Essentiellement pour des raisons de sécurité alimentaire, la législation européenne est devenue considérable pour les denrées alimentaires en général, et pour certaines catégories spéciales d’aliments en particulier. Pour s’y retrouver, il s’agit ici de faire un point sur l’état des règles applicables aux plantes utilisées dans les aliments.

Les denrées à base de plantes, et plus largement les produits alimentaires obtenus à partir de toutes sortes de végétaux, qu’il s’agisse de plantes, d’algues, de champignons, de lichens, ne constituent pas une catégorie juridique. Cela s’explique aisément : le règne végétal constitue une base traditionnelle de l’alimentation, et il n’est pas question de traiter la plante elle-même comme un aliment spécial – à moins bien entendu qu’elle n’entre dans la catégorie des nouveaux aliments, c’est-à-dire des aliments non consommés de manière significative en Europe avant mai 1997, qui sont régis par le règlement 2015/2283.

Essentiellement, un ingrédient

Dans ces conditions, les plantes, quand elles sont prises en considération comme aliment, sont considérées par le droit essentiellement sous l’angle d’ingrédients entrant dans la composition d’autres produits. Les ingrédients alimentaires en général, en particulier les substances destinées à l’enrichissement des aliments (fibres, diverses plantes, extraits végétaux…), sont régis par le règlement 1925/2006 concernant l’adjonction aux denrées alimentaires de vitamines, de minéraux et autres substances. L’adjonction de plantes aux aliments est donc réglementée.

Il en va de même des améliorants, qui peuvent avoir une nature végétale : la liste des additifs alimentaires autorisés et leurs conditions d’utilisation figurent dans le règlement 1333/2008, qui appartient, avec le règlement 1334/2008 sur les arômes, et le règlement 1332/2008 sur les enzymes alimentaires, à la série des règlements relatifs aux améliorants alimentaires. Le règlement 1331/2008 a introduit une procédure d’autorisation commune pour ces substances.

"Un maquis de textes, en attendant mieux – ou pire…"

Pour le droit interne, il y a lieu de se reporter au décret 2011-509 du 10 mai 2011 fixant les conditions d’autorisation et d’utilisation des auxiliaires technologiques pouvant être employés dans la fabrication des denrées destinées à l’alimentation humaine. Sauf sur ce qui va être dit de la qualification de médicament, l’utilisation des plantes dans les aliments ne fait pas, en principe, l’objet d’une procédure centralisée d’autorisation spéciale, ni même de déclaration, dans le droit de l’Union européenne. Le point de départ est, simplement, que l’utilisation de tels ingrédients doit être conforme au règlement 178/2002 dit "règlement sur la législation alimentaire générale" qui contient les principes généraux de la matière, et qui attribue aux exploitants (producteurs et distributeurs) la principale responsabilité liée à la sécurité des produits. Toutefois, l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) tient un compendium des espèces végétales, régulièrement mis à jour, et qui signale, pour chaque espèce répertoriée, les composants qui seraient de nature à présenter un problème pour la santé lorsqu’ils sont utilisés dans les aliments.

Les préparations plus complètes

Les préparations plus complètes à base de plantes se retrouveront plus souvent sous la qualification de complément alimentaire, parfois de médicament. Si un ingrédient est de nature à exercer un effet physiologique caractérisé à la dose utilisée, ce qui pourrait être le cas d’une substance extraite d’une plante, le produit devra être qualifié de médicament. On sait que, au niveau de l’Union européenne, c’est l’Agence européenne des médicaments (EMA), qui a la charge d’évaluer la sécurité et l’efficacité des préparations à base de plantes utilisées comme médicaments. Mais ni l’EMA, ni l’EFSA n’ont compétence pour dire si une plante doit être qualifiée de médicament ou de complément alimentaire (ceux-ci sont soumis à déclaration). C’est à l’exploitant qu’il incombe de prendre ses responsabilités en analysant son produit pour voir à quelle catégorie il appartient, et ensuite respecter les règles adéquates, en particulier les procédures de mise sur le marché. Si l’on met ici de côté la notion de médicament, les plantes ou les parties de plantes seront donc traitées en matière alimentaire comme des ingrédients, qui seront considérés à titre spécifique quand ils entrent dans la composition de compléments alimentaires.

Il y a alors lieu de se reporter aux textes qui régissent cette catégorie légale, spécialement la directive 2002/46 et, en droit interne, l’arrêté du 24 juin 2014 qui établit la liste des plantes, autres que les champignons, autorisées dans les compléments alimentaires, avec leurs conditions d’emploi. En outre, le décret n°2006-352 du 20 mars 2006 définit les "Plantes et préparations de plantes", comme des ingrédients composés de végétaux ou isolés à partir de ceux-ci (sauf les vitamines et les minéraux, considérés de manière spécifique pour les compléments alimentaires), et possédant certaines propriétés nutritionnelles ou physiologiques.

Le sujet des allégations nutritionnelles et de santé

Il faut aussi tenir compte des règles relatives aux allégations nutritionnelles. On sait qu’une allégation est tout message qui affirme ou suggère qu’une denrée alimentaire possède des caractéristiques particulières. Les allégations nutritionnelles, c’est-à-dire l’idée que la denrée possède des propriétés bénéfiques, ne sont autorisées qu’en tant qu’elles sont énumérées à l’annexe du règlement 1924/2006. Les allégations de santé, qui consistent à carrément établir une relation entre la denrée et la santé, sont étroitement encadrées : certaines sont autorisées, parfois après contrôle, d’autres sont interdites (il existe des listes d’allégations autorisées, en annexe du règlement précité, et sur un registre de la Commission lié au règlement 432/2012 pour les allégations de santé).

Au total, peu d’allégations de santé ont été autorisées pour les produits alimentaires à base de plantes, et le système fait l’objet de nombreuses critiques de la part des États membres. Beaucoup considèrent que la liste des allégations autorisées n’est pas mise à jour de façon suffisamment régulière. La Commission avoue elle-même un certain nombre de difficultés relatives à la mise en œuvre du règlement 1924/2006. Cela explique que certains regrettent qu’il n’y ait pas de réglementation directe sur les produits alimentaires à base de plantes. En France, un rapport déposé au Sénat, le 4 février 2021, a déclaré nécessaire que soit établi à l’échelle de l’Union européenne une liste commune des plantes autorisées pour être vendues comme denrées alimentaires sur le marché unique, cette liste devant préciser la partie de la plante utilisée, le mode de préparation et le dosage maximal autorisé pour un usage alimentaire. Mais ne serait-ce pas aller un peu loin ? 

Sur l'auteur : 

François-Xavier Testu, agrégé des Facultés de droit, est associé au cabinet STH2 (Salès, Testu, Hill, Henry-Gaboriau & Associés), avocat au barreau de Paris.

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