Inaugurée en 2011 par la loi Copé-Zimmermann, la législation en faveur de l’égalité économique et professionnelle entre hommes et femmes s’est renforcée le 24 décembre 2021 par la promulgation de la loi Rixain, qui impose des quotas dans les postes de direction des grandes entreprises de plus de 1 000 salariés. Trois ans plus tard, où en sont nos entreprises du CAC 40 ?
CAC 40 : où en est la féminisation des cadres dirigeants
Malgré ses effets positifs sur la performance et la responsabilité sociétale, la féminisation des entreprises du CAC 40 reste rythmée par le calendrier progressif du cadre législatif, alors que les femmes demeurent globalement exclues de la gouvernance de ces groupes.
La mixité, gage de rentabilité
Selon l’édition 2024 de l’étude de l’Observatoire Skema, il apparaît qu’au cours de l’année 2023, plus le pourcentage de femmes dans les effectifs était important, plus la rentabilité opérationnelle était élevée. Cette corrélation positive entre féminisation et rentabilité se vérifie pour la féminisation de l’encadrement, avec un coefficient légèrement réduit. Les effets bénéfiques de la mixité sur la performance des entreprises s’expliquent par plusieurs facteurs : un choix plus large pour les recrutements et donc davantage de possibilités de trouver la personne la plus qualifiée pour un poste ; une meilleure compréhension des attentes de la clientèle féminine ; une représentation diversifiée enrichissante pour la créativité et les processus de décision ; une plus grande stabilité permettant de garder des compétences jugées stratégiques tout en rentabilisant l’investissement dévolu à la formation des équipes – puisque les femmes sont plus fidèles à leurs entreprises que les hommes ; la motivation suscitée par la possibilité accrue pour les femmes d’être promues ; enfin, la perception positive des entreprises favorisant la mixité par les parties prenantes et la sphère publique.
Un facteur d’engagement
Le capital sympathie des groupes du CAC 40 qui se conforment à la législation est d’autant plus susceptible de croître que la féminisation des effectifs et de l’encadrement permet aussi de réduire les risques en matière de responsabilité environnementale des entreprises. Le constat est le même pour ce qui est de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), avec une légère plus-value, puisque la féminisation des comités exécutifs a aussi une influence, certes modérée, mais non négligeable pour qui en prend la mesure, en faveur des enjeux du développement durable. Malgré les avantages et la rentabilité de la féminisation, les femmes peinent encore à accéder aux comités exécutifs. Interrogée par Décideurs Magazine, Marie-Pierre Rixain, députée à l’origine de la proposition de loi du même nom, évoquait le caractère insuffisant de la loi Copé-Zimmermann : “À l’époque, il y a eu une espèce de promesse qui disait : ‘Ne touchez pas aux codir et comex, la loi va ruisseler mécaniquement.’ Résultat ? Ça n’a pas évolué. S’il n’y a pas de volonté forte du législateur ni de mesures un peu coercitives, les choses n’avancent pas.”
Législation et plafond de verre
Au 1er janvier 2023, 139 femmes figuraient parmi les 528 membres des comex des entreprises du CAC 40, soit seulement 26 %, alors qu’elles représentent en moyenne 37 % de la population des cadres – vivier traditionnel de recrutement de dirigeants. Une situation encore plus alarmante s’agissant des postes au sein de la gouvernance, où les femmes ne sont que 6 %, malgré la bonne volonté de certains acteurs, comme Vivendi et Schneider Electric. Interrogée par Décideurs RH, Céline Merle-Béral, directrice de la stratégie des ressources humaines et de la culture d’entreprise chez Vivendi, expliquait les raisons de cette réussite : “La féminisation de nos effectifs, jusqu'au sein des comex, s’est mise en place naturellement sans faire l’objet d’une stratégie particulière. Nous avons constaté l’impact positif de la mixité et a fortiori de la diversité sur la performance de nos effectifs avant que la législation ne s’empare du sujet et nous sommes adaptés en conséquence.”
Les chiffres évoqués vont évidemment évoluer au rythme des échéances fixées par la loi Rixain : d’ici 2026, les instances dirigeantes des entreprises devront comporter 30 % de femmes – proportion portée à 40 % pour l’horizon 2029. Reste à savoir si les ambitions de cette nouvelle législation, assorties de lourdes sanctions financières, permettront de briser ce plafond de verre. Dominique Podesta, partner chez Louis Dupont, soulignait encore récemment le rôle essentiel des politiques RH et du management de transition pour la concrétisation des objectifs de cette nouvelle loi, traçant une voie parmi d’autres vers plus d’égalité économique et professionnelle.
Cem Algul