Le gérant de fonds obligataires et monétaires de KBL Richelieu affiche sa confiance sur la bonne tenue du marché européen en 2015.
Décideurs. La remontée des taux d’intérêt qui se dessine aux États-Unis peut-elle fragiliser les marchés obligataires ?
Étienne Dubourg.
Les taux des obligations émises par les pays les plus solides de la zone euro sont à leurs plus bas historiques. Par ailleurs, les taux monétaires sont proches de zéro et la Banque centrale européenne (BCE) a laissé entendre aux investisseurs qu’elle ne souhaitait plus les abaisser davantage.
Dans un tel environnement, il est donc logique qu’une augmentation des taux directeurs américains puisse potentiellement venir perturber le marché des taux européens, surtout qu’historiquement ces deux marchés ont eu tendance à évoluer de concert. Cela étant, les risques relatifs à une forte remontée des taux sont, à mon sens, à exclure, et ce pour la simple et bonne raison que les banques centrales demeurent très actives. Certes, la FED a stoppé sa politique de quantitative easing mais son bilan, qui a grandi de 4 000 milliards de dollars entre 2008 et 2014, va mettre plusieurs années à se réduire.

Décideurs. En parallèle, la BCE a également décidé de rentrer dans la danse.
E. D.
Effectivement, la BCE vient de lancer son programme d’achat d’ABS et de covered bonds. L’institution dirigée par Mario Draghi a pour objectif d’augmenter la taille de son bilan de 1 000 milliards d’euros. Mais le gisement de titres de ses deux marchés (2 200 milliards d’euros) me paraît cependant trop réduit pour que la Banque centrale puisse tenir sa feuille de route. De ce fait, la BCE va être obligée de chercher d’autres supports d’investissements.
Il est, à ce titre, fort probable que son choix porte sur les emprunts d’États de la zone euro. Avec cette politique très volontariste, il est aujourd’hui difficile d’envisager une remontée des taux européens. La conjonction des différentes politiques monétaires des banques centrales aboutit ainsi à une situation tout à fait singulière conduisant à un écartement entre les spreads européens et américains. Une situation qui est d’ailleurs amenée à perdurer.

Décideurs. Quels seront les actifs à privilégier sur le marché obligataire ?
E. D.
La puissance de feu de la BCE et de la Banque du Japon apparaît comme le principal soutien des marchés obligataires. Cette politique devrait continuer à bénéficier aux obligations à haut rendement et aux obligations émises par les États périphériques européens. Si les titres grecs et portugais demeurent à mon sens trop risqués, les emprunts italiens et surtout espagnols ont clairement notre préférence. En 2015, on devrait également assister à une compression des spreads. Une contraction qui restera néanmoins modeste par rapport à ce que l’on a connu par le passé. Pour conclure, je dirai que la politique menée par la Banque centrale européenne me rend raisonnablement optimisme pour 2015 même s’il ne faudra pas s’attendre à d’aussi bonnes performances qu’en 2014. Cette confiance est d’autant plus forte que les pressions inflationnistes aux États-Unis sont pour l’instant modestes, la FED ayant ainsi la possibilité de prendre son temps dans son processus de remontée des taux d’intérêt.

Décideurs. Le marché obligataire n’est-il pas, à l’instar du marché actions, trop dépendant des décisions des banques centrales ?
E. D.
Les marchés obligataires sont effectivement sous perfusion. Les liquidités injectées sur les marchés n’ont pas créé de l’inflation au sens traditionnel du terme, mais ont fait naître un danger de bulle. Malgré cela, il convient de reconnaître que les actions menées par les banques centrales étaient nécessaires.
Notre économie est malade et nous devons accepter de prendre des médicaments, quitte à en supporter les effets secondaires. Évidemment ces mesures demeurent insuffisantes et ne pourront résoudre le problème de fonds qui est celui de l’endettement public excessif. Désormais, la balle est dans le camp des États, et notamment de la France, qui serait bien inspirée de profiter du soutien de la BCE pour mener à bien des réformes structurelles. À déficit structurel il faut des réformes structurelles et non pas de simples plans de relance conjoncturelle.

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