Les déclinistes aiment comparer notre époque à la chute de l’Empire romain, parfois plus à tort qu’à raison. Mais, sur certains points, la France actuelle a de troublantes similitudes avec la dynastie théodosienne. Les récents travaux de l’historien britannique Peter Heather en sont la preuve.

Le déclin de l’Empire romain constitue un genre littéraire à part entière. Des milliers d’ouvrages ont été publiés sur le sujet au point qu’il devient difficile d’innover. L’historien britannique Peter Heather réussit ce tour de force dans son Rome et les Barbares, Histoire nouvelle de la chute de l’empire paru en septembre aux éditions Les belles lettres. Avec un angle axé sur la science politique et la sociologie des organisations, il développe la thèse selon laquelle l’empire, au dernier siècle de son existence, était devenu incapable de faire face aux invasions barbares, d’assurer la sécurité des routes commerciales et des citoyens. Mais, à mesure que l’impuissance publique se faisait jour, l’appareil étatique devenait tentaculaire et la fiscalité explosait. Au point que les riches propriétaires terriens préféraient subir l’administration des Wisigoths, Ostrogoths et autres Burgondes plutôt que la présence des agents du fisc impérial.

RomeBarbares

L’Empire romain d’Occident de la dynastie théodosienne se distinguait par des empereurs impuissants malgré une cour fastueuse, une bureaucratie omniprésente, une fiscalité en hausse constante et une inflation normative hors du commun. Une hyperactivité qui masquait sa faiblesse. Le Sénat romain et les fonctionnaires de Ravenne se targuaient de réglementer les successions en instaurant de nouvelles procédures et de nouvelles administrations. Dans le même temps, ils perdaient leurs plus riches provinces et le contrôle de leur armée.

Les pessimistes évoquent l’affaiblissement de l’Empire romain pour établir un parallèle avec l’état actuel de la France et de l’Occident. Les comparaisons sont souvent scabreuses et les arguments tirés par les cheveux. Toutefois, la Ve République actuelle peut avoir des similitudes troublantes avec le régime théodosien.

Le 27 septembre sur LCI, Dominique Reynié, président de la Fondapol déclarait : "Les Français ont le sentiment que l’État, défaillant depuis cinquante ans, est incapable de contrôler les frontières et d’assurer la sécurité de sa population. Et sa seule réponse serait une hausse des impôts ?" Le politologue sous-entend qu’il y aurait un décalage entre le discours, le décor et le réel. Les faits lui donnent raison.

Peter Heather affirme que l'Empire romain a éclaté pour la même raison que l'URSS : le peuple ne croyait plus dans ses élites jugées corrompues et inefficaces

Dans leurs palais dorés, dirigeants et fonctionnaires (de plus en plus nombreux) assènent les slogans et laissent le champ libre à une bureaucratie qui voue un culte aux normes et aux taxes. Quelques chiffres donnent le tournis : le code du travail comprenait 818 pages en 1956 contre 3889 en 2002, soit une hausse de 375 %. Le droit applicable en France comporte 46 millions de mots, 20 % de plus qu’il y a cinq ans. Enfin, notre pays est le champion du monde des taxes et impôts, au nombre de 480. Pourtant, le déficit s’accroît. On parle beaucoup de l’impuissance des pouvoirs publics sur les questions migratoires ? Près de 60 lois sur le sujet ont été votées depuis 1945, mais 7 % seulement des OQTF sont exécutées.

Peter Heather affirme que l’Empire romain a éclaté pour la même raison que l’URSS a implosé : le peuple ne croyait plus dans ses élites jugées corrompues et inefficaces. Dynastie théodosienne, régime soviétique, Ve République : même destin ? L’Histoire incite à se poser la question…

Lucas Jakubowicz

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