La coopérative réunit plus de 800 magasins et 480 chefs d’entreprise. Son PDG a su insuffler depuis quatorze ans un esprit d’innovation pour faire face à la concurrence redoutable que connaissent les secteurs de l’optique et de l’audition. En 2023, l’enseigne atteignait les 455 millions de chiffre d’affaires. Un record.

Éric Plat n’a pas sa langue dans la poche. Le PDG d’Atol depuis quatorze ans fait usage de sa verve pour prendre position sur des sujets qui lui tiennent à cœur, parmi lesquels l’industrie française. Dès 2007, l’enseigne mène une politique de relocalisation en France pour la fabrication de ses montures de lunettes. Cependant l’émergence du 100 % santé – lequel permet aux Français bénéficiant d’un contrat responsable par leur mutuelle de se voir rembourser en totalité leurs soins optiques, dentaires et auditifs – l’oblige depuis 2021 à délocaliser en Chine une partie de sa production afin de maintenir des prix bas tout en favorisant l’accès aux produits. "C’est paradoxal quand on entend le gouvernement appeler à produire en France, s’insurge le dirigeant. La situation politique que l’on connaît dans le pays est liée à ces contradictions que les Français ne comprennent pas."

S’engager pour la santé

Éric Plat déplore également que l’argent public ne soit pas toujours dépensé au bon endroit. Il cite l’exemple d’un patron de boutique Atol menacé de 45 000 euros d’amende et de deux ans d’emprisonnement pour n’avoir proposé que 47 montures dans le cadre du 100 % santé au lieu des 54 requises par la loi. "On ferait mieux de payer moins de contrôleurs et de financer les études d’ORL qui ne sont que 2000 dans l’Hexagone, ce qui retarde l’accès aux soins." Ce diplômé d’école de commerce qui a été quinze ans durant à la tête de sa société de conseil et formation ajoute que les chefs d’entreprise ne sont pas suffisamment considérés en France. "Les dirigeants sont assez mal accompagnés. Les hommes politiques ont tendance à caricaturer les patrons et les médias à ne parler que du CAC 40 alors qu’il existe trois millions de petites et moyennes entreprises." D’où l’embauche à temps plein de deux coachs chez Atol afin de soutenir psychologiquement les employeurs.

"En quatorze ans, l’entreprise a beaucoup changé car nos clients ont beaucoup changé"

Et puis il y a les sujets agréables dont parle avec le même allant Éric Plat. Sa plus grande fierté ? Avoir développé une start-up, Abeye, sur la base de travaux de chercheurs de l’université de Rennes afin notamment de créer des lunettes connectées capables d’aider les enfants dyslexiques à mieux lire, eux qui sont à 70 % en échec scolaire. Actuellement 5 000 jeunes en bénéficient de cette technologie.

Qualité et nouveautés

Ce goût de l’innovation fait partie de la recette d’Atol pour accélérer sa croissance. "En quatorze ans, l’entreprise a beaucoup changé car nos clients ont beaucoup changé, explique le dirigeant. Nous avons essayé de bâtir une stratégie qui permettent aux opticiens de proposer des solutions innovantes et originales tout en donnant la possibilité à nos clients d’y avoir accès facilement." La coopérative peut s’appuyer sur sa relation avec ces derniers puisque son taux de fidélisation atteint les 71 % contre 65 % pour l’ensemble du secteur. L’équipe de direction a encouragé le réseau à rénover les points de vente, développer l’audition tout en travaillant à améliorer la qualité des lunettes en marque propre, renforcer les partenariats avec les fabricants de verres et développer de nouveaux concepts. L’enseigne a notamment lancé Atol Access, des magasins où l’offre est plus accessible, ou encore Atol Style qui propose des pièces plus rares et à l’esthétique plus pointue.

Atol fonctionne en coopérative. Éric Plat est propriétaire de magasins tout comme ses "confrères". "Le principe d’une coopérative, c’est qu’elle appartient à ses membres, rappelle le PDG. Les intérêts sont alignés contrairement à la plupart des entreprises qui ont des actionnaires." Réélu cette année pour la troisième fois avec 95,8 % des votes, Éric Plat a contribué à ce qu’Atol dégage 455 millions d’euros en 2023. Il espère que l’enseigne atteindra 600 millions de chiffre d’affaires d’ici à la fin de son mandat, soit dans six ans. "Il ne s’agit pas de multiplier le nombre de magasins mais de renforcer la croissance de chacun afin que tout le monde en bénéficie et soit compétitif." De quoi faire face à une concurrence féroce.

Olivia Vignaud

Crédit photo : Jean Nicholas Guillo-Rea

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