À moins d'une semaine des élections primaires, Décideurs revient sur la situation financière du parti de l'opposition. Si les défis sont nombreux, les solutions existent.
Depuis les élections présidentielles de 2012, la situation financière de l’UMP demeure préoccupante. Décideurs a interrogé des grands noms du restructuring : s’ils ont préféré rester discrets, leurs solutions sont à la fois simples et radicales.

- Épisode 1 : Une mauvaise gestion
- Épisode 2 : Les sept mesures à prendre
- Épisode 3 : Une réogarnisation obligatoire
- Épisode 4 : Une question à... Luc Chatel, secrétaire général de l'UMP

Épisode 1 : Une mauvaise gestion

Onze millions de déficit en 2013, 84,5 millions d’euros de dette au 30 juin 2014 : la situation financière de l’UMP est catastrophique. Comment le parti politique français en est-il arrivé là ? Pour comprendre, il faut rembobiner le film à la séquence 2008. Alors que sa dette s’élève alors à quinze millions d’euros, l’Union pour un mouvement populaire décide de devenir propriétaire. Les gestionnaires veulent s’émanciper des quatre millions d’euros de loyer annuel du siège social situé rue La Boétie.

Manque de transparence

Sous la direction de Patrick Devedjian, l’UMP fait alors l’acquisition pour dix-neuf millions d’euros d’un ancien garage Renault, un immeuble de cinq étages d’une superficie de près de 5 500 mètres carrés et de son parking de vingt-six places. Le parti investit ensuite vingt et un millions d’euros pour des travaux qui dureront un an et demi. Cette opération n’est financièrement pas mauvaise. Avec un emprunt de trente-deux millions d’euros contracté sur une période de 13,5 ans, elle constitue un investissement de choix.

Aujourd’hui, l’immeuble est en effet estimé à quarante-cinq millions d’euros, soit une plus-value de cinq millions d’euros réalisée en seulement six ans. Selon un spécialiste du secteur qui a souhaité garder l’anonymat, « c’est même une estimation dans la fourchette basse ». Au vu des prestations proposées, il établirait plutôt le prix « autour de cinquante millions d’euros ».

À cet investissement plutôt justifié se greffe néanmoins un problème d’accumulation des déficits induits par des années de mauvaise gestion. Rien qu’en 2012, l’UMP affichait une perte de près de 39,6 millions d’euros. En cause, la non-validation de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). À elle seule, la campagne présidentielle a coûté cette année-là pas moins de vingt-deux millions d’euros. Pour François Logerot, le président de la CNCCFP, cette affaire n’a rien d’étonnant : « Comme pour les impôts, le contrôle des comptes des partis politiques se fait sur un régime déclaratif. Si les candidats veulent frauder, c’est plutôt facile. » D’où l’intérêt de « pouvoir recevoir les comptes des partis en même temps que les comptes de campagne afin de pouvoir mieux contrôler », poursuit M. Logerot.

Financements publics en berne

Cette gestion quelque peu brouillonne a plombé les comptes du parti de 10,7 millions d’euros. Le remboursement forfaitaire de l’État, qui peut atteindre jusqu’à 47,5 % du plafond des dépenses établi en 2012 à 22,5 millions d’euros, est en effet passé à la trappe. À cela s’ajoute les dix-huit millions d’euros de l’affaire Bygmalion, soit plus d’un tiers du budget de l’organe politique. Un ancien membre de l’UMP proche du dossier assure d’ailleurs que « l’affaire est loin d’être finie. Il y aura de nouvelles révélations en 2015. »

L’Union pour un mouvement populaire paie aussi ses mauvais résultats aux dernières élections législatives. Ce sont en effet à partir de ces derniers que sont calculées les aides versées par l’État. À cela s’ajoute le non-respect de la parité aux dernières élections législatives qui entraîne une pénalité de quatre millions d’euros par an. En 2013, l’UMP a touché 20,6 millions d’euros, contre 30,1 millions d’euros en 2012. Une baisse conjoncturelle de revenus qui fait d’autant plus mal que les financements publics représentent en moyenne 50 % des recettes des partis politiques. Avec la montée du FN – qui pourrait signifier la fin de la bipolarisation de la vie politique française – la droite devrait envisager à moyen terme cette baisse de revenus comme structurelle.

Les gouvernances successives de l’UMP ont multiplié les erreurs de gestion à l’origine de la conséquente dette bancaire et non bancaire (endettement auprès des fournisseurs et arriérés au fisc et à l’Urssaf). Fin 2012, elle atteignait 92 millions d’euros. À la même période, celle du PS s’élevait à quarante-quatre millions d’euros. Un peu moins de deux ans plus tard, la dette globale de l’UMP s’établit à 84,5 millions d’euros. Une évolution qui fait croire au parti et à ses membres qu’il suffit d’opérer un assainissement des dépenses pour remettre le bateau à flots. Dans l’entourage de Luc Chatel, secrétaire général de l’UMP, on assure même que le budget 2015 affichera un « excédent important ». Selon le cabinet d’audit Advolis, la mise en application d’un plan de rigueur permettrait de réduire la dette à cinquante-cinq millions d’euros à l’horizon des élections présidentielles de 2017.

Renégocier la dette

Alors info ou intox ? Est-il vraiment possible de restructurer la dette de l’UMP ? Sept mesures simples pourraient être tout d’abord mises en œuvre : faire payer les contributions aux élus, louer une partie de ses locaux ou respecter la parité aux prochaines élections constitue autant d’initiatives qui permettraient de gagner 20,6 millions d’euros par an. Un chiffre qui démontre sans équivoque que les problèmes financiers de l’UMP relèvent d’une mauvaise gestion.

La réduction de la dette est également un des enjeux financiers majeurs pour la survie du parti. Avec la baisse des taux d’intérêt, l’Union pour un mouvement populaire bénéficie actuellement d’une marge de négociation avec les banques. « En nettoyant ses comptes et en misant sur un "retour à la croissance" aux prochaines élections, le parti peut réaliser un "amend & extend" pour amener une dose de progressivité dans le remboursement de sa dette », observe un banquier d’affaires parisien spécialiste du sujet. « L’UMP peut aussi mettre en place une clause de "cash sweep" sur les futurs financements publics », poursuit-il. Autant de leviers financiers qui donneraient un peu d’air à l’UMP, le temps que les autres mesures de gestion portent leurs fruits.

Pourtant, aucun plan de renégociation de la dette n’est prévu par la direction du parti avant 2017. Pour le moment, les deux réunions organisées avec les banques n’ont servi qu’à présenter des plans d’économies. Selon un proche de Luc Chatel, « les banques ont été réceptives aux mesures annoncées ».

Pour lire l'épisode 2, cliquez sur le lien.

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