Le groupe financier Anaxago, spécialisée dans l'investissement alternatif, change ses statuts pour devenir une entreprise à mission. L’occasion de revenir sur l’implication du secteur financier dans la transition environnementale. Rencontre avec Joachim Dupont, fondateur et président du groupe aux 800 millions d’euros de collecte.

Décideurs. Qu’est-ce que le statut d’entreprise à mission a de particulier pour une société de gestion ?

Joachim Dupont. L’enjeu est double. Nous avons une responsabilité en interne, en tant qu’entreprise et à travers celles dans lesquelles nous investissons. Le rôle de la société de gestion est d’avoir un impact positif en matière d’investissement. Avec ce nouveau statut, nous répliquons ce double enjeu en intégrant un critère d’additionnalité, c’est-à-dire la contribution de l’investisseur permettant à l’entreprise ou au projet financé d’accroître l’impact positif généré en portant les questions de RSE ainsi que les thématiques ESG au sein des organes de gouvernance des entreprises que nous finançons.    

Qu’avez-vous choisi comme raison d’être ?

L’ADN d’Anaxago est d’ouvrir à chaque investisseur l’accès à un monde d’opportunités engagées. Historiquement, 30% de nos investissements sont déjà dirigés vers des projets à impact positif. L’objectif est de monter à 80 % et d’investir 100 millions d’euros supplémentaires dans les prochains mois, notamment dans la rénovation de bâtiments, des logements sociaux et dans la transition énergétique. Avec ce changement de statut, l’idée est que chaque euro investi dans Anaxago sera intégré à des enjeux de neutralité carbone ou à impact social.

"La vraie difficulté réside dans l’accompagnement des sociétés vers une neutralité carbone alors que leur service n’a pas de lien direct avec l’environnement ou l’impact social."

Quelles difficultés peuvent accompagner ce changement de statut ?

La transition d’une entreprise passe par l’intention, la conduite du changement et la mesure de ce changement. Ce qui est un défi. Le statut d’entreprise à mission est déclaratif, la difficulté réside dans la mise en place de cette transition effective à chaque échelon de l’entreprise. La mesure des impacts concrets peut s’avérer complexe pour certains projets. Lorsque vous installez des panneaux photovoltaïques, il est facile de mesurer l’économie d’énergie, de même quand vous optimisez les dispositifs de réduction de consommation d’eau dans des hôtels, l’impact est immédiat et quantifiable. Dans la santé, un de nos secteurs cibles, il est plus délicat d’en mesurer les effets notamment dans les premières phases de vie du projet, toutefois l’impact social peut être évident en cas de succès. La vraie difficulté réside dans l’accompagnement des sociétés vers une neutralité carbone alors que leur service n’a pas de lien direct avec l’environnement ou l’impact social.

Chez Anaxago, nous concentrons nos investissements non plus sur la promotion mais sur la rénovation immobilière. Par ailleurs, nous accélérons dans la santé, notamment depuis l’intégration de Cap Horn Invest, avec qui nous avons participé au financement de Therapixel, éditeur d’une IA qui vise à améliorer la détection des cancers du sein. Et, chose rare pour le secteur, nous avons autant de femmes que d’hommes dans nos équipes. Enfin, globalement, nos ratios sociaux sont bons par rapport au secteur.

Le secteur financier est-il en retard ?

Les investissements socialement responsables ne sont pas nouveaux, la finance a été parmi les premiers secteurs à prendre en considération les enjeux ESG. Toutefois, l’impact réel de ces stratégies reste encore limité. Nous nous sommes longtemps reposés sur des stratégies d’exclusion ou une approche ESG peu contraignante,  mais cela ne suffit plus. Désormais, le secteur accélère sous l’impulsion des investisseurs et de la réglementation et c’est une bonne chose. Le véritable défi est de faire de l’investissement responsable une norme et non plus une exception. A nous d’aller encore plus loin, via des critères d’investissement réellement contraignants pour financer la transition énergétique et les enjeux de décarbonation au sens large.

 

Propos recueillis par Céline Toni

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