Même en période de crise, l’attrait pour le métier de family officer ne se dément pas. Jean-Marie Paluel-Marmont, président de l’Association française du family office (AFFO), revient sur les raisons de ce succès et, plus généralement, sur les évolutions de la profession.

Décideurs. Quel bilan dressez-vous de l’année 2020 à la fois pour la profession et pour ses clients ?

Jean-Marie Paluel-Marmont.  Pour la profession, le bilan est positif car toute période de difficultés économiques renforce le besoin d’une réflexion globale patrimoniale de long terme pour les familles. Or, voilà précisément le rôle d’un family officer. L’instabilité financière met en lumière notre métier et concourt à sa meilleure appréhension par le grand public. L’adaptation aux nouveaux modes de travail à distance s’est faite sans difficulté et a permis de maintenir le lien avec les clients. En revanche, il est certain que les confinements et les mesures de distanciation sociale ont entravé le développement de l’activité. Il a été très difficile de rencontrer de nouveaux clients.

Concernant le comportement de nos clients, il est encore un peu tôt pour se prononcer. Notre baromètre indique toutefois qu’il n’y a pas eu de changements fondamentaux dans les priorités et la répartition des classes d’actifs au sein des patrimoines des familles conseillées. Autre enseignement : l’intérêt pour le private equity ne se dément pas, bien au contraire. C’est assez logique puisque les familles que nous accompagnons tirent souvent leur fortune de succès entrepreneuriaux. Elles connaissent donc parfaitement le monde de l’entreprise, elles savent comprendre le business d’une PME, cerner son équipe de direction et elles apprécient une valorisation de la société établie par les critères plus objectifs qu’un cours de la Bourse.

Depuis quelques années, le nombre de créations de nouveaux family offices explose en France. Comment expliquer ce phénomène ?

Je crois que cela s’explique par la meilleure connaissance et compréhension de notre profession. À ce sujet, nous récoltons le fruit d’années de pédagogie et d’explications. Être family officer, c’est exercer un métier noble, polyvalent, exigeant, connu et reconnu. En parallèle de cette évolution de fond, le phénomène d’accélération du cycle de vie des entreprises explique aussi la multiplication de cabinets de family offices. En dix ans, un entrepreneur peut avoir monté puis revendu sa société, avec une création de valeur substantielle. Aujourd’hui, les nouveaux clients sont plus jeunes, souvent serial entrepreneurs, et veulent construire leur patrimoine autour de leur famille, d’un projet commun pour lui donner du sens. Ils ont des besoins légèrement différents de leur aînés et c’est pour y répondre que de nouvelles structures de multi-family offices se créent. On parle même parfois d’entrepreneurs office, une manière de montrer que le family officer parle le même langage que son client, lui-même chef d’entreprise.

"L’accélération du cycle de vie des entreprises explique que de plus en plus de family offices se créent "

De plus en plus de CGP proposent une offre de « family office ». Quelles sont les principales différences entre ces deux métiers ? Peut-on imaginer une évolution vers une seule et unique profession ?

Effectivement, on constate que de plus en plus de CGP ont tendance à parler de leur métier comme proche de celui d’un family officer. C’est valorisant et pas totalement faux dans la mesure où certaines activités sont communes mais l’écart entre les deux professions reste marqué. Être family officer requiert bien sûr de se former et de cumuler de l’expérience. C’est aussi se rémunérer sous forme d’honoraires, pour éviter tout risque de conflits d’intérêt, construire un véritable lien de confiance avec le client et élaborer une réflexion à long terme. Enfin, il faut cultiver une vision globale et multisectorielle pour comprendre l’ensemble des enjeux auxquels sont confrontées les familles. Il ne s’agit pas du tout de devenir un spécialiste mais un chef d’orchestre. Je crois que, d’une certaine façon, il existe une convergence des métiers de CGP et de family officer mais elle comporte des limites, notamment au regard des méthodes de rémunération. Il faut bien en avoir conscience.

Vous avez annoncé le lancement de l’International Federation of Family Office (IFFO) au début de l’année. Quels sont ses objectifs et comment le projet est-il accueilli ?

L’idée de la création de l’IFFO nous est venue des voyages que nous effectuons tous les deux ans chez nos homologues étrangers pour échanger sur la manière dont nous exerçons notre métier. C’est à Milan, où nous nous sommes rendus en 2019, que nous avons voulu créer un cadre pour que les associations professionnelles de family offices de différents pays puissent se rencontrer. Ainsi, l’IFFO, dont les administrateurs sont italiens, britanniques et français, a pour objectif d’incarner un lieu d’échanges sur nos pratiques, nos cultures, le cadre d’exercice de notre métier, etc. Cela fait également écho au mouvement d’internationalisation qui concerne toutes les familles qui possèdent des actifs, des lieux de résidence, investissent et déménagent partout dans le monde. Ce projet a été très bien accueilli même si nous n’avançons pas aussi vite que nous le voulons dans ce contexte de crise où les rencontres sont plus difficiles. Pour l’instant, nos efforts se concentrent sur les associations européennes et celle du Luxembourg devrait bientôt nous rejoindre.

"Les nouveaux clients sont plus jeunes et ont des besoins différents de leur aînés"

Votre mandat à la tête de l’AFFO prend fin en 2021. Quel regard portez-vous sur vos trois mandats ?

Je suis président de l’AFFO depuis neuf ans et je dois dire que l’une de mes principales missions qui consistait à accroître la visibilité de la profession a bien progressé, même s’il reste encore des points à développer. Il faudrait par exemple que l’AFFO devienne un contact privilégié des pouvoirs publics. Je suis très fier de ce qui a été accompli, et ce, d’autant plus que l’AFFO est une association à but non lucratif et que ceux qui participent le font à titre bénévole. La qualité des prestations nous que produisons – réflexions, guides, baromètres, organisation de nos rencontres annuelles –, constitue une base solide pour la reconnaissance de la profession.

Propos recueillis par Sybille Vié

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