Constituée à Londres au lendemain de la crise des subprimes, l’activité Equity Capital Markets de Berenberg, l’une des plus anciennes banques privées d’origine allemande, bâtit depuis une plateforme globale. Fabian de Smet, à la tête de la banque d’investissement en Europe, et Clarence Nahan, en France, Italie et Espagne, commentent les évolutions de ces derniers mois.

Décideurs. Comment les marchés de capitaux se sont-ils comportés jusqu’à cette rentrée 2021 ?

Fabian de Smet. Depuis le début de l’année, nous assistons à une véritable course pour s’introduire ou se refinancer sur les marchés de capitaux, au point que le nombre de deals n’a jamais été aussi élevé depuis la bulle Internet des années 2000. De plus, l’écroulement des indices et la chute des valorisations en 2020 ont forcé bon nombre d’émetteurs à reporter leurs transactions, s’ajoutant ainsi au flux déjà record de 2021. Puis, les indices boursiers comme le CAC40 ont rebondi de plus belle. Les montants injectés par les banques centrales et les gouvernements, combinés aux taux négatifs, représentent autant d’incitations à investir. Sans compter les multiples de valorisations qui continuent de grimper et qui offrent une fenêtre de sortie notamment pour les fonds de private equity. Le marché se montre ainsi très propice pour développer nos activités.

L’inflation pourrait-elle venir gripper la machine ?

F. S. Au regard de la rapidité de la reprise et du retour à la croissance, certains secteurs comme ceux des matières premières ou de la logistique manquent de main-d’œuvre. Ils doivent alors envisager d’augmenter les salaires, ce qui se répercute sur les marges des entreprises et les prix des produits. Pour faire face à cette inflation galopante qui pourrait dépasser les taux d’alerte des banques centrales, celles-ci devront relever les taux d’intérêt. Cela aura un impact négatif sur les marchés, sans parler de l’endettement massif de tous les pays. Remonter les taux à cause de l’inflation aura des conséquences, sur les États comme les sociétés. Ce que le marché est en train de digérer aujourd’hui, c’est la peur de l’inflation. Toute la question est de savoir si celle-ci ne sera que temporaire avant de revenir à la normale ou si un nouveau cycle économique s’ouvre, avec une inflation supérieure à 2 % alors qu’elle est nulle depuis dix ans. 

Comment envisagez-vous les prochains mois en termes de transactions ?

Clarence Nahan. Avec des conditions de marché qui continuent d’être très favorables, les introductions en Bourse seront encore plus nombreuses en deuxième moitié d’année qu’elles ne l’ont été au premier semestre. Le flux de transactions record de ces douze derniers mois a généré une certaine inertie. Les opérations à succès suscitent l’envie des émetteurs et l’attrait pour le marché boursier, notamment sur le segment mid-cap. Par ailleurs, la France a réalisé un énorme travail de préparation et offre désormais un terrain très fertile pour l’accueil d’opérations boursières, à l’instar d’initiatives comme la French Tech et du support d’investisseurs comme Bpifrance.

"Les introductions en Bourse seront encore plus nombreuses en deuxième moitié d’année"

 Comment Berenberg s’inscrit-elle dans l’écosystème Equity Capital Market ?

C. N. Berenberg se positionne avant tout sur un segment de marché largement délaissé par les bulge brackets, et est aujourd’hui la seule banque globale véritablement dédiée à l’accompagnement des émetteurs mid-cap. Dans l’écosystème ECM français, cela crée de belles synergies avec les acteurs domestiques et nous travaillons main dans la main avec Euronext pour animer le pipeline et donner envie aux émetteurs de s’engager dans un projet d’introduction en Bourse.

F. S. Mifid II et l’obligation de rémunérer directement les brokers pour la recherche en elle-même sans passer par le trading a changé la donne. Les gros fonds d’investissement n’ayant plus besoin de plusieurs maisons de recherche, les plus petites ont cessé de suivre les sociétés mid-cap, trop petites pour intéresser les grandes plateformes et trop grosses pour les brokers locaux. Ce segment, entre 500 millions et 5 milliards d’euros de capitalisation boursière, est l’ADN même de Berenberg. La plateforme est aujourd’hui la plus importante d’Europe avec 150 analystes qui suivent 1 100 actions cotées de tous secteurs. À cette équipe s’ajoute une force de frappe de 130 vendeurs et traders qui distribuent la recherche et les transactions. 

Quelles sont les opérations majeures que vous avez menées cette année ?

C. N. Comme nous ne sommes pas une banque de bilan et que notre présence dans le panorama ECM est encore relativement récent, tous les mandats gagnés ces dernières années l’ont été à la force du poignet ! C’est avant tout notre prisme « marché » unique en son genre, avec une recherche action aujourd’hui la plus importante en Europe associée à une force de distribution globale, qui nous a permis cette année de nous placer parmi les dix maisons les plus actives. En France, nous avons notamment eu la chance d’intervenir sur des opérations d’envergure à l’instar du spin-off de Faurecia, de la recapitalisation de la Compagnie des Alpes ou du placement secondaire de Verallia. Sans oublier le mid-cap, qui est notre cœur de métier, avec l’augmentation de capital de Focus Home Interactive, l’échangeable BigBen dans Nacon – dont nous avions mené l’IPO en 2020 - ou encore la sortie d’Eurazeo du capital d’Europcar. Avant cela, des clients comme Eurofins, Tikehau ou encore Kering nous ont également fait confiance. Notre ADN se fonde sur un accompagnement très personnalisé et inscrit dans la durée. 

Où en est le développement de votre activité M&A en France ?

C. N. Avec son actionnariat familial, la croissance de Berenberg est très pragmatique et exclusivement organique. Ces dix dernières années, l’accent a été mis sur les activités de marchés de capitaux actions avec l’ECM en tête de proue. En fusions-acquisitions, plusieurs mandats ont été exécutés récemment sur la région germanophone et l’activité sera bientôt étendue aux autres pays.

F. S. Il faut généralement un lien avec les marchés de capitaux pour lancer la machine Berenberg. C’est notamment le cas d’Akasol, une entreprise allemande de batteries, dont nous étions le seul conseil dans le cadre de sa sortie de cote et son acquisition par une société américaine. Nous progressons pas à pas et ne lançons une nouvelle branche d’activité que lorsque la précédente est déjà bien installée.

Propos recueillis par Anne-Gabrielle Mangeret

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