Pour Daniel Karyotis, directeur général finances, risques et opérations du groupe BPCE, le haut niveau de compétence d'un collaborateur doit rassurer et non inquiéter un manager. 
Décideurs. Comment est organisée la fonction financière du groupe BPCE ?
Daniel Karyotis. J'ai la responsabilité d’un pôle qui intègre, outre la finance, les risques et les opérations. Les opérations comprennent principalement l’informatique, l’immobilier et les achats. Cette association permet une meilleure transversalité. La finance s’articule autour de deux grandes fonctions. La première est constituée par les fonctions du contrôle de gestion, de la comptabilité et de la fiscalité. La seconde intègre la gestion de trésorerie du groupe, du bilan et la politique d’émissions du groupe.

Décideurs. Quelles sont selon vous les évolutions passées et à venir de la fonction finance ?
D. K. Le cas de BPCE est un peu particulier puisque le groupe a été créé en 2009 en pleine crise financière. Il est né du rapprochement de deux réseaux anciens et très présents régionalement : les Banques populaires et les Caisses d'épargne. La fonction financière, comme toutes les fonctions du groupe, s'est transformée année après année, et s’est considérablement renforcée. L’un de ses grands enjeux aujourd'hui – qu’elle concerne une banque ou une grande entreprise industrielle – est la rapidité et l'excellence dans l’exécution. Pour une direction financière, le rapport au temps est aujourd’hui totalement inversé. La volatilité de nos environnements devient la règle et il faut conjuguer capacité d’analyse et réactivité. Il faut être flexible dans les choix opérés et efficaces, ensuite, dans l'action.

Décideurs. Quelles sont les qualités d’une bonne équipe composant la direction financière ?
D. K. Je suis convaincu, pour animer une équipe, qu'une relation équilibrée repose sur trois éléments : la confiance, une vision partagée, et un sens réel et aigu du collectif.
Elle est rarement mise en avant, mais la vision partagée s’avère essentielle. Vous ne pouvez pas tendre vers un objectif élevé d’adhésion des équipes si celles-ci ne comprennent pas où vous souhaitez exactement les amener. Compréhension des enjeux et adhésion à la stratégie sont le ciment d'une réussite collective.
Sur la confiance, un manager doit éviter l’écueil de la soumission car, en management, le rapport de force est improductif. Il faut, avant tout, avoir confiance en soi et, ensuite, avoir confiance en la compétence et l'expertise de ses collaborateurs. C’est le socle d'une relation managériale équilibrée et efficace. Le haut niveau de compétence d'un collaborateur doit rassurer et non inquiéter un manager !

Décideurs. Iriez-vous jusqu’à dire qu’un collaborateur peut avoir une expertise plus forte que son manager sur certains sujets ?
D. K. Mais oui, les collaborateurs doivent l’avoir ! La valeur ajoutée d’un manager n’est pas d’avoir un niveau d’expertise supérieur à celui de ses collaborateurs ou collaboratrices mais d'être capable de la mettre en mouvement et en valeur. Un manager se nourrit toujours de la compétence et de la technicité de son environnement professionnel. Je crois que la haute compétence des collaborateurs est la meilleure hormone de croissance possible pour le manager lui-même. Ne pas rechercher le meilleur niveau de compétence autour de vous vous conduit tôt ou tard à l'échec. Comme le disait Steve Jobs : être convaincu que vous n'avez rien à perdre dans la vie (sinon la vie elle-même…), vous fait aller de l'avant en n’ayant pas peur de prendre des risques.

Décideurs. Quels ingrédients nécessaires au leadership ne sont pas assez mis en lumière ?

D. K. Premier ingrédient – essentiel pour le leadership – le courage. Cette qualité n’est pas assez mise en avant dans les formations supérieures ou en entreprise. Courage de faire, courage de dire les choses ou courage d'assumer les conséquences de ses actes et de ses choix. C’est souvent dans des situations difficiles qu'un manager se révèle. Deuxième qualité, l’exemplarité. Cela a toujours été vrai, mais cela l’est encore davantage depuis 2008. Dans un environnement économique difficile, avec un taux de chômage élevé et un sentiment de précarité croissant, l’exemplarité est essentielle pour un manager s'il veut assoir sa crédibilité et sa légitimité. Il est impossible d’exiger d’autrui ce que l’on est incapable de réaliser soi-même. Troisième ingrédient, la solidarité. Solidarité avec ses équipes, solidarité avec ses homologues ou ses collègues. Je crois que l'ère de l'individualisme est révolu et que la réussite dans une entreprise est toujours collective.

Propos recueillis par Mathieu Marcinkiewicz

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