For Talents est une société d’investissement, créée par Matthieu Leclercq, qui promeut les transmissions au sein des entreprises familiales. Blandine Pessin-Bazil, partner en charge de l’accompagnement des transmissions, et Benjamin Teszner, partner en charge des prises de participations, reviennent sur l’importance de réussir les passages de flambeau dans les entreprises familiales.
Blandine Pessin-Bazil, Benjamin Teszner (Partners For Talents) : « Les transmissions seront essentielles pour que les PME deviennent des ETI familiales et renforcent le tissu entrepreneurial »
Décideurs. Combien d’entreprises familiales seront concernées par des problématiques de transmission dans les prochaines années ?
Blandine Pessin-Bazil. Une entreprise familiale sur deux va se trouver en phase de transmission dans les dix prochaines années selon la BPI, et 47 % des dirigeants de 60- 69 ans et 36 % des plus de 70 ans n’auraient pas formalisé de plan de succession. Les dirigeants, souvent fondateurs, n’anticipent pas suffisamment tôt la transmission de leur entreprise au sein de leur famille. Il est donc important de sensibiliser les dirigeants d’une part et leur famille d’autre part, pour que cette phase soit évoquée régulièrement. Il existe pourtant des mécanismes fiscaux, opérationnels et de gouvernance qui permettent d’assurer la réussite du transfert entre deux générations. Ces passations seront essentielles notamment pour que les PME puissent à l’avenir devenir de belles ETI familiales et ainsi renforcer le tissu des ETI en France.
Pourquoi les entreprises familiales n’anticipent-elles pas assez cette phase ?
B. P.-B. Fréquemment, un fondateur, même après plusieurs décennies, va se décrire comme un « entrepreneur ». Il ne se pense pas comme un dirigeant d’entreprise familiale alors même qu’il est souvent majoritaire ou contrôlant au capital. Il faut leur faire prendre conscience que la transmission familiale existe. C’est un enjeu fort qui nécessite du courage car transmettre le pouvoir et l’autorité sur son entreprise, c’est aussi se déposséder un peu, tout en en assurant la continuité et le développement au-delà de soi.
Pour vous qu’est-ce qu’une transmission réussie ?
B.P.-B. Une transmission est réussie lorsque l’ancien dirigeant ainsi que le nouveau, chacun dans son nouveau rôle, vont bien et que l’unité familiale est préservée. Ces deux critères clés contribuent à la création de valeur de l’entreprise. Nous constatons que certaines transmissions n’en sont pas réellement, or nous souhaitons accompagner cette phase de sorte que la nouvelle personne en charge de conduire l’entreprise puisse le faire pleinement. Notre équipe veille à ce que ce ne soit pas une transmission de façade mais un vrai passage de flambeau.
À quoi êtes-vous particulièrement vigilants pour préserver la valeur de l’entreprise lors de la transmission ?
B.P.-B. Il est compliqué pour un dirigeant familial ou un fondateur de transmettre son entreprise s’il n’a pas un autre projet suffisamment motivant pour d’une part laisser sa place en toute confiance à celui à qui il transmet et d’autre part continuer à nourrir son énergie vitale. Les facteurs humains sont importants, nous les prenons en compte lors de la transmission de flambeau. À titre d’illustration, après avoir transmis pleinement la présidence de son groupe à sa fille, Pierre Riou, le fondateur du groupe Riou Glass, l’une de nos six participations, a créé deux nouvelles activités avec son petit-fils.
Benjamin Teszner. Nous veillons à anticiper toutes les phases de cette transmission dont la donation des titres est une des étapes. Qui dit donation dit paiement des droits associés à cette donation, or on constate trop souvent des transmissions intrafamiliales qui achoppent sur ce point. En anticipant bien, on peut très largement réduire ces frottements en tirant profit du cadre fiscal actuel avec le Pacte Dutreil, les démembrements de propriété, les donations transgénérationnelles… Ainsi, on peut éviter aux familles actionnaires d’avoir à vendre une partie de leur entreprise pour pouvoir assurer la continuité du contrôle actionnarial et permettre le passage de flambeau.
En complément de votre activité d’investisseur, en quoi le positionnement de For Talents permet-il d’accompagner les entreprises familiales dans cette phase de transmission ?
B. T. Investissement et accompagnement sont deux conditions indissociables de notre intervention. Nous nous intéressons exclusivement aux entreprises familiales en phase de transmission intergénérationnelle et toujours en tant qu’investisseur minoritaire. Nous accompagnons les différentes composantes de l’actionnariat familial pour nous assurer que la passation soit bien effective. Nous souhaitons que ces groupes familiaux le restent. L’ADN de For Talents est empreint de la culture des groupes familiaux. En témoigne l’expérience de l’équipe, notamment celle de Matthieu Leclercq qui est issu de la quatrième génération de la famille Mulliez et a été président de Decathlon, l’enseigne sportive fondée par son père. Nous aimons les entreprises familiales et nous nous intéressons autant à la personne morale qu’aux personnes physiques qui en sont les actionnaires. Notre objectif est toujours d’investir pour augmenter la réussite de passage de flambeau dans les entreprises familiales.
Propos recueillis par Céline Toni
