L’an dernier, Vivendi, groupe français spécialisé dans les médias, l’édition et la communication, annonçait envisager une scission par quatre de toutes ses activités. Officiellement, ce projet a pour objectif de permettre à chaque nouvelle entité de disposer de la marge de manœuvre nécessaire pour prospérer plus efficacement.
Scission de Vivendi : une manœuvre de contrôle et d’expansion
Vincent Bolloré ne fait pas dans le détail. Le groupe Vivendi va bientôt éclater aux quatre coins de l'Europe. Chacune de ces sociétés restera française mais répondra à la volonté d’expansion à l’étranger. Le groupe Bolloré qui détient actuellement 30 % du capital de Vivendi devait mener une OPA conformément à la législation française. Ce découpage va permettre au milliardaire breton de se soustraire à cette obligation, tout en conservant 30 % du capital de chacune des entreprises nouvellement créées. À la fin de cette opération, chaque actionnaire de Vivendi se verra remettre un titre de chacune des quatre sociétés avec des modalités spécifiques.
Internationalisation des activités boursières
La chaîne de télévision Canal+ sera à nouveau cotée en Bourse après son retrait des marchés financiers en 2015. Cependant, même si l’entreprise reste française, ses capitaux s’échangeront outre-Manche sur le London Stock Exchange. Ce changement de stratégie s’explique par l’internationalisation du groupe. Actuellement, 60 % de son chiffre d’affaires provient de l’étranger et va augmenter avec le rachat en cours du groupe audiovisuel sud-africain MultiChoice pour la somme de 2,7 milliards d’euros. Cette acquisition devrait doubler son nombre d’abonnés dans le monde tandis qu’une double cotation de Canal+ n’est pas exclue à la Bourse de Johannesburg.
Pour Havas, la séparation vise un objectif défensif. Le groupe publicitaire va entrer en Bourse aux Pays-Bas avec une valorisation de 3,44 milliards d’euros. Dans le même temps, l’entreprise va changer de statut pour devenir une SAS. Cette stratégie devrait empêcher toute prise de contrôle au travers d’une OPA hostile. De plus, une fondation de droit néerlandais a été créée pour empêcher toute tentative de rachat, les lois locales affichant de bonnes garanties pour cette entreprise qui a vu le jour en 1835.
Le groupe d’édition Louis Hachette devrait, lui, se maintenir en France sur l’Euronext Growth. Ce nouveau géant de l’édition regroupera toutes les activités d’édition de Vivendi : les 66,53 % de Lagardère (Larousse, Fayard…) et les 100% de Prisma Media (Télé loisirs, Voici, Femme Actuelle…). Cette nouvelle entité est valorisée à 2,15 milliards d’euros et partira sans dette.
Enfin, Vivendi SE conserve les différentes participations financières du groupe en plus du studio de jeu vidéo Gameloft (Universal Music Group, Telecom Italia…). Vivendi restera ainsi un "acteur majeur des industries créatives et du divertissement coté sur le marché réglementé d’Euronext Paris". L’objectif sera d’avoir toute la marge de manœuvre disponible pour déclencher de nouveaux investissements et gérer un portefeuille de participations.
Des oppositions qui montent au créneau
Ces quatre holdings demeurent sous le contrôle de Yannick Bolloré qui siègera aux conseils d’administration et aux conseils de surveillance de chacune des entités. Pourtant, des voix s’élèvent contre cette scission. Le CIAM, actionnaire de Vivendi à hauteur de 1%, dénonce le choix des trois Bourses sur lesquelles se situeront les nouvelles sociétés. Selon ce fonds activiste, elles seraient "moins respectueuses des actionnaires minoritaires". D’après le CIAM, ce projet va permettre à Vincent Bolloré de conserver le contrôle de Canal+, de Havas et du groupe Louis Hachette sans mener d’OPA. Le plan détaillé de ce découpage sera présenté lors de l’assemblée générale exceptionnelle qui se tiendra le 9 décembre devant tous les actionnaires. Dans le cas d’un soutien de cette assemblée, Canal+, Havas et Louis Hachette Group pourraient être introduites en Bourse avant la nouvelle année.
Lucas Simonnet