L'équipe private equity de White & Case s’est structurée ces dernières années afin de couvrir l’intégralité des besoins des sponsors financiers et de leur construire une offre complète, intégrant l’ensemble des compétences du cabinet au niveau international. Xavier Petet, associé en private equity, décrypte ce marché qui connaît quelques soubresauts.

Décideurs. Le marché du private equity semble tourner au ralenti après des années particulièrement fastes. Quelle analyse faites-vous de la dynamique actuelle ?

Xavier Petet. Durant la période post-Covid, nous avons en effet connu des années records, tant en nombre d’opérations qu’en matière de valorisation des sociétés cibles. Cette tendance s’est poursuivie en 2022 en dépit d’un contexte économique plus troublé. C’est au cours du second semestre 2022 que nous avons commencé à observer un réel ralentissement du marché. Les enjeux macroéconomiques ont engendré un attentisme certain de la part des acteurs du private equity.

Il ne faut pas pour autant généraliser. Cette baisse d’activité n’a pas affecté avec la même intensité l’ensemble des classes d’actifs. Les valorisations de sociétés en croissance, notamment dans le secteur de la tech, sont certes revenues à des niveaux plus rationnels mais d’autres secteurs ont été nettement moins impactés, comme celui de l’énergie ou des infrastructures par exemple.

Comment cette tendance se reflète-t-elle sur le comportement des parties prenantes ?

Outre le volume des transactions qui n’est plus le même, l’approche des différentes parties a elle aussi évolué. La prudence est de mise, autant du côté des vendeurs que des acquéreurs.

Côté acquéreurs, les investisseurs ont besoin de se rassurer sur la viabilité des actifs et la robustesse des business models et on s’éloigne peu à peu des standards classiques de process très compétitifs dans lesquels les candidats se livrent à une guerre sur les prix. On a pu voir un certain nombre d’acquéreurs qui, dans un autre contexte, se seraient positionnés sur une opération mais s’abstiennent de le faire dans la crainte de se voir reprocher un deal réalisé au mauvais moment ou pour une valorisation jugée excessive.

Quant aux vendeurs, ils s’interrogent davantage avant de prendre le risque de voir échouer un processus d’enchères impliquant un grand nombre de bidders, et donc une exposition importante sur le marché, si les conditions d’une sortie réussie ne sont pas réunies.

De fait, on constate un glissement du modèle des processus d’enchères, qui constituait jusqu’alors le sacro-saint, vers des discussions bilatérales, voire "multi" latérales, et a minima, une prudence accrue des vendeurs se traduisant par une généralisation de sondages de marché plus précis qu’auparavant en amont du lancement d’un process de vente.

"Les deals majoritaires payés au prix fort et portés par un financement d’acquisition lourd ne sont plus légion"

Face à des financements bancaires plus difficiles à obtenir et plus chers, comment se structurent désormais les deals ?

La structuration n’est plus la même. Les deals majoritaires payés au prix fort et portés par un financement d’acquisition lourd ne sont plus légion.

Les difficultés d’accès à une dette d’acquisition dans des conditions satisfaisantes ont été, notamment sur les deals large-cap, l’un des principaux facteurs du ralentissement des opérations. Certes, les fonds de dette ont pris le relais des banques dans de nombreuses occasions mais les conditions ne sont pas les mêmes.

Nous avons pu observer une tendance grandissante des prises de participation minoritaires et/ou en consortium, voire des alliances de bidders en cours de process, pour sécuriser leurs positions réciproques et réduire leur exposition. Les deals minoritaires présentent par ailleurs le double avantage d’éviter à l’acquéreur de porter un financement trop important et de ne pas entraîner de changement de contrôle pouvant provoquer une accélération de la dette existante au niveau du groupe. Jusqu’à présent, la portabilité de la dette constituait un sujet mineur, créant dans certains cas l’opportunité de négocier de meilleures conditions. Ce n’est plus le cas. On voit d’ailleurs de plus en plus d’offres d’acquéreurs avec un ticket 100 % equity, notamment sur des deals de taille modeste.

Dans ce contexte, la stratégie des fonds évolue-t-elle ?

Les fonds dotés de stratégies très marquées sur des classes d’actifs ou des domaines d’activités spécifiques cherchent désormais à relever des positions plus généralistes pour minimiser les risques d’effondrement sectoriels. Les opérations de plateformes et les stratégies dites de "roll-up" se sont également démocratisées. Plutôt que d’investir sur un actif d’envergure, auquel vient ensuite s’adjoindre une série de build-up de plus petite taille, certains sponsors privilégient le lancement de plateformes de développement ou le rachat de plusieurs cibles en parallèle, en vue de les combiner. Ils peuvent de cette manière répartir leur exposition sur un plus grand nombre d’actifs qui, une fois consolidés, formeront un groupe de taille critique leur permettant de maximiser leur sortie.

Les pratiques diffèrent néanmoins selon les secteurs. Une partie substantielle de notre activité porte sur le secteur des infrastructures et de la transition énergétique, qui reste évidemment très dynamique. Dans le domaine des énergies renouvelables, le volume de transactions demeure élevé, tant sur le large-cap que sur les opérations de plateforme ou d’investissement au sein de développeurs.

Quelles sont les conséquences en matière de documentation juridique ?

Plus que jamais, la vigilance des vendeurs se cristallise sur tout élément créant une conditionnalité ou faisant porter le moindre risque d’exécution à une opération. Les discussions portant sur l’introduction de conditions suspensives, liées à l’obtention de waivers bancaires par exemple, constituent une source de crispation entre vendeur et acquéreur. Les sujets portant sur l’obtention des autorisations antitrust et celles liées au contrôle des investissements étrangers ont aussi pris une place critique dans les négociations.

Plus généralement, on observe sur les mandats buy side que la dynamique a progressivementr basculé d’une approche très "seller friendly" de prises de positions commerciales et pragmatiques en vue de sécuriser un deal à une logique de négociation plus pointilleuse de la documentation contractuelle et, évidemment, une attention accrue portée sur les due diligences.

Enfin, la place des management packages est toujours plus importante, les deals de private equity étant par nature des opérations dans lesquelles le rôle du management est crucial pour délivrer le business plan. La confiance du sponsor dans l’équipe de management est primordiale et les mécanismes d’incitation à la création de valeur sont au coeur du dispositif, en dépit d’un contexte juridique et fiscal de plus en plus contraint, en raison des risques de requalification confirmés par la jurisprudence récente du Conseil d’État en la matière.

"Nous avons considérablement développé notre offre d’accompagnement sur mesure couvrant le spectre complet des besoins des sponsors sur leurs opérations complexes"

Comment le cabinet s’adapte-t-il à ces variations de marché ?

Nous avons la chance de posséder au sein du cabinet une pratique très complète. Nous avons considérablement développé notre offre d’accompagnement sur mesure couvrant le spectre complet des besoins des sponsors sur leurs opérations complexes. Cela nous amène à couvrir une grande variété de deals, allant des LBO large-cap aux opérations de croissance externe, en passant par les levées de fonds et des réorganisations financières. Cela se répercute également dans la diversité de nos clients : fonds de private equity "plain vanilla", fonds d’infrastructures, fonds de pension, fonds souverains, fonds de retournement et situations spéciales… Cette approche nous a permis de constituer une équipe solide se maintenant à un niveau d’occupation très élevé quelles que soient les conditions de marché.

La beauté de notre modèle est d’offrir aux sponsors un "one stop shop" couvrant l’ensemble de leurs problématiques sur les deals : structuration fiscale, financement, management packages, antitrust, FDI, etc. Autant de sujets sur lesquels le cabinet compte des associés spécialisés, disposant d’une expertise de premier plan.

Enfin, notre dimension internationale nous positionne idéalement sur des opérations transfrontalières de place sur lesquelles nos équipes travaillent de façon coordonnée et harmonisée, quelles que soient lese juridictions concernées, avec un objectif commun : assurer le succès des opérations.

Quelle est votre vision pour l’avenir ?

Les perspectives de reprise devraient être rapides, dès que les conditions de marché se seront apaisées, car il reste beaucoup d’argent à investir. Les sociétés de gestion ont récemment réalisé des levées de fonds significatives, l’attrait des investisseurs pour le private equity n’est pas démenti et l’ouverture historique au retail promet d’offrir un souffle nouveau à l’univers du non-coté.

Propos recueillis par Béatrice Constans

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