Face à l’augmentation des montants des indemnités allouées aux victimes d’accidents médicaux fautifs, le législateur a souhaité encadrer les garanties proposées par les contrats d’assurance responsabilité civile médicale.

 La Loi Kouchner de 2002 a permis aux assurances de prévoir, dans leurs contrats, des plafonds de garantie avec un montant minimal fixé par décret en Conseil d’État et établi en 2003 à trois millions d’euros par sinistre et dix millions d’euros par année d’assurance.
La loi About de 2002 a par ailleurs créé un nouveau régime juridique en remplaçant le système initial dit "base fait générateur" (l’assureur qui devait sa garantie était celui dont le contrat d’assurance était en vigueur au jour du fait dommageable) par un système dit "en base réclamation" (l’assureur qui doit sa garantie est celui dont le contrat d’assurance est en vigueur à la date de la première réclamation déposée par le patient ou ses ayants droit) avec l’objectif de permettre aux assureurs de rééquilibrer leurs finances en alignant les primes perçues au cours de l’année et les indemnisations versées.

Les situations de "trous de garantie" en raison de l’application du contrat dans le temps

Cependant, si le sinistre avait lieu pendant la période de validité d’un premier contrat, mais que la réclamation était déposée par la victime postérieurement à l’expiration de la garantie subséquente de cinq ans, le professionnel de santé n’était pas couvert : ni la garantie du premier contrat, en raison de son expiration, ni celle du second contrat, celui-ci ne couvrant plus l’activité pour laquelle le professionnel de santé était mis en cause, ne pouvait s’appliquer.

"Cette situation étant susceptible de rompre l’égalité des professionnels de santé devant la loi, garantie par la Constitution, une Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) est engagée pour tenter de faire rétroagir l’intervention du FAPDS"

En outre, en cas de cessation d’activité, le professionnel de santé n’était plus couvert au-delà des dix ans de la garantie subséquente, alors que la victime dispose d’un délai de dix ans, à compter de la consolidation du dommage et non du fait générateur, pour intenter une action en responsabilité civile. Cette problématique est particulièrement prégnante pour les obstétriciens en cas de dommage causé à un enfant à l’occasion de sa naissance puisque la prescription de l’action en responsabilité de dix ans ne court qu’à compter de la majorité de l’enfant.

Les situations de "trous de garantie" en cas de dépassement du plafond de garantie

Le montant minimal des plafonds de garantie n’empêchait pas, dans certaines situations, un dépassement important de ces plafonds, notamment en obstétrique. Les professionnels de santé devaient alors assumer, sur leur patrimoine personnel, les indemnisations allouées et les patients risquaient de ne jamais percevoir l’intégralité de l’indemnisation octroyée. Pour limiter ces situations de "trous de garantie", un mécanisme de substitution par la solidarité nationale a été mis en place par le législateur.

Les limites du rôle palliatif de l’Oniam

L’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam), établissement public créé par la Loi Kouchner de 2002 pour assurer l’indemnisation des victimes d’accidents médicaux non fautifs, venait, dans certains cas, pallier l’absence d’indemnisation de la victime découlant des défauts de couverture des professionnels de santé, notamment lorsqu’un dépassement du plafond de garantie était constaté. Ce dispositif de substitution s’avérait toutefois limité puisque l’Oniam conservait la possibilité d’engager une action récursoire à l’encontre de ce dernier, ou de son assureur, pour obtenir le remboursement de la somme versée.
Afin de généraliser un système de substitution plus protecteur de l’ensemble des professionnels de santé confrontés à un épuisement ou à une expiration de leur garantie d’assurance, tout en évitant de faire peser l’indemnisation des victimes d’accidents médicaux fautifs sur l’Oniam et donc sur la solidarité nationale, le législateur a créé un fonds d’indemnisation.

La Loi du 28 décembre 2011 a créé un fonds de garantie, le FAPDS

La loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 portant loi de finances pour 2012 a introduit un nouvel article L. 426-1 dans le code des assurances, créant le fonds de garantie des dommages consécutifs à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins (FAPDS), alimenté par une cotisation annuelle obligatoire des professionnels de santé libéraux, fixée par arrêté.

La création du FAPDS a été accompagnée par un relèvement des plafonds de garantie des contrats d’assurance responsabilité civile professionnelle par le législateur, passant de trois à huit millions d’euros par sinistre et de dix à quinze millions d’euros par année d’assurance, permettant de réduire la part pouvant être mise à la charge du FAPDS en cas de dépassement du plafond.

En 2023, la trésorerie du FAPDS s’élevait à la somme de soixante-quinze millions d’euros, avec la constitution d’une provision de quarante et un millions d’euros pour les dossiers ouverts. Les cotisations annuelles versées par les professionnels de santé pour alimenter le FAPDS représentent actuellement environ huit millions d’euros par an. Pour préserver l’équilibre financier du fonds, notamment face à des demandes indemnitaires pouvant atteindre vingt millions d’euros, le législateur a prévu des conditions strictes relatives à l’intervention du FAPDS dans le temps.

"La création du FAPDS a été accompagnée par un relèvement des plafonds de garantie des contrats d’assurance responsabilité civile professionnelle par le législateur"

Les strictes conditions d’intervention du fonds sécurisent son équilibre financier

Le FAPDS peut intervenir dans deux cas strictement définis par le législateur (Art. L. 426-1 du code des assurances) : soit lorsque la première réclamation formulée par la victime est déposée à compter du 1er janvier 2012 et que le contrat d’assurance auquel la réclamation est rattachée n’est plus en cours de validité, soit lorsque la réclamation, quelle que soit sa date, se rapporte à un contrat d’assurance conclu, renouvelé ou modifié à compter du 1er janvier 2012.

Ces conditions d’application dans le temps, dont la date avait été discutée à l’occasion de l’examen du projet de loi, ont généré une différence de traitement entre des professionnels de santé se trouvant pourtant dans des situations identiques. La création du FAPDS, présenté comme la solution pour pallier l’ensemble des situations de "trous de garantie", a donc laissé perdurer quelques cas de défaut de garantie.

Ainsi, un professionnel de santé libéral condamné par le juge à indemniser la victime d’un accident médical dont il est responsable peut se trouver, si la réclamation de la victime est antérieure au 1er janvier 2012 ou met en jeu un contrat qui n’a pas été conclu, renouvelé ou modifié après cette date, exclu tant du mécanisme antérieur permettant l’intervention de l’Oniam que du bénéfice de prise en charge par le FAPDS et, par conséquent, confronté à une situation de "trou de garantie" et donc à un risque de faillite personnelle.

Cette situation étant susceptible de rompre l’égalité des professionnels de santé devant la loi, garantie par la Constitution, une Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) est engagée pour tenter de faire rétroagir l’intervention du FAPDS.

 

SUR L'AUTEUR

Catherine Tamburini-Bonnefoy, avocat depuis vingt-cinq ans, offre à ses clients une expertise exclusivement dédiée à la responsabilité médicale. L’équipe de Tamburini-Bonnefoy, composée de neuf avocats à Paris, à Montpellier et à Reims, défend les établissements de santé publics et privés et leur personnel, les praticiens libéraux et les assureurs devant les juridictions civiles, administratives, pénales et disciplinaires.

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