Sans grande surprise, les collectes comme les investissements de l’industrie du private equity ont accusé un recul en 2020. Néanmoins, les chiffres demeurent parmi les plus élevés de la décennie. Et 2021, avec une activité soutenue dès les premiers mois et l’allègement progressif des contraintes sanitaires, présage des jours meilleurs.

Alors que l’année 2020 avait bien commencé, le premier confinement du mois de mars a marqué un coup d’arrêt brutal pour l’économie. Après une période de sidération pendant laquelle les fonds se sont concentrés sur leurs portefeuilles, l’activité transactionnelle n’a repris qu’à l’été. Et encore, pour certains secteurs. Voilà en substance comment la plupart des acteurs du buy-out résument ce qu’ils ont vécu l’an passé. Une mise en pause générale qui se retrouve dans les chiffres de l’industrie du capital-investissement.

Les collectes de fonds fléchissent

Au cours de la période, les levées de capitaux des sociétés de gestion françaises ont reculé de 12 %, retombant à un niveau proche de 2018, à 18,5 milliards d’euros. S’il s’agit de la première baisse depuis 2015, les montants collectés se maintiennent néanmoins à des niveaux considérables. Les levées de 100 millions d’euros à 1 milliard d’euros, qui représentent 60 % des capitaux réunis, atteignent même leur plus haut point historique et soutiendront PME et ETI dans les prochaines années.

Tous ces capitaux viennent gonfler les liquidités déjà abondantes du private equity. Le capital-innovation, avec 3,4 milliards d’euros, et le capital-développement, à 7,2 milliards d’euros, en tête. Ces derniers enregistrent la majorité des intentions d’investissement, en progression de 35 % chacun, quand le capital-transmission recule de près de 40 % et passe sous la barre des 8 milliards d’euros.

Des investissements concentrés sur les secteurs solides

Pour l’année 2020, les montants déployés accusent eux aussi un repli de 8 %, mais se maintiennent néanmoins à un niveau également élevé, à 17,8 milliards d’euros. Au deuxième trimestre, seules les opérations les plus avancées dans les processus ou dans des secteurs résistants se sont maintenues. Ainsi, les investissements dans le domaine de la santé ont bondi de 48 % et de 22 % pour le numérique. En revanche, « les branches déjà en difficulté, comme la distribution, dont le business model est remis en cause face à la concurrence d’Internet, voient les projets abandonnés, avec des faillites et du distressed M&A à la clé », précise Frédéric Balochard, associé chez Coruscans. « Le Covid a été un révélateur pour ces activités en difficulté, qui n’auraient pas été précipitées si vite dans la crise sans ce choc externe ».

« Un grand nombre de sociétés sous LBO ou qui vont faire l’objet de LBO ont une activité résiliente à la crise sanitaire », explique un banquier spécialiste du M&A. Mais c’est le capital-innovation qui s’en sort le mieux, avec 2,2 milliards d’euros investis dans 926 entreprises en 2020. Le segment se maintient à un très haut niveau. « Je n’ai jamais autant travaillé que pendant le premier confinement », souffle même une avocate.

Le capital-innovation fait la course en tête

Le venture capital, quant à lui, semble n’avoir pas souffert de la crise. En témoignent les levées de fonds record enregistrées ces douze derniers mois. Avec un tour de table de 300 millions de dollars, Mirakl rejoint Contentsquare et Voodoo, qui ont eux aussi bouclé des levées en 2020, dans le club des startup valorisées plus d’un milliard d’euros. En 2021, notamment, Qonto a récolté 104 millions d’euros en un éclair, Vestiaire Collective a rassemblé 178 millions d’euros et Shift Technology réuni 220 millions de dollars. À noter que de plus en plus d’investisseurs étrangers, et notamment américains, regardent le marché français. Sacrées licornes en 2021, les plateformes Alan et Back Market comptent ainsi des investisseurs anglo-saxons ou asiatiques parmi leurs actionnaires.

Buy-out, une reprise à deux vitesses

Si le marché mid-cap est rapidement revenu à son niveau pré-Covid en termes de valeur, ce n’est pas le cas en volume. « Une partie de l’activité transactionnelle n’est pas repartie », analyse Louis Godron, associé chez Argos Wityu, à la lecture des données du premier trimestre 2021 de l’Argos Index. Celui-ci, qui recense les acquisitions européennes du mid-market, laisse apparaître que l’activité se concentre sur les entreprises de plus grande taille – valorisées entre 150 et 250 millions d’euros –, bien portantes et dans les secteurs recherchés.

Néanmoins, « le private equity est un marché qui ne s’arrête pas », énonce un avocat d’affaires. Les GPs travaillent sur des natures de dossiers un peu différentes, avec l’idée de racheter des sociétés présentant des synergies avec leur portefeuille. Peu importe si les chiffres présentés semblent moins bons. C’est aussi un pari sur l’avenir, une stratégie à contre cycle. En tout cas, « les fonds, poussés par les LPs, cherchent à déployer l’argent levé en masse », ajoute un banquier d’affaires.

Si pour certains, les ajustements dus à la Covid-19 représentent un gros enjeu dans les phases préparatoires d’un deal, l’exécution tend à s’accélérer. Si bien que sur les beaux actifs, les processus n’aboutissent pas et la tendance à la préemption se poursuit.

Des financements toujours disponibles

Toujours dépendant de la qualité de l’actif et du secteur, « le financement demeure disponible », indique un professionnel du private equity. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui explique l’activité soutenue du marché. Si les banques de réseau restent concurrentielles sur la dette senior, avec un coût proche de 1,6 % pour le mid-cap, les fonds de dette disposent, eux aussi, de liquidités en stock. Dans une période active, où l’agilité est le maître-mot, les unitrancheurs s’avèrent 
bien armés. Néanmoins, « la surprise de 2020 aura été le retour de la mezzanine sur les deals small et lower mid-cap », précise un banquier. Ce retour en grâce est dû au fait que les emprunteurs décident 
 assez tard dans le processus entre une dette unitranche et une combinaison de dette senior et de mezzanine, dont le coût s’est vu diminué en raison de la réduction de la marge des banques. Une alternative qui suscite l’intérêt malgré les pricings agressifs, autour de 6 %, de la dette unitranche.

Quant aux opérations de taille plus importante, « certaines se sont effectuées avec des leviers d’endettement supérieurs à 7 fois l’Ebitda », confie François Vigne, associé de la banque d’affaires Sycomore Corporate Finance, « parfois même jusqu’à 9 fois dans des structures avec de la preferred equity ou de la mezzanine subordonnée ». Les hauts niveaux de multiples et de leviers ont ainsi permis à ces produits hybrides de s’immiscer entre la dette et les fonds propres.

Si jusqu’à présent, les investisseurs se sont concentrés sur un nombre de cibles restreint, gageons que l’accélération de la vaccination et les perspectives qui l’accompagnent ouvriront les derniers segments encore en attente. Sans compter sur l’effet rattrapage et les liquidités toujours abondantes.

Anne-Gabrielle Mangeret

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