Depuis quelques mois, l'immobilier d'entreprise voit deux discours s’affronter : l’un voudrait que la situation soit particulièrement catastrophique, l’autre s'épargne tout catastrophisme pour évoquer, avant l’heure, une forme de reprise. La réalité s’inscrit dans un juste milieu, souvent infaillible mais rarement manœuvré.

Si l’on s’obstine à apprécier 2019 comme une année référence, le montant des volumes investis en immobilier d’entreprise en 2021 a quelque chose de décevant. Pour rappel, l’investissement, cette année-là, s’en était allé défier les 45 milliards d’euros. Si l’on s’attache, en revanche, à l’exercice 2017 et ses 27,6 milliards d’euros engagés, les 27,4 milliards de 2021 sont en droit de se féliciter de ne s’être pas trop laissé distancer et de brandir, comme pour justifier le différentiel de 200 millions d’euros, l’excuse en béton des deux années de crise sanitaire.

La guerre en Ukraine, parfois agitée comme prétexte à l’attentisme, ne devrait, si l’on décrypte la notion de “valeur refuge”, pas affecter drastiquement le marché de l’investissement en France. Si la typologie “bureaux” revendiquait le rôle d’agitateur des marchés, la réduction promise du parc tertiaire demeure le facteur principal d’immobilisme, désormais que toute l’industrie immobilière s’est résignée au principe du télétravail, et en a accepté les conséquences volumétriques.

Le verre à moitié vide

S’il est exagéré de parler de naufrage, il semble prématuré, audacieux, voire mensonger d’invoquer un rebond quand le bureau souffre encore des conséquences du télétravail ou que le commerce digère toujours son pendant numérique. Pourtant, cette désaffection profite au résidentiel comme à la logistique, tant que la fameuse résilience, les immuables fondamentaux, persistent à soutenir l’industrie immobilière. Au premier trimestre 2022, l’immobilier d'entreprise a enregistré un volume d’investissement de l’ordre de 5,3 milliards d’euros. Un montant inférieur aux archives de 2021, 2020, 2019 et 2018 mais supérieur à celles de 2017 et 2016. Il paraît alors ambitieux de suggérer une embellie, étant entendu que souligner une faille ne vaut pas cataclysme.

Le verre à moitié plein

En guise de réconfort, voici, dans l’ordre, les volumes investis depuis 2013 en milliards d’euros : 18,9 - 28,1 - 31,7 - 32 - 27,6 - 35,3 - 43,4 - 29 - 27,4. Une ode à la relativité qui autorise à déclarer, sans trembler, qu’à bien y regarder, tout ne va pas si mal. Un hymne à l’optimisme qui invite même à l’articulation de quelques plaisanteries à l’encontre de l’année 2013 et de ses 18,9 malheureux milliards d’euros. Plus l’on s’élève, plus dure est la chute. S’il est donc permis de ne pas considérer 2021 comme une année désastreuse, peut-être ces 27,4 milliards euros correspondent-ils, in fine, à une année correcte ? Peut-être l'année 2019 constituait-elle une anomalie ?

Plus grand objecteur d’Irma ou de Cassandre, briseur de boules de cristal, contradicteur de cartes et détracteur de rêves, l’avenir délivrera sa vérité lorsqu’il se conjuguera au présent, laissant chacun libre d’estimer le remplissage de son verre en l'attendant.

Alban Castres

Sources : BNP Paribas Real Estate, Immostat. 

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