prendre plus de risques, que ce soit du risque actions ou à travers l’investissement dans le non coté.

Une allocation d’actifs qui devrait encore progresser pour les UHNW

Cette tendance vers le private equity n’est pas nouvelle chez certains acteurs mais force est de constater que la présence des UHNW y est plus récente, tout au moins à ce niveau d’exposition. À titre d’illustration, la dernière étude Global HNW Insights Survey 2021 de Cap Gemini indique que seuls 14,2 % des fonds des HNWI sont investis dans les classes dites "alternatives", dont le private equity, mais aussi les structurés, les hedge funds, les dérivés, les devises et les matières premières. Pour l’Europe, ce chiffre ressort à 17,3 %. La part du private equity dans les allocations en Europe chez les UHNW est donc probablement de moins de 5 % alors que les hedge funds et les structurés y sont eux très présents. À titre de comparaison, le dernier rapport annuel du fonds de dotation de l’université de Yale montre que 41 % de ses 31,2 milliards d’actifs sous gestion sont investis en private equity, dont 23,5 % en venture capital et 17,5 % en leveraged buy-out. Plus étonnant, cette allocation était déjà de l’ordre de 30 % en 2010 et de 20 % en 2000. Chez sa consœur Havard, le taux était de 23 % l’an passé (actifs sous gestion de 41,9 milliards de dollars) et déjà de 16,2 % en 2010. De là à en déduire que ceux bénéficiant d’un horizon d’investissement long (propre d’un fonds de dotation) et d’une riche expérience dans le domaine (cinquante ans pour Yale qui a investi pour la première fois en leveraged buy-out en 1973) surpondèrent massivement le private equity…

Un apport en termes de rendement et de diversification

Certes, les rendements passés ne présagent pas des rendements futurs. On notera néanmoins que le segment du PE a enregistré sur une période récente mais aussi sur une période longue des rendements élevés. Ainsi, Bain Capital, s’appuyant sur des données de CEPRES Market Intelligence, note que pour les buy-outs de plus de 50 millions de dollars (hors immobilier et infrastructures), le multiple de sortie des fonds s’est élevé en moyenne à 2,35 fois sur la période 2005-2020. L’analyse de McKinsey, reposant sur des données Burgiss, converge et révèle des taux de rentabilité interne de 14 % sur la période 2000-2020 (fonds millésimés 2000-2017) ici pour l’ensemble des segments du private equity. Ce chiffre est corroboré par ceux de Russell Investments sur la période 2003-2018 qui indique pour sa part 12,8 % de rendement annuel (versus 9,3 % pour l’indice MSCI World).

En outre, sur la base de données annuelles entre 1994 et 2019, Factor Research a illustré la corrélation négative entre les actions (ici à travers le S&P 500) ou les obligations (ici emprunt d’État américain à dix ans) d’une part et le private equity d’autre part. Une décorrélation moins forte certes que celle offerte historiquement par les obligations face au S&P (-0,47) mais solide néanmoins (-0,15).

Ainsi, ajouter du private equity à un portefeuille d’actions cotées et d’obligations fait sens, que ce soit en termes de performance ou de diversification (baisse du risque moyen du portefeuille).

Private equity : ESG compatible ?

Si le private equity fait sens d’un point de vue financier, peut-il également intégrer le portefeuille d’un investisseur pour qui les critères ESG sont importants ? Oui, mais pas n’importe lequel des asset managers. Si TPG semble faire figure d’exemple à suivre (adoption des principes ESG, fonds à impact, fonds climat…), tous ne sont pas au niveau.

Certes on retrouve plus de 400 groupes de private equity parmi les signataires de Principles for Responsible Investment (PRI) de l’ONU, mais une faible part d’entre eux – selon l’Institutional Investor en 2021 – seize seulement, publieraient l’impact de l’ESG sur leurs performances financières et seule la moitié d’entre eux utiliserait ces critères dans le suivi de leurs positions.

Le private equity pour tous

Alors que l’accessibilité à des fonds de private equity de qualité n’a jamais été aussi grande, la question de l’allocation se pose plus que jamais. La part à y allouer dépend bien sûr principalement des objectifs du client, de son aversion au risque, de son horizon de placement et de sa structure patrimoniale actuelle.

Une fois déterminée, le family officer devra encore veiller à recommander des millésimes différents, des stratégies variées (venture capital, buy-outs, private debt, infrastructures, secondaire…), vérifier que les term sheets respectent l’intérêt de l’investisseur et enfin étudier les modes de détention optimaux (direct, assurance-vie, société à l’impôts sur les sociétés…). 

Philippe Darneau et Richard Houbron, Experts en Patrimoine

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