Célèbre pour ses fragrances, la maison grassoise a su se réinventer au fil des quatre générations qui se sont succédé à sa tête. Le parfumeur, qui a réalisé un chiffre d’affaires de près de 58 millions d’euros en 2017, capitalise sur son histoire et son savoir-faire pour créer une relation de proximité avec ses clients.

C’est loin de l’agitation de Paris, au cœur de la ville provençale – et capitale mondiale du parfum – de Grasse, qu’est installée la maison Fragonard depuis près d’un siècle. En 1926, Eugène Fuchs créait son entreprise en misant sur un concept nouveau, la vente directe de produits parfumés aux touristes qui descendaient le long de la Riviera. Quatre générations plus tard, la marque n’a rien perdu de son originalité et continue de développer un positionnement atypique. « La maison s’est construite en développant non seulement les parfums mais aussi une stratégie muséale », analyse Julie El Ghouzzi, fondatrice du Centre du luxe et de la création, cabinet de conseil et think tank spécialisé dans l’industrie du luxe. Dès les années 1970, Jean-François Costa, grand amateur d’art, collectionne des objets liés à l’histoire de la parfumerie pour donner naissance au musée de Grasse. C’est également à son initiative que voient le jour deux « musées-boutiques » à Paris.

Entre Grasse et Paris

« La maison Fragonard a su garder une image très française et très culturelle, poursuit Julie El Ghouzzi. Cela se reflète d’ailleurs dans son nom, très intelligemment trouvé. » Eugène Fuchs choisit le nom du célèbre peintre grassois Jean-Honoré Fragonard avec la volonté de rendre à la fois hommage à la ville de Grasse qui l’a accueilli et aux arts du XVIIIe siècle. Une dimension culturelle qui a su traverser les générations. Aujourd’hui, les trois usines, situées à Grasse et à Eze, se visitent. Le groupe totalise par ailleurs six musées, trois à Paris et trois à Grasse, dont l’entrée est gratuite. La maison mise ainsi sur une véritable proximité avec ses clients. « Il s’agit presque d’un modèle de tourisme culturel », analyse Julie El Ghouzzi. En plus des visites guidées détaillant les procédés de fabrication du parfum, la maison propose des ateliers pour créer soi-même sa fragrance.

Trois héritières

Un modèle à contre-courant de nombreuses autres maisons de luxe. « Le parfum est un relais de croissance pour de nombreuses maisons de mode ou de maroquinerie, mais il existe finalement peu de maisons de parfum », observe la fondatrice du Centre du luxe et de la création. La génération à la tête de l’entreprise familiale a choisi de conserver cette singularité tout en continuant à développer la marque.

"La vente en ligne représente 40% du chiffre d'affaires"

C’est ainsi sous l’impulsion d’Agnès Costa-Webster et de sa sœur Françoise Costa, aujourd’hui à la tête du groupe, que Fragonard a commencé à développer des produits parfumés pour la maison, une gamme de cosmétiques ainsi que la vente en ligne, qui représente aujourd’hui 40 % de son chiffre d’affaires. Avec leur sœur Anne, qui gère les usines laboratoires, elles forment le premier trio d’héritières féminines de la marque. Cette quatrième génération est aussi soucieuse de montrer son engagement pour certaines causes. En 2018, la marque a collaboré avec l’ONG EliseCare, qui apporte une aide médicale aux populations vivant en zone de conflit, en proposant à la vente un savon baptisé « Le cœur d’Élise ». Chaque année, un « Charity Bag » également proposé à la vente permet de soutenir un orphelinat indien, dans lequel Agnès Costa et certains proches se rendent tous les ans. Un autre moyen pour Fragonard d’affirmer sa différence… Toujours en famille.

Camille Prigent

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