La maison de ventes tricentenaire Sotheby’s entre dans l’escarcelle de Patrick Drahi, plus connu pour ses investissements dans le secteur des télécommunications et des médias. Retour sur cette acquisition de prestige à 3,7 milliards de dollars.

Le 5 septembre dernier, le conseil d’administration de Sotheby’s, la célèbre maison de ventes aux enchères, donnait son feu vert à l’offre de rachat de Patrick Drahi. « Après plus de 30 ans de cotation en Bourse, le moment est venu pour Sotheby’s de revenir à la propriété privée pour continuer sur la voie de la croissance et du succès », argue Tad Smith, le PDG de Sotheby’s. Au prix de 3,7 milliards de dollars, l’homme d’affaires français, à la tête d’un empire dans les télécommunications et les médias (SFR, BFM, Libération, etc.), s’approprie une enseigne qui, avec Christie’s, domine le marché de l’art mondial. Bien que prestigieuse, cette acquisition a pourtant de quoi surprendre, tant par sa nature (pourquoi les beaux-arts ?) que par la structure financière du contrat.

Financement par LBO  

C’est grâce à sa holding BidFair USA, détenue à 100 % par Patrick Drahi, que ce dernier négocie son entrée au capital de Sotheby’s. Un montage financier qui obéit aux mécanismes du LBO dans lesquels il est passé maître. Le patron de SFR a déboursé 400 millions de dollars générés par des actions Altice USA vendues pour l’occasion. Des liquidités auxquelles s’ajoute un emprunt faramineux contracté auprès de BNP Paribas pour…. 3,3 milliards de dollars ! Rapidement, des voix se sont élevées contre cette opération : notamment RWC Partners, un actionnaire minoritaire (2,5 % du capital de Sotheby’s) qui soutenait haut et fort Taikang Life Insurance, un actionnaire de poids (17 %) qui n’a jamais été invité à faire une contre-offre. Pourtant, ce fonds semblait être un acquéreur plus évident que BidFair USA.
 
L’art pour l’art ?

La vraie question reste la motivation première de Patrick Drahi, difficile à déchiffrer. Si des dirigeants emblématiques ont cultivé une persona d’amateur d’art, le PDG français ne semble pas véritablement faire partie de ce cercle d’happy few. Frédéric Jousset (Webhelp), fils d’une ancienne conservatrice au Centre Pompidou, est administrateur du Louvre depuis 2016. Ou, encore, François Pinault a fondé un fleuron de la muséographie européenne, le Palazzo Grassi à Venise, et possède l’autre acteur de taille du marché de l’art, Christie’s. Quand il s’agit de Patrick Drahi, la piste des affaires, si elle est plus prosaïque, s’impose aussi comme la plus probante.

Sotheby’s assure une visibilité de premier plan à son nouveau propriétaire. Il n’est pas rare en effet qu’une vente aux enchères se transforme en campagne de publicité improvisée. Mais c’est surtout son business model qui a retenu l’attention de l’entrepreneur des télécoms. Depuis trente ans, Sotheby’s s’est beaucoup diversifié avec des pôles dans l’immobilier de luxe, les services financiers (le financement de prêts), l’expertise de matériaux ou la reconnaissance d’images. Une nécessité pour soutenir une croissance qui n’est pas forcément au rendez-vous : ainsi, le premier semestre 2019 accuse une baisse de 8,7 %. Autant dire que l’arrivée de Patrick Drahi, sa capacité à innover et à faire croître la valeur d’une société au-delà de son activité cœur de métier, arrivent à point nommé…

Nicolas Bauche

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