Les entreprises sont aujourd’hui confrontées à des opportunités d’investissement en Opex et en Capex pour développer leur activité, mieux répondre aux besoins des clients, se développer dans les pays émergents, se transformer, se digitaliser, développer des approches durables… Si elles donnent l’impression d’un foisonnement, elles risquent paradoxalement de la fragiliser. Seul le choix de ses priorités et de ses combats peut lui permettre de croître.

La valeur de la croissance

La création de valeur n’est pas liée à la rentabilité. Elle est liée à la croissance rentable. Les analyses sur toutes les Bourses, quelles que soient les périodes, montrent la corrélation entre TSR11 et croissance (à rentabilité donnée) (cf. tableau). Cette relation entre les deux indicateurs est extrêmement forte : un point de croissance sur longue durée génère plus de 1 point de TSR.

Pour un actionnaire, ceci signifie que, sur 10 ans, son investissement aura rapporté 2,5x sa mise pour un TSR à 10% alors qu’il aura rapporté 4,0x sa mise pour un TSR à 15 %. Les 5 points de croissance de différence lui auront permis de doubler son gain (déduit de l’investissement).

Les enjeux sont donc significatifs. La vision la plus discriminante sur le plan de la création de valeur n’est pas l’ampleur de la croissance, c’est sa durée. C’est ce qu’arrivent à réaliser des groupes comme Inditex (Zara), H&M, Home Depot, Assa Abloy, Nike, Hermès, Essilor depuis plus de 20 ans.

Les moteurs de la croissance longue

Pour continuer à croître sur longue période, il est nécessaire d’anticiper et de prévoir les mouvements à réaliser. Il est rare qu’un même modèle d’activité puisse permettre des croissances longues et durables.

Il faut donc activer successivement différents leviers adaptés aux positions de l’entreprise, à la maturité de ses marchés ... : positionnement sur des marchés en croissance longue, innovation et nouveaux modèles d’activité, extension à de nouveaux clients, internationalisation dans les pays murs, globalisation des volumes et descente des effets d’échelle et d’expérience, développement dans les pays émergents, concentration de l’industrie de manière active, élargissement du périmètre d’activité vers des activités adjacentes (en amont ou en aval), macrofusions, changement du portefeuille d’activités, diversifications...

Les entreprises qui restent liées aux mêmes leviers de croissance ne peuvent pas croître à long terme. Ils peuvent profiter d’une phase de croissance pendant laquelle les leviers qu’ils utilisent sont pertinents mais s’ils ne font pas évoluer leur modèle, ils ralentiront comme leur marché sous-jacent.

Ceci est d’autant plus vrai que le groupe est de grande taille et a connu historiquement une croissance forte et un succès dans son modèle d’activité. L’enjeu du Top management est donc d’identifier les bons leviers et se positionner de manière agressive et à forte ampleur.

"Choisir ses priorités suppose de focaliser les ressources et l’énergie des équipes sur ce qui fait vraiment la différence"

Les conditions pour croître

La remise sur les rails d’une croissance significative et longue (et bien sûr rentable) n’est pas une stratégie simple, dans la continuité des actions passées.

Elle nécessite souvent des ruptures et des remises en cause fortes concernant :
- La grille de segmentation pertinente pour déceler les sources de croissance au sein du groupe (métiers, géographies, canaux de distribution, groupes de clients...) et donc souvent l’organisation du groupe ; 

- La concentration sur un petit nombre d’objectifs ambitieux par opposition à la dilution des actions ;

- La réallocation drastique des ressources entre métiers, géographies…, et donc les entités managériales, par opposition au recyclage des cash-flows générés branche par branche ;

- La redéfinition fondamentale de leviers d’investissement et de différenciation nécessaires pour croître (prix, marque, valeur du produit, canal de distribution, positionnement...) et donc du modèle d’activité.

Elle entraîne des redéfinitions fortes des priorités par opposition au « business as usual », des batailles au sein du management, une prise de risque plus élevée, voire un risque de volatilité accrue des résultats financiers (et donc la nécessité d’un contrôle serré des opérations).

Elle nécessite par conséquent un pouvoir de pilotage, d’arbitrage et de contrôle fort de la part de la tête du groupe par rapport à la simple gestion décentralisée des opérations, branche par branche.

"Les nouvelles technologies permettent de développer de nouveaux modèles et de nouvelles approches"

Focaliser ses ressources et prioriser ses combats

Dans ce contexte, notre expérience montre qu’il est nécessaire de définir les priorités et les combats au plus haut niveau de l’entreprise. Ce choix est difficile mais il est critique. Il suppose un processus strict et partagé au sein du Top Management de l’entreprise :

- Définition des combats (« Must Win battles ») en limitant leur nombre sur la base de leur ampleur et leur levier différentiation ;

- Caractérisation de ces combats : investissements, ampleur de l’inflexion, levier de différentiation par rapport aux concurrents, faisabilité… ;

- Priorisation des combats sur la base du potentiel de création de valeur, des enjeux de faisabilité et de la cohérence entre les différents combats ;

- Articulation d’ensemble des priorités et liens entre les différents combats ;

- Macro-plan d’actions ;

- Processus de suivi des combats.

Cette approche implique des choix et des renoncements qui n’est possible qu’avec un management et un président ambitieux et innovant avec une forte vision de création de valeur et de transformation de l’industrie.

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Qu’en conclure ?

Le temps s’accélère. Les nouvelles technologies permettent de développer de nouveaux modèles et de nouvelles approches.

Ces nouveaux modèles nécessitent des moyens importants dans des horizons de temps courts. Ils ne tolèrent pas de dilution des ressources. Les choix doivent être davantage marqués et affirmés pour avoir de l’impact en termes financiers et pour embarquer les équipes autour d’un nombre limité de priorités.

C’est à la fois une nécessité financière et une nécessité managériale. C’est le choix des actionnaires et du Top Management. Si le président ne fait pas ce choix et n’est pas acteur, elle n’aura pas lieu. L’organisation génère du profit et est payée pour le maintenir et le faire croître mais dans des ampleurs moyennes. Le président doit créer des ruptures, faire les arbitrages d’investissements et mettre en place les conditions pour la croissance. C’est lui in fine qui fait la différence entre les vainqueurs et les vaincus.

LES POINTS CLÉS

- Une entreprise ne peut créer de la valeur à long terme que si elle croît à plus de 10 % par an ;

- Pour croître, il est nécessaire de faire des choix : choix de l’ambition, choix des terrains de jeu, choix des modèles d’activité, choix de la vitesse et de l’ampleur, choix de l’organisation et des modes de fonctionnement,

- La focalisation des ressources et des énergies sont critiques pour accélérer la croissance : il faut choisir ses priorités et ses combats, les suivre, les soutenir et les amplifier.

Jean Berg

SUR L’AUTEUR

Jean Berg est Executive Vice-President de Estin & Co, cabinet international de conseil en stratégie basé à Paris, Londres, Zurich, New York et Shanghai. Estin & Co assiste les directions générales et les investisseurs dans leur stratégie de croissance et d’allocations de ressources.

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