Vente-privee : l’amazone du déstockage

Avec 680 millions d’euros de chiffre d’affaires et 1 200 marques fidèles, la PME de déstockage textile est devenue en neuf ans l’une des affaires les plus rentables du monde de l’Internet.

«?Il faut se méfier des valorisations?», affirme Jacques-Antoine Granjon, qui n’a pas oublié qu’«?en 2000, personne ne pariait un centime sur Amazon?». Un rappel loin d’être anodin, tant le modèle de Jeff Bezos, «?l’inventeur du e-commerce?», se révèle être une référence, mais aussi une grande source d’inspiration pour l’inventeur du premier site de ventes événementielles au monde. Pourtant, le p-dg de vente-privee.com n’a pas à rougir des valeurs que la rumeur a pu attribuer à son entreprise, allant jusqu’à multiplier par six son chiffre d’affaires. Il reste qu’il est peu attaché aux chiffres, et que «?la société n’est certainement pas à vendre?». Si la rumeur a pu l’évaluer à de tels montants, c’est du côté de «?son énorme potentiel de croissance et de la force de la marque venteprivee.com?» qu’il faut chercher l’explication. Sans oublier «?le savoir-faire et les années d’expérience de l’entreprise?».

Un concept qui a fait des émules
Des années, il en a fallu avant d’en arriver là. Quand le site vente-privee.com est lancé en 2001, Jacques-Antoine Granjon a derrière lui deux décennies de métier dans la vente de fins de série et d’excellents contacts avec les marques dont il écoule alors les stocks en les revendant à des solderies. Internet n’a fait que donner à son entreprise une nouvelle dimension et un accès direct à l’acheteur final. C’est le propre de l’e-commerce, que l’entrepreneur définit comme «?la possibilité pour tous de mettre un catalogue en ligne, et la possibilité pour chacun d’y avoir accès?». Un nouveau modèle de distribution basé sur la liberté du consommateur… et la compétition de l’offre. Mais la concurrence ne pose pas encore de problème à l’entreprise qui conserve plus de 80?% de parts de marché dans le secteur du déstockage en ligne hexagonal. Certes, le concept a fait des émules, mais pas avant l’année 2007, «?lorsqu’une prise de participation du fonds américain Summit Partners au capital de vente-privee.com a été dévoilée à la presse?».

De la place pour tout le monde
À l’époque, la pionnière des ventes privées en ligne a déjà une belle longueur d’avance, que les autres acteurs n’ont toujours pas réussi à rattraper. Y arriveront-ils jamais ? «?Il y a de la place pour tout le monde, rétorque le premier e-commerçant de France, ou plutôt pour ceux qui parviendront soit à évoluer vers de très grandes structures, soit à se contenter de demeurer de petits acteurs très concentrés sur une niche?». Entre ces deux modèles, pas de salut : les coûts sont trop élevés et la rentabilité moindre. Bien entendu, vente-privee.com a déjà choisi son camp. Elle continuera à dominer – de loin – le reste du marché. Son dirigeant étant intimement persuadé que «?tout est vendable sur Internet du moment que l’opération se fait en totale transparence et en confiance?», le site pourrait diversifier à l’infini son offre. La dynamique est déjà en marche : si tout a commencé par des ventes de prêt-à-porter, les 5,5?millions de clients peuvent aujourd’hui se laisser tenter par une large gamme de produits allant de la haute joaillerie à la vaisselle en passant par les disques, le matériel hi-fi, les voitures et les appartements. Le site est allé jusqu’à proposer des abonnements à Canal +, Free ou Meetic. Au risque de s’éloigner de son cœur de métier, le déstockage. Jacques-Antoine Granjon reconnaît que «?sur ces ventes de services, qui rencontrent un franc succès, vente-privee.com endosse, en plus de son rôle de distributeur, celui de créateur d’événements exceptionnels afin de susciter le désir chez le consommateur?». Et de créer de la valeur pour les marques partenaires, qui sont nombreuses à avoir compris que le leader des sites de ventes événementielles leur offre aussi un nouveau levier de notoriété.

Sans acquisitions, ni investisseurs
Son ambition, combinée à la force de sa propre marque, pourrait donc garantir à vente-privee.com de belles années d’ascension. Nul besoin pour cela de changer les ingrédients de la recette du succès : «?Proposer de manière qualitative des produits de marques reconnues, à un prix particulièrement réduit.?» Le tout sur un site Internet non-intrusif, sans aucune publicité, mais «?fortement emprunt d’une âme féminine?». En continuant, surtout, «?à croître de manière totalement organique?». Qu’il s’agisse du développement de nouvelles compétences en interne ou de l’expansion internationale, l’entrepreneur qui rêve «?de répliquer dans l’ensemble des pays européens le succès français et de maintenir une position de n°?1 européen?» est formel. Vente-privee.com marchera seule, sans acquisitions, ni investisseurs et encore moins par le biais d’une introduction en Bourse. Car «?la société est profitable et indépendante financièrement. C’est une grande force que lui ont conférée des années d’expérience et un business model novateur?». À bon entendeur…

Les chiffres clés
• 680 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2009
• 1 500 collaborateurs
• Plus de 38 millions de produits vendus en Europe
• 11,5 millions de membres dont 5,5 millions de clients