Très médiatisée pour son travail de contrôle des particuliers et son action pour lutter contre la contrebande, la douane est aussi un partenaire privilégié des entreprises. Rodolphe Gintz, directeur général des douanes et des droits indirects, revient sur la relation de sa direction avec les contribuables, mais aussi sur son action en faveur de la compétitivité des entreprises françaises.

Décideurs. Quelle est l’approche de la douane concernant le contrôle des entreprises ?

Rodolphe Gintz. La philosophie du gouvernement est simple : l’immense majorité des acteurs économiques respectent la loi, quand d’autres, peu nombreux, ne respectent pas les règles du jeu. L’égalité devant l’impôt étant un principe essentiel, notre dispositif de contrôle doit être le moins visible, le moins intrusif possible pour ceux qui n’ont rien à se reprocher, et doit se concentrer sur ceux qui ne respectent la loi. Pour cela, nous avons besoin d’outils puissants pour cibler nos contrôles sans alourdir les dispositifs antifraude.

De quels outils disposez-vous pour cibler les contrôles douaniers ?

Les contrôles douaniers ne sont systématiques que pour un cas particulier : les animaux vivants et les matières d’origine animale et végétale. Pour le reste des entreprises, nous pratiquons un contrôle ciblé. Nous avons beaucoup investi dans des moyens techniques qui nous permettent d’aller, avec une certitude plus forte, vers des contrôles positifs. Il ne faut pas oublier que le contrôle est aussi une forme de protection des entreprises et des marques, car il permet de s’assurer que l’ensemble des acteurs jouent selon les mêmes règles. Pour tous ces contribuables qui sont de bonne foi, nous avons créé le statut d’opérateur économique agréé (OEA). Cela permet aux entreprises qui le souhaitent de solliciter un audit gratuit de notre part, afin d’obtenir une certification, à laquelle sont attachées certaines facilitations douanières, dont un allègement des contrôles. Mis en place il y a une dizaine d’années, ce label est devenu une priorité depuis le plan « Dédouanez en France », de 2015. Au 1er septembre 2018, 1 638 entreprises sont certifiées OEA en France.

Le numérique est-il un enjeu pour la douane ?

Nous avons, par nature, une donnée très riche, qui continue de s’enrichir à mesure que nous dématérialisons nos processus déclaratifs. Il y a deux ans, nous avons investi dans un centre dédié à l’analyse de risque et au ciblage qui nous permettra d’analyser ce patrimoine de données. La loi pour un État au service d’une société de confiance (Essoc), votée au mois d’août, prévoit notamment que les agents passent de moins en moins de temps dans les entreprises. Cela ne veut pas dire relâcher les contrôles mais, au contraire, mieux les préparer et les cibler pour faire gagner du temps à l’ensemble des parties prenantes. Nous réfléchissions beaucoup à la façon dont les nouvelles technologies peuvent nous aider à transformer les obligations déclaratives. La blockchain par exemple nous semble un outil intéressant. Ce qui est certain est que les contrôles devront évoluer, certainement dans le sens d’un allègement.

Entretenez-vous de bonnes relations avec les entreprises ?

Nous essayons d’anticiper au maximum les contrôles afin de préserver ces relations. La possibilité de demander des rescrits à l’administration existe depuis longtemps et a été rappelée dans la loi Essoc. Nous essayons par ailleurs d’unifier nos pratiques avec celles de la direction générale des finances publiques. Enfin, les douanes sont présentes partout en France à travers une quarantaine de pôles d’action économique qui permettent aux entreprises de nous consulter et qui nous permettent aussi de les sensibiliser à propos des grands enjeux douaniers et fiscaux.  

La fiscalité énergétique et environnementale représente une part importante du travail des douanes. Quels sont les enjeux actuels pour les entreprises qui y sont soumises ?

Cette fiscalité a été augmentée de façon significative depuis 2014, ce qui en fait un poste de dépenses regardé de très près par les directions financières. Le but environnemental de ces taxes est totalement assumé par le gouvernement, qui a toutefois ménagé des taux réduits sur la base des textes communautaires, pour préserver la compétitivité de certains secteurs, notamment industriels. L’obtention de ces taux implique une certaine technicité, donc là encore nous incitons les directeurs financiers et fiscaux à venir nous consulter afin de sécuriser leurs dossiers.

La lutte contre la fraude est aussi l’une des grandes missions de la DGDDI.

Bien sûr. Le leitmotiv de notre direction est : « Agir pour protéger. » Il ne faut pas oublier que la douane est une administration fiscale. Sa mission va être renforcée par la loi relative à la lutte contre la fraude, actuellement examinée à l’Assemblée nationale. Elle va notamment permettre d’accroître les échanges d’informations entre les différentes administrations pour utiliser la donnée et ainsi mieux identifier les contribuables susceptibles d’être en fraude. Les logiciels rendant possible la commission de délits douaniers pourront également être sanctionnés.  

Globalement, comment les douanes peuvent-elles soutenir la compétitivité des entreprises ?

La façon la plus évidente de contribuer à cette compétitivité est d’aider les entreprises à se développer à l’international. Symétriquement, nous sommes présents pour le dédouanement, lorsque les entreprises importent. Nous aurons un rôle important à jouer lorsque le Brexit entrera en vigueur, car une frontière sera recréée en Europe. Les entreprises qui commercent avec le Royaume-Uni n’ont, à notre avis, pas encore pris la mesure de ce bouleversement.

Le Brexit est donc une priorité pour les douanes ?

Il s’agit de l’un de nos chantiers majeurs pour l’année 2019. Au-delà du dédouanement, les pays européens sont soumis à de nombreuses obligations concernant, par exemple, le sourcing des produits. En fonction de l’accord trouvé pour le Brexit, du scénario type « Ceta », l’accord entre l’Europe et le Canada, avec la mise en place d’un accord de libre-échange au Brexit « dur », les conséquences douanières seront très différentes. Nous avons mis en place une série de réunions d’information partout en France pour aider les entreprises à se préparer. Nous serons présents tout au long du processus pour aiguiller les entreprises qui devront rétablir les formalités douanières avec le Royaume-Uni. Nous serons prêts et nous faisons notre maximum pour que les entreprises le soient également !

Camille Prigent

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