Spécialisé dans les financements structurés nationaux et internationaux, Jean-Norbert Pontier, associé du cabinet Curtis, Mallet-Prevost, Colt & Mosle, et son équipe ont développé une expertise forte en matière d’investissement à impact. État des lieux de ce marché innovant.

Décideurs. Quel état des lieux faites-vous de l’investissement à impact en France ?

Jean-Norbert Pontier. L’investissement à impact, ou impact investing, est une solution d’investissement qui allie rentabilité économique et contribution sociale et/ou environnementale positive, mesurables selon des critères bien définis contractuellement. Au-delà de l’intégration de critères ESG dans la stratégie d’investissement, l’impact investing a pour finalité explicite de répondre concrètement à un besoin social ou environnemental.

Né dans les années 2000 aux États-Unis autour du Global Impact Investing Network (GIIN), le secteur s’est développé en France dans les années 2010 et représentait fin 2019 près de 4 milliards d’euros. Un marché jeune comparé aux 469 milliards de fonds labellisés Investissement Socialement Responsable (ISR).

Divers acteurs, publics et privés, interviennent sur le marché français. On y trouve des investisseurs dédiés, des groupes bancaires, des sociétés foncières, des sociétés de gestion, des groupes assurantiels, des entreprises ou encore des banques publiques.

Quel est le mécanisme de cet investissement ?

L’investissement à impact utilise divers instruments financiers (capital-investissement, dettes, actions cotées, obligations vertes ou à impact social, investissement immobilier, cession ou délégation de créance, etc.).

L’un des plus adoptés en France est le contrat à impact social (CIS) qui s’inscrit depuis 2016 dans la politique générale du gouvernement de développer l’économie sociale et solidaire. Le CIS est un contrat entre un ou plusieurs investisseurs, un opérateur et les pouvoirs publics. L’investisseur s’engage à pré-subventionner un projet à impact social que l’opérateur s’oblige à mettre en œuvre (la « Participation »). En contrepartie de cette Participation, les pouvoirs publics s’engagent, via une subvention ou autres contributions et droits disponibles, à compenser au prorata temporis l’investisseur et à lui verser une prime, à condition que les objectifs sociaux et environnementaux prédéfinis soient atteints (la « Compensation »). Ainsi, l’investisseur supporte le risque de perdre sa Participation si les résultats ne sont pas atteints.

Quelles sont les techniques juridiques innovantes au service de cet investissement à impact ?

L’usage de la fiducie-gestion dans le cadre de CIS est l’une des techniques les plus innovantes à ce jour. Introduite par la loi n°2007-211, la fiducie permet de transférer temporairement la propriété d’un actif à un fiduciaire pour qu’il en fasse un usage déterminé, puis qu’il le remette à un bénéficiaire. Ainsi la Participation et la Compensation sont isolées au sein d’un patrimoine d’affectation, à charge pour le fiduciaire de remettre la Participation à l’opérateur pour mettre en œuvre le projet et, une fois les objectifs fixés atteints, de remettre la Compensation à l’investisseur.

Les avantages de la fiducie sont multiples. D’abord, elle définanciarise et simplifie l’opération pour l’opérateur (pas de passif financier de type obligataire). Ensuite, la fiducie a l’avantage de la sécurité dans la mesure où elle isole les actifs et atténue différents risques (cash-flow, faillite, dissipation…), et contribue à la transparence, puisque le fiduciaire agit selon une mission déterminée par les parties au contrat de fiducie.

Enfin, l’opération de fiducie telle qu’envisagée permet également de mettre en place des projets à l’international. Le régime juridique, comptable et fiscal en droit français (et OHADA par certains aspects) en fait un instrument hautement lisible pour les acteurs de ce marché international.

Propos recueillis par Béatrice Constans

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