Spécialiste des entreprises en mutation, Zalis fête ses vingt ans. Le moment de faire le point sur l’actualité et l’évolution du cabinet avec son président fondateur, Daniel Cohen, expert en stratégie.

Décideurs. Alors que vous vous apprêtez à fêter les vingt ans de Zalis, quel bilan faites-vous du chemin parcouru ?

Daniel Cohen. Cet anniversaire nous a amené à revenir sur toutes les missions que nous avons effectuées depuis notre création. Nous avons alors réalisé qu’elles nous avaient permis de sauver près de 1 000 emplois par an, soit, à ce jour, un total d’environ 20 000 emplois sauvegardés. Un chiffre marquant qui rappelle le sens de notre engagement. Au-delà, autour de 9 clients sur 10 que nous avons accompagnés et qui auraient pu disparaître existent encore aujourd’hui. Dans un secteur qui se concentre sur les entreprises en difficulté, c’est un taux de réussite dont on peut se féliciter. Ainsi, il y a douze ans, nous sommes intervenus auprès du groupe Casino Partouche qui rencontrait de très grandes difficultés. Désormais désendetté, nous les assistons toujours mais dans une croissance exponentielle. Autre illustration avec le groupe Altis Semiconductor, devenu X-Fab qui a également failli disparaître et qui livre aujourd’hui des semi-conducteurs à l’automobile. Dans ce secteur sous-capacitaire, la société est en forte croissance. Enfin, nous avons participé à la cession de Latécoère à Apollo Management, ce qui a permis au groupe structurellement déficitaire de retrouver sa position sur le marché. Ces quelques modèles, parmi d’autres, sont une source de grandes satisfactions pour notre équipe.

Quelle est votre approche du métier ? Et votre recette miracle pour soutenir une entreprise en difficulté ?

Au départ, notre approche est très similaire à celle de n’importe quel autre cabinet. Avant tout, nous réalisons un diagnostic afin de comprendre rapidement ce qui se passe. Ensuite, nous accompagnons le management en place, voire nous nous substituons à lui si la situation le requiert. Nous n’hésitons pas à prendre les mandats sociaux boudés par les gros cabinets et nous prenons toujours le temps de réaliser nos missions afin de ne pas brûler les étapes, défaut de certaines structures plus petites. Il n’y a pas d’ingrédient miracle. Il faut bien évidemment s’appuyer sur les salariés en place et s’entendre avec les syndicats de façon à mobiliser toutes les ressources de l’entreprise. Par ailleurs, soulignons que notre rémunération est assise sur le succès et que notre équipe est composée de professionnels de grande qualité capables d’apporter des compétences complémentaires. C’est grâce à tous ces ingrédients, mis bout à bout qu’il est possible de mettre en œuvre toutes les conditions d’un succès.

"Pour prendre des décisions éclairées, il est nécessaire d'avoir des avis d'experts métiers qui portent un regard neuf et indépendant"

Si chaque dossier est différent, certains points d’attention sont-ils incontournables ?

Je m’interdis toujours d’affirmer "je vous l’avais bien dit". On ne peut pas se réfugier derrière cela. Il est de notre responsabilité de faire passer l’information pour que votre interlocuteur puisse la comprendre. Cela oblige à s’impliquer davantage pour l’amener à prendre conscience qu’il y a des choses à faire bouger. En France, contrairement à la culture anglo-saxonne où le dirigeant s’entoure de conseils extérieurs, nous avons beaucoup de difficultés à faire appel à des consultants. Or pour prendre des décisions éclairées, il est nécessaire d’avoir les avis d’experts du métier qui vont porter un regard neutre et indépendant car ils ne sont pas happés par le travail du quotidien. Je m’applique ce conseil en premier lieu. Lorsque je prends la direction d’une entreprise, au bout de trois mois, je sais que mon regard ne sera plus objectif et je demande à des conseils externes d’avoir un regard critique sur mon action. Enfin, il faut faire très attention aux postures de déni. C’est aussi le rôle du consultant de mettre en confiance le dirigeant en étant clair et lucide sur les difficultés qu’il va traverser.

Nous vivons un contexte de crise à la fois économique et géopolitique. Quelle est votre analyse de la situation ? Et quels conseils proposez-vous pour aider les entreprises à traverser cette période ?

Aujourd’hui, je prends le contrepied de cette position. Le fonctionnement naturel du monde est d’être en crise perpétuelle. Nous avons traversé les Trente Glorieuses où l’on a eu l’impression que tout s’apaisait puis il y a eu le choc pétrolier de 1973, la guerre du Vietnam, celle du Kippour, la guerre du Golfe, les conflits en Yougoslavie, etc. Cela n’a jamais été calme. Je peux même affirmer que ce qui est inhabituel, c’est d’être en dehors des crises économiques et globales. Au regard de ce constat, nous vivons une période qui n’est pas plus difficile que les précédentes. On peut s’en désoler, mais pour autant le monde ne sait pas évoluer sans crise financière, économique ou globale. Une fois cet état de fait intégré, on en revient à la gestion des risques pour aller de l’avant dans le contexte de ruptures successives et constantes. Ainsi, je prends souvent l’exemple de l’explosion de la bulle Internet. Lorsque toutes les entreprises s’effondrent dans le secteur, il reste les Google, les Netflix, les Uber, toutes les plus grosses capitalisations mondiales sont nées à ce moment-là. Le message que j’essaye de faire passer modestement aux dirigeants est qu’il faut continuer d’avancer en faisant preuve d’agilité selon les situations.

Qu’est-ce qui, aujourd’hui, fait votre différence au sein de l’écosystème ?

Avant tout, une volonté farouche de sauver les entreprises, les emplois et de se donner tous les moyens d’y arriver. Pas question de dépecer une entreprise pour la vendre en morceaux. Nos excellentes relations avec Bercy et le Ciri en témoignent. Ils savent que viscéralement nous nous battons pour sauver l’industrie française. Par ailleurs, notre développement se fait aussi à l’international avec des bureaux à Casablanca, New York ou encore au Canada. Nous faisons partie de BTG Global Advisory, un réseau international de cabinets de retournement et de M&A indépendants qui nous offre une capacité d’intervention dans le monde entier. D’un point de vue plus général, je m’intéresse beaucoup aux aspects culturels et notamment aux différentes réactions, selon les pays, aux situations de crise, entre individualité et collectivité ou encore en matière de distance hiérarchique (Ndlr : lire les travaux de Geert Hofstede). En France, de ce point de vue, nous sommes d’ailleurs un paradoxe : à la fois très individualistes mais en même temps très attachés à la hiérarchie. Je garde ces grilles de décodage en tête lorsque j’interviens auprès d’une entreprise en difficulté pour cerner sa culture profonde. Cela me permet de savoir ce qu’elle acceptera comme transformation et jusqu’où il est possible d’aller.

Propos recueillis par Béatrice Constans

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Daniel Cohen

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