En mars dernier, Faurecia a finalisé l’acquisition de Clarion, spécialisé dans les systèmes de navigation automobile. Michel Favre, vice-président exécutif en charge de la fonction finance, fait le point sur l’avancement de l’intégration de la société japonaise et évoque les problématiques internationales du groupe.

Décideurs. Le M&A est-il du ressort de la direction financière ?

C’est la stratégie qui en a la charge. Cependant, nous sommes largement investis puisque la direction financière filtre les dossiers. Par principe, nous sommes en première ligne dans l’analyse et l’intégration des acquisitions. Par ailleurs, j’ai toujours dit que je ne voulais pas la charge du M&A, afin de ne pas être juge et partie. Comment un directeur financier pourrait-il écarter un dossier s’il est responsable du M&A ?

Faurecia a récemment racheté Clarion. Quel est le rôle de la DAF dans cette acquisition ?

L’activité de Clarion est complémentaire à nos deux activités, siège et intérieur, destinées au cockpit. Nous avons déployé des équipes pour staffer puis intégrer cette société japonaise. Le plan de transformation a d’ores et déjà été défini et nous venons de lancer, début septembre, les restructurations prévues. Nous intégrons complètement toutes nos acquisitions car nous ne voulons pas gérer des équipes à deux vitesses. À mi-2020, soit un an après le rachat, Clarion sera donc intégrée à tous nos outils, du SAP à nos back-offices. Plus généralement, cette acquisition est pour nous un pas important car jusqu’à présent, nous étions dotés uniquement d’un bureau technico-commercial au Japon. En matière d’image, d’interfaçage avec les clients, notamment Nissan, et de culture, cela crée de la valeur. Une des usines de Clarion sera d’ailleurs exploitée pour démarrer une activité clean mobility, avec un management franco-japonais. Apprendre la culture nippone, travailler avec nos amis japonais et les intégrer est un véritable enjeu, qui prendra du temps. Il ne faut pas négliger le choc culturel que cela représente. Nous avons donc suivi des formations dans chacun des pays sur la façon de travailler des uns et des autres et constitué des équipes mixtes.

Comment appréhendez-vous les risques financiers liés à l’international ?

À proprement parler, il n’y a pas de risques internationaux. En revanche, il y en a au niveau des pays. La guerre commerciale, par exemple, a des conséquences sur la communication, mais aussi ponctuellement sur des décisions de droits de douanes. Nous ne pouvons par définition pas prévoir ce genre de situation, mais nous y répondons avec agilité, en modifiant notamment certains flux. Concernant l’inflation ou les matières, nous gérons notre risque bilanciel par des clauses contractuelles d’indexation, qui sont toujours un point de friction avec les clients. D’une manière générale, nos reportings nous aident beaucoup et nous disposons de responsabilités régionales, plus transversales, pour gérer les aspects techniques, les ressources humaines, la finance et le risque. Nous disposons ainsi de directions en Amérique du Nord, en Amérique du Sud, en Chine pour l’Asie, et désormais au Japon. Enfin, un comité des risques se réunit quatre fois par an.

"Apprendre la culture nippone, travailler avec nos amis japonais et les intégrer est un véritable enjeu, qui prendra du temps"

Vous justifiez de près de vingt ans d’expérience à la tête de directions financières. Quelles évolutions avez-vous pu observer ?

La première chose qui a changé est le time-to-market, la vitesse avec laquelle les chiffres sont produits et utilisés. Tout le jeu a été de gagner du temps pour accentuer notre efficacité mais aussi pour éviter qu’un événement externe ne vienne les modifier. Le deuxième grand enjeu a été la sécurité, dans un monde où les risques de fraude ont beaucoup augmenté. Les directions financières ont pris de l’importance avec la mise en place de contrôles internes et de la gestion des risques, devenue une autre dimension dans les entreprises. Troisièmement, les outils ont gagné en capacité de traitement et de mémoire, mais aussi en ergonomie. De nombreuses entreprises standardisent leur gestion et systématisent leur implémentation, ce qui simplifie les processus. Le dernier sujet est le marché financier. Aujourd’hui, l’argent n’a plus de prix. C’est un vrai problème car cela peut pousser à la faute, à commencer par les États. C’est à la fois positif pour les cours de cotation des entreprises, mais dangereux dans les comportements.

Comment gérez-vous ce nouveau paradigme ?

Nous avons des règles, comme ne pas dépasser une fois la dette nette sur l’Ebitda, au regard de la flexibilité financière. Tout en générant du cash, l’idéal est de réduire la dette. Le deuxième aspect est la maturité. Pour éviter qu’une échéance courte ne nous mette en difficulté si une nouvelle crise survenait, nous cherchons à avoir, dans la mesure du possible, cinq ans de dette devant nous.

Propos recueillis par Anne-Gabrielle Mangeret

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