Quelques jours après le placement en procédure de sauvegarde de sa maison mère, Rallye, Casino voit sa note abaissée par les deux agences de notation Moody’s et Standard & Poor’s.

Turbulences au sein de la maison Casino. Rallye, la holding qui détient 51,7 % du capital du distributeur, a été placée le 23 mai 2019 en procédure de sauvegarde par le tribunal de commerce de Paris. Jean-Charles Naouri, le PDG du groupe Casino a bâti une pyramide de holdings composée de Rallye, Foncière Euris, Finatis et Euris, également visées par la procédure qui s’étalera sur une durée maximale de dix-huit mois. Principal nœud du problème : la dette de chacune de ces quatre sociétés mères qui représente un total 3,295 milliards d’euros nets. Au lendemain de l’annonce du plan de sauvegarde, le cours de Rallye s’est effondré de 60 % tandis que celui du groupe Casino a augmenté de 7,48 %. Un mouvement paradoxal qui s’explique parfaitement dans cette structure pyramidale. Une partie des cash-flows dégagés par le groupe Casino, qui possède notamment les enseignes Monoprix, Leader Price, Franprix et Cdiscount, s’était vu aspirer pour permettre à Rallye d’honorer le service de sa dette. Le plan de sauvegarde permet donc une réorganisation de l’allocation des excédents de trésorerie du groupe Casino, jusqu’ici captés par les dividendes consacrés à réduire cet endettement colossal. Ainsi, bien que la procédure ne concerne pas les filiales opérationnelles de ces holdings, à savoir Casino ou Go Sport, celle-ci les protège assurément.

Des dividendes qui pèsent

Le distributeur n’échappe pas cependant aux complications afférentes. Deux des trois principales agences mondiales de notation ont ainsi dégradé la note de Casino. Vincent Gusdorf, analyste crédit chez Moody’s déclare :  "Nous pensons que la restructuration de la dette de Rallye, principal actionnaire de Casino, et de ses holdings de contrôle crée une incertitude supplémentaire à un moment où les conditions du marché de détail français restent très difficiles et augmentent le risque d'exécution du désendettement de Casino. " De son côté, Standard & Poor’s pointe du doigt la dissonance entre la politique d’acomptes sur dividendes de Casino et la dette du groupe. Un groupe, qui est passé de la note BB- à B, et qui déclare qu’il ne versera pas d’acompte sur dividendes en 2019. Par ailleurs, la méfiance des agences de notation fait écho à la pression maintenue par les shorts-sellers pariant sur la baisse du cours de l’action depuis plusieurs mois. Les vendeurs à découvert, au premier rang desquels l'Américain Muddy Waters, critiquent la lourde dette des sociétés mères de Casino depuis 2015. Certains acteurs accusent pourtant ces fonds spéculatifs de manipuler les cours avec des prévisions à la baisse autoréalisatrices. Jean-Charles Naouri précise : « La procédure de sauvegarde servira à mettre un terme aux attaques répétées et de grande ampleur de la part de fonds spéculatifs, dont Casino est la cible depuis de longs mois. »

Bras de fer

Ainsi commence donc une période de négociation cruciale entre Jean-Charles Naouri et les créanciers de Rallye. En charge d’agencer le calendrier de la procédure de sauvegarde : Hélène Bourbouloux et Frédéric Abitbol. Références incontournables de l’écosystème du restructuring français, les deux administrateurs judiciaires vont pour la première fois travailler sur le même dossier. La dette de Rallye s’élève à 2,899 milliards d’euros nets dont 1,3 milliard est détenu par des créanciers obligataires. Dans cette situation complexe, l’étalement de la dette sur dix ans, l’abandon partiel des créances, la cession d’actifs, ou encore un changement de gouvernance font partie des solutions envisageables. Dans l’attente de ce bras de fer annoncé, le comité chargé de statuer sur l’existence ou non « d’un événement de crédit » s’est réuni. Le 28 mai, la réponse positive donnée par le comité ouvre droit aux créanciers obligataires ayant souscrit des crédit defaults swap (CDS) d’être dédommagés. Ces assurances couvrent un montant de 664 millions de dollars. De son côté Rallye annonce un plan de cession d’au moins 2,5 milliards d’euros d’ici début 2020. Le groupe, unique actionnaire de Go Sport, avait déjà cédé Courir, sa filiale, pour 283 millions d’euros à Equistone Partners. Afin de réduire son endettement, Rallye, par l’intermédiaire de Casino, avait aussi mis en vente les murs de 55 magasins Monoprix pour 565 millions d’euros. Au milieu de la tempête, Jean-Charles Naouri a tenu à rassurer les 77 000 salariés du groupe Casino en leur adressant une lettre où il souligne que la décision de placement en procédure de sauvegarde n’aurait aucune conséquence opérationnelle, sociale, ni financière.

Sandy Andrianabiby

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