Alors que les effets positifs de la loi du 5 mars 2014 se font encore attendre, le plan de « 500 000 chômeurs formés » de François Hollande reste encore à préciser pour rassurer le marché de la formation et sa fédération représentative, la FFP. Son président, Jean Wemaëre, fait le bilan d’une année riche en annonces mais pauvre en résultats.

Décideurs. Le démarrage du CPF est laborieux, comment l'expliquez-vous ? 

Jean Wemaëre. Le compte personnel de formation est une déception générale, son démarrage a été très lent. Sur une population active de 29 millions de personnes, seules 2,5 millions ont ouvert un compte. Et au 1er mars, seules 300 000 formations ont été financées, un chiffre très faible en comparaison de l’ancien droit individuel à la formation qui concernait 600 000 personnes par an. Un autre constat pose question puisque 80 % des formations financées sont celles des demandeurs d’emploi. Les listes de formation restent trop restreintes, même si nous avons réussi à y intégrer les formations linguistiques qui sont parmi les plus demandées. Mais, les formations aux compétences transversales si essentielles à l’employabilité et qui représentaient près d’un tiers du marché, elles, ne sont toujours pas éligibles au CPF.  Au contraire, les listes de certification se sont focalisées sur les formations longues dont l’objectif est le retour à l’emploi. Ainsi, les salariés sont les grands perdants de la mise en œuvre du CPF et se retrouvent parfois avec plus de quatre-vingts heures sans savoir comment les utiliser. Le dispositif avait pourtant vocation à devenir un droit transférable pour tous, un outil pour gérer sa formation tout au long de sa vie afin que chaque salarié soit acteur de son employabilité.  En l’état, il passe à côté de son ambition. Ajouté à d’importants problèmes techniques de la plate-forme d’utilisation, la complexité du dispositif demeure. Sans ajustement, le CPF deviendra un CIF bis à réformer, une fois de plus.

 

 

Décideurs. Quels assouplissements permettraient d’assurer le succès de la loi du 5 mars 2014 ? 

J. W. Il faut donner un nouveau souffle au CPF en améliorant la performance du site  et en ouvrant son éligibilité aux formations courtes et transversales. À l’heure du daily learning, une vision scolaire de la formation n’est pas compatible avec les réalités et la temporalité du marché de l’emploi. D’autre part, les entreprises doivent être encouragées à investir dans leur capital humain par la mise en place d’un mécanisme incitatif de type crédit d’impôt. Cette préconisation a été portée par les députés Jean-Patrick Gille et Gérard Cherpion, dans leur récent rapport d’information sur la mise en application de la loi du 5 mars 2014.

 

 

Décideurs. La FFP a mis en place un système de certification professionnelle CP FFP. Quel intérêt pour les entreprises ?

J. W. Le CP FFP est un vrai moteur de la compétitivité des entreprises puisqu’il leur fournit un outil opérationnel de reconnaissance et de valorisation des compétences de leurs collaborateurs. Créé en 2006, le CP FFP a déjà bénéficié à plus de 13 000 personnes depuis sa création. Les acteurs de la profession ont reconnu son utilité et sa qualité puisque de nombreux CP FFP sont recensés à l’Inventaire et un certain nombre sont rendus éligibles au CPF par les partenaires sociaux.

 

 

Décideurs. La FFP anime le comité de pilotage «  Capital humain et formation professionnelle : investissements pour la compétitivité » sur mission des ministères de l’Économie et du Travail. Quelle est l'ambition de ce comité ? 

J. W. Sur l’initiative du Ministère de l’Economie, nous avions mis en place avec la DGE une réflexion sur le lien entre la formation et la responsabilité environnementale et sociétale de l’entreprise. Suite aux premiers travaux engagés et dont les résultats ont été présentés lors d’un colloque en février 2013 à Bercy, la FFP a reçu un 2ème mandat des Ministères de l’Economie et du Travail pour animer ce comité de pilotage et tenter de démontrer le lien entre la formation et la compétitivité des entreprises françaises. L’objectif est double : accompagner les entreprises à gérer la formation professionnelle comme un investissement et développer des outils dédiés pour les PME. Nous avons auditionné une vingtaine d’entreprises dont Auchan, La Poste ou encore Orange pour évaluer la performance de leur politique de formation. La restitution de l’étude se fera en juin prochain. Mais je peux vous dire que si l’argent destiné au Pacte de Responsabilité, soit trente milliards d’euros, était attribué à la formation professionnelle, la croissance augmenterait de 5 % et le chômage diminuerait corollairement.

 

 

Décideurs. François Hollande a annoncé un plan de formation supplémentaire de 500 000 demandeurs d’emploi, sous quel délai ce plan sera mis en œuvre ? 

J. W. Il faut d’abord remarquer qu’au départ le gouvernement avait annoncé 500 000 demandeurs d’emploi formés. Désormais on ne parle plus que de 500 000 formations déployées. Ce changement d’objectifs est la conséquence de la prise de conscience de l’ampleur des besoins de formation des demandeurs d’emploi. Une seule formation ne suffit pas pour réadapter un chômeur aux exigences du marché du travail. Ce public exige de réapprendre à apprendre, de se réapproprier son socle de compétence et d’acquérir de nouvelles compétences afin de pourvoir à des emplois locaux. À condition que le parcours de formation travaille sur ces trois objectifs, 60 % des personnes formées pourront retrouver un emploi.  Le gouvernement n’avait pas le choix, soit il réduisait la voilure, soit il faisait des stages parking. Cependant, aucun délai de mise en place n’a été annoncé. Pour que ce plan soit une réussite, il faudra que les demandeurs d’emploi puissent rentrer vite en formation, quand aujourd’hui, il faut huit mois, soit juste le temps de se démotiver. Quant au budget d’un milliard affiché, les modalités de son affectation restent encore floues. Au-delà de l’articulation du financement, nous serons vigilants quant au respect des règles de la concurrence dans l’attribution des marchés. Les organismes privés de formation, sont en tous cas entièrement mobilisés pour la réussite de ce plan, j’ai pu en faire part à la Ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, Myriam El Khomri lors de notre rencontre le 4 janvier dernier.

 

 

Propos recueillis par Alexandra Cauchard 

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