Le digital est au cœur de l’université d’entreprise de Saint-Gobain, une université « sans murs » qui s’appuie sur tous les modes de développement et de transmission des savoirs. Retour avec son directeur sur l’intérêt d’un modèle 100 % agile.

Décideurs. Les universités d’entreprise ont-elles encore leur place dans la nouvelle donne éducative ?

Dominique Pépin. Nous sommes en train de vivre un changement radical dans les finalités et les modes de fonctionnement des universités d’entreprise. Celles-ci voient subitement leurs frontières physiques s’estomper, des sources de connaissances et de développement que l’on ne pouvait même pas imaginer il y a dix ans sont aujourd’hui à portée de main,  des publics larges mais aussi très différents peuvent être touchés facilement....  Chez Saint-Gobain, nous avons fait le choix il y a de nombreuses années  de ne pas avoir un lieu spécifique. C’est notre « université sans murs » qui nous a donné alors beaucoup de souplesse.  Avec le digital, le modèle reste bien sûr valable, mais s’enrichit de toutes les modalités, des plus traditionnelles  aux plus innovantes : eLearning, formation présentielle, travail à distance, projets collaboratifs, groupes d’échanges, expérimentation, etc., La formation est plus ouverte, «  à disposition » et plus facile d’accès. Les outils digitaux ont ouvert ce champ des possibles.

 

« En permettant à chacun d’exprimer des idées neuves, l’université fait bouger l’entreprise »

 

Décideurs. Comment la formation peut être un levier d'innovation ? 

D. P. Une université d’entreprise est un lieu d’apprentissage, de transfert et de développement des connaissances. C’est aussi et surtout le creuset de la culture d’un groupe, et par-là, un lieu d’expérimentation et d’innovation. Une université d’entreprise ne peut se contenter de faire du copier-coller, parler des bonnes pratiques et s’en tenir là.  Elle doit être l’espace de l’appropriation, du questionnement, de la discussion, de la re-création. Pour un groupe comme Saint-Gobain où un produit sur quatre commercialisés aujourd’hui n’existait pas il y a cinq ans, l’université joue un rôle essentiel pour promouvoir et faciliter cette innovation. Par exemple, dans un de nos programmes, nous avons construit un business-case reprenant la réussite d’une de nos activités qui est devenue en moins de dix ans leader d’un marché sur lequel elle n’était pas présente. Mais le travail ne s’arrête pas là : les participants sont invités à travailler avec l’actuel directeur général de cette activité sur les options futures et sur les stratégies à mener. Au cours des trois dernières années, plusieurs propositions faites en salles de cours ont été  ainsi « transformées » et ont permis  de renforcer nos positions. En permettant à chacun d’exprimer des idées neuves, en facilitant l’échange et la discussion, en construisant des ponts vers l’opérationnel,  l’université fait bouger l’entreprise.

 

Décideurs. Quelles sont les opportunités à devenir une entreprise apprenante ? 

D. P. Avec l’évolution et l’accélération des modes et des rythmes de travail, les entreprises ont besoin de talents à même de réapprendre, de s’approprier de nouvelles techniques, de nouvelles façons de travailler et d’interagir avec le marché. Il est difficilement imaginable d’être efficient et opérationnel si on se ferme à la possibilité d’apprendre et de se développer. L’entreprise apprenante est l’entreprise qui facilite les partages d’expériences par  la création de communautés et l’animation de réseaux sociaux. C’est l’entreprise qui fonde son environnement de travail sur la coopération. Construire un tel modèle permet de répondre à ce besoin de flexibilité et d’intelligence collective. C’est un vrai changement culturel et c’est aujourd’hui un des éléments essentiels de notre Stratégie Open de Ressources Humaines.

 

Décideurs. Certains pays sont-ils plus avancés dans leur démarche de construction d’une entreprise apprenante ?

D. P. Nous observons des différences notables dans les démarches de construction. Sans tomber dans des clichés de l’ancien et du nouveau monde, nous remarquons que les pays « neufs » ont une vraie appétence aux savoirs et aux connaissances, un besoin individuel et collectif d’apprendre, que les entreprises intègrent dans leur mode de fonctionnement. En témoignent le succès des Mooc en Inde, la vitalité du marché de la formation au Brésil et en Pologne ! Nombre de ces pays peuvent influencer nos pratiques en la matière. 

 

Propos recueillis par Alexandra Cauchard 

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