Le plan de relance historique sur lequel se sont accordés les États membres en juillet 2020 se met en place rapidement. Rares sont les fois où la machine européenne se sera révélée aussi efficace. Malgré certaines tensions et quelques déceptions, l’UE affiche de vraies ambitions économiques.

La crise semble avoir renforcé l’intégration européenne. Soutenue par l’UE et alors que la pandémie n’est pas encore derrière nous, l’économie redémarre à vive allure. Elle regagne même tout le terrain qu’elle avait perdu au plus fort de la tempête, selon les dernières prévisions de croissance de Bruxelles, dévoilées en février. Après un rebond de 5,3 % en 2021, l’économie du Vieux Continent devrait afficher un taux de croissance de 4 % en 2022 et 2,8 % en 2023. Et tous les États membres pourraient avoir retrouvé leur niveau d’avant-crise d’ici à la fin de l’année. Une remontée sur les chapeaux de roues que la Commission européenne estime devoir au succès des campagnes de vaccination et à la coordination de la relance. "Le chômage a atteint un plancher historique, constate Valdis Dombrovskis, vice-président exécutif pour une économie au service des personnes. La pandémie n’étant pas encore terminée, le défi immédiat que nous devons relever est de maintenir la reprise sur les rails.

Un accord historique

Outre la gestion du volet sanitaire, les vingt-sept pays de l’UE se sont accordés en juillet 2020 sur un plan de relance massif de 750 milliards d’euros. C’est un "jour historique pour l’Europe !", avait tweeté dans la foulée Emmanuel Macron. Un vrai tour de force alors que les divergences entre les États faisaient craindre un deal au rabais. In fine, la feuille de route, baptisée NextGeneration EU, prévoit le versement de 390 milliards d’euros de subventions et de 360 milliards de prêts. À l’origine, Bruxelles souhaitait que les aides prennent davantage la forme de subventions (500 milliards) mais un compromis a dû être trouvé pour faire monter à bord les pays dits frugaux (Pays-Bas, Suède, Danemark, Autriche rejoints par la Finlande) qui menaçaient l’accord sans un rééquilibrage sur ce point.

"NextGenerationEU est un symbole de ce qui est possible lorsque l'Europe se réunit autour d'une vision commune d'un avenir meilleur"

Le programme cible les États les plus durement touchés par la crise sanitaire et a pour ambition de favoriser les investissements dans la transition écologique et numérique. La France, par exemple, qui recevra en tout 39,4 milliards d’euros, a fait valider son plan par la Commission en juillet 2021. Celui-ci prévoit d’allouer 46 % de son enveloppe totale à des mesures qui soutiennent des objectifs climatiques et 21 % à la transition numérique. "NextGenerationEU est un symbole de ce qui est possible lorsque l'Europe se réunit autour d'une vision commune d'un avenir meilleur", réagissait dans la foulée Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, qui a largement œuvré pour que les pays trouvent un accord ambitieux.

Emprunts communs

Outre le montant sur lequel se sont entendus les gouvernants, l’une des forces du deal est d’avoir acté la mutualisation de certains emprunts et le développement de nouvelles ressources propres. La question de la mutualisation des financements avait été posée lors de la crise des dettes souveraines, période durant laquelle les dettes des pays du sud avaient vu leur taux d’emprunt flamber sur les marchés. À l’époque, l’Allemagne, notamment, s’était refusée à toute mise en commun des financements, ne voulant pas payer pour les États les moins bien gérés. Désormais un grand pas en avant a été fait.

En ce qui concerne les nouvelles ressources propres, la Commission travaille notamment sur un système d’échange de quotas d’émissions, un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et la réaffectation des bénéfices des multinationales. Certains déplorent le manque d’ambitions sur ces points. C’est le cas de Michel Barnier, ex-commissaire européen aux marchés financiers : "On avait parlé d’une taxe numérique qui aujourd’hui n’existe plus et qui sera remplacée par une recette de 15 % sur les grandes entreprises. On parlait de 7 à 14 milliards perçus annuellement, finalement ce sera 800 millions d’euros par an." Malgré les déceptions que peut susciter le plan, le conseiller de Valérie Pécresse reconnaît que l’établissement d’un tel plan était inimaginable il y a quelques années.

Véritable succès

Le plan de relance est également un succès en ce qu’il attire les investisseurs. Les marchés affichent leur confiance dans l’Union européenne. Preuve en est lorsque l’Europe fait appel à eux pour financer son programme, les demandes de souscription dépassent les capacités du carnet de commandes entre sept et quatorze fois, précise-t-elle dans un rapport publié en février. Ce qui a permis à Bruxelles de clôturer ses opérations 2021 pour NextGeneration EU avec un coût moyen de financement inférieur à 0,14 % pour 71 milliards d’euros levés. Un taux bas que nombre de pays membres n’auraient pu se voir accorder s’ils avaient été seuls sur les marchés.

Un tel plan était inimaginable il y a quelques années

Ce rapport "confirme le succès sans précédent du programme de financement, commente Johannes Han, commissaire chargé du budget et de l’administration. Cette réussite aura des retombées positives pour les États membres bénéficiaires de subventions et de prêts, et montre ce que la solidarité européenne permet d’accomplir." La Commission se félicite également d’avoir débloqué les montants auprès des États dans les six jours ouvrables après l’achèvement des procédures juridiques nécessaires. S’il est parfois reproché au Vieux Continent d’être ralenti par une technocratie bien trop lourde et des forces vives sous-dimensionnées, en matière de plans de relance, la critique ne tient pas. Les discussions – qui ont paru interminables le temps de trouver un consensus entre les pays – ont en réalité été très rapides quand on connaît les difficultés à mettre tout le monde autour de la table. L’exécution du deal se veut aussi véloce. Pari réussi jusqu’à présent.

Tout n'est pas si rose

Les pourparlers entre les gouvernants ont montré des divergences de conception sur ce que doit être la gestion de l’UE. L’octroi des fonds est conditionné au respect de l’État de droit, que certains pays semblent avoir oublié, comme la Hongrie ou la Pologne sur des thèmes comme la justice ou les médias. Les écarts avec les règles d’orthodoxie budgétaires – relatives au ratio des dettes et des déficits du PIB – posent la question de la refonte du cadre conceptuel économique. Sans parler de la montée en puissance de certains souverainismes et des craintes concernant l’utilisation des financements. Mais, dans les faits, l’Europe a réussi à trouver un terrain d’entente unique, efficace et rapide lorsque la crise faisait rage. Elle s’est montrée capable de réagir quand la situation le nécessitait. Une meilleure intégration, une Europe plus protectrice pourraient peut-être, qui sait, donner envie aux peuples parfois échaudés par les règles de l’UE de croire un peu plus à leur union.

Olivia Vignaud

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