La vigueur de la remontée des marchés actions au cours des dernières semaines peut interroger, certains indices boursiers étant déjà revenus à leur niveau d’avant crise. Pour Stanislas de Bailliencourt, gérant chez Sycomore Asset Management, les investisseurs se projettent tout simplement sur l’après-crise, portés par les bonnes nouvelles sanitaires et le soutien sans faille des banques centrales.

Décideurs. Les marchés actions ont fortement rebondi au cours des dernières semaines. Cette remontée, aussi violente qu’inattendue, vous semble-t-elle durable ?

Stanislas de Bailliencourt. Les plans de soutien à l’économie proposés par les différents États ont agi comme un catalyseur en faveur d’une remontée des marchés actions. L’initiative d’un plan de financement commun pour ces mesures a été salué par les investisseurs qui ont été rassurés de voir qu’une réponse collective à la crise pouvait être apportée au niveau européen. De son côté, la Banque centrale européenne (BCE) a également annoncé que son plan d’injection massive de liquidités sur les marchés qui devait initialement se terminer fin 2020, avait été augmenté et prolongé jusqu’à la mi-2021. Une autre nouvelle rassurante nous est venue des États-Unis. L’emploi américain a connu un rebond inattendu : 2,5 millions d'emplois ont en effet été créés durant le mois de mai. Ces bonnes nouvelles ont favorisé la remontée des indices boursiers. Un certain nombre d’entre eux sont d’ailleurs revenus à leur niveau d’avant crise. Ces annonces font croire aux investisseurs à une diminution sensible des risques économiques et financiers. En temps de crise, nous faisons le plus souvent face à une baisse de la profitabilité des sociétés et des multiples de valorisations. Or, depuis le début de la crise du Covid-19, nous avons assisté à une remontée des multiples de valorisation. Il faudra donc faire preuve d’une certaine mesure au cours des prochains mois, tant que la situation économique ne sera pas stabilisée. Les bonnes nouvelles au niveau sanitaire ne doivent pas faire oublier les impacts économiques liés notamment aux mesures de confinement.

Les facteurs de risque sur le marché tels que la résurgence des tensions diplomatiques entre les États-Unis et la Chine ou une éventuelle seconde vague épidémique en automne sont-ils déjà intégrés par les marchés ?

Les investisseurs ne sont pas plongés dans un état d’euphorie. Ils se projettent simplement sur l’après-crise. Le marché a bien intégré l’ensemble de ces risques mais il fait le choix de ne pas s’en préoccuper, du moins à court terme. L’ampleur de la remontée des marchés financiers pose surtout la question de la vigueur de la reprise de l’activité économique, avec, à ce stade, une vision peut être un peu trop optimiste.

"La mutation vers l’investissement responsable est amorcée depuis longtemps" 

Ces dernières semaines, de nombreux investisseurs ont joué la carte de la rotation sectorielle sur les marchés actions, privilégiant les secteurs qui avaient été jusqu’à présent délaissés. Est-ce une stratégie que vous avez suivie ? 

Effectivement, certains secteurs d’activités et valeurs présentaient des décotes importantes. Je pense notamment à des entreprises comme Axa, dans le secteur de l’assurance, ou à Orange et Deutsche Telekom dans le secteur des télécommunications. D’autres groupes du secteur de la santé comme Sanofi nous paraissent aussi bien positionnés pour profiter des évolutions sociétales sur le moyen et long termes. Nous n’avons cependant pas joué la carte de la rotation sectorielle en elle-même. Nous avons simplement investi sur des entreprises présentant un potentiel intéressant sur le long terme et dont les valorisations nous semblaient attractives.

Quelles sont les principales convictions qui guident vos choix d'investissement ?

Les convictions que nous avions avant la crise ont été renforcées. Les mega-trends identifiées par nos équipes vont s’accélérer. Les secteurs de la santé et de la technologie vont en profiter. Il en est de même pour la croissance verte. Sur la thématique du transport « vert », une entreprise comme Alstom présente un très bon potentiel. L’ensemble de ces thèmes ont réalisé de bonnes performances au cours des derniers mois et leurs perspectives sont soutenues par les différents plans de relance économique annoncés.

Comment se sont comportés les fonds labellisés ISR/ESG durant cette première partie d’année ? Ont-ils rempli leur office ? Vont-ils séduire de nouveaux investisseurs ?

Ils ont même fait mieux que cela en affichant de belles performances en relatif. La mutation vers l’investissement responsable est amorcée depuis longtemps, notamment du côté des investisseurs institutionnels. Les bonnes performances de ces fonds depuis le début de l’année ne feront qu’accélérer ce mouvement.

Un dernier mot sur le marché du crédit. Quelle est la feuille de route dressée par vos gérants sur vos fonds d’obligations d’entreprises ?

Les spreads ont très fortement augmenté durant le mois de mars. Avec les actions menées par les banques centrales, nous continuerons à avoir durablement des taux bas. Le marché obligataire corporate a pu être fortement perturbé au début de la crise. Cette situation a créé des opportunités intéressantes pour les investisseurs en quête de rendement. Nous nous sommes par exemple positionnés sur l’émission d’obligations convertibles émise par Korian dont l’échéance a été fixée à 2027 qui a vu son rendement à maturité augmenter à plus de 4,5%.

Propos recueillis par Aurélien Florin (@FlorinAurélien)

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