Avec près d’1,4 milliard d’euros d’actifs conseillés, L&A Finance figure parmi les plus gros CGP de la place. Jérôme Rusak, président associé fondateur, nous livre sa vision du métier et précise la direction qu’il souhaite prendre à moyen terme.

Décideurs. La frontière est parfois fine entre CGP et multi-family office, étant donné l’interprofessionnalité présente dans les deux cas et les services proposés souvent proches. Dans quel camp est L&A Finance ?

Jérôme Rusak. Nous sommes un vrai CGP, même si nous avons repris des services à forte valeur ajoutée et haut de gamme, propres aux family offices. L’idée du family office est de s’occuper vraiment de toutes les affaires de A à Z d’une famille, c’est quasiment de la conciergerie patrimoniale avec des aspects juridiques, comptables et financiers poussés. En tant que CGP nous nous occupons principalement de la partie conseil, investissement et optimisation fiscale. Évidemment nous travaillons étroitement avec des experts-comptables, des avocats fiscalistes et des notaires sur des problématiques connexes, mais nous ne traitons pas en interne ces sujets et renvoyons en général vers nos confrères. Par ailleurs, là où L&A Finance s’adresse à une clientèle traditionnelle, le multi-family office vise des patrimoines conséquents qui peuvent se permettre d’y mettre le budget. Notre vocation première est la démocratisation de la gestion de fortune, c’est-à-dire d’amener un grand nombre de services, de produits et de conseil pour des personnes « ordinaires ».

La consolidation s’accélère dans le secteur des cabinets de gestion de patrimoine, avec des rachats, des regroupements, et des fonds d’investissements qui entrent dans le jeu. Comment voyez-vous ces mouvements ? L&A Finance est-il une cible ou un chasseur aujourd’hui ?

De manière globale dans tout business, et notamment les métiers de conseil, il y a toujours une concentration vers le haut de quelques structures. Nous constatons à l’heure actuelle une certaine harmonisation et une normalisation des valeurs, dues à cette consolidation. Des sociétés qui défendaient un certain nombre de valeurs, aujourd’hui y renoncent lentement pour ressembler à un modèle de mini-banque. L&A Finance défend un modèle hybride où nous mutualisons des services pour que chaque indépendant puisse faire son métier au mieux et continuer de défendre les intérêts de nos clients.

Aujourd’hui L&A Finance se place dans une optique de croissance organique, pour deux raisons. Tout d’abord, les agglomérations sur le marché mobilisent des sommes qui nous paraissent assez folles et qui valorisent les sociétés à des montants jamais vus. Ensuite, nous avons ce savoir-faire d’intégrer et de former les personnes qui nous rejoignent, afin de les amener vers l’excellence. Cela fait bientôt vingt ans que cela réussit ; à nous de diffuser ce message encore plus largement pour attirer de nouveaux confrères.

Êtes-vous réceptifs à de potentielles offres ?

Nous avons déjà été chassés, que ce soit par d’autres cabinets ou par des fonds, et avons répondu par la négative. Nous avons également eu des propositions d’acquisitions et avons dit non. Nous tenons notre ligne de croissance organique mais tout ça n’est pas fermé, c’est un jeu permanent de discussion. Des rapprochements peuvent avoir lieu si des gens partagent notre vision, notre modèle et notre envie de grandir sans nécessairement grossir.

Certaines SCPI ont souffert en 2020, notamment sur les commerces et les hôtels. Comment abordez-vous le marché des SCPI actuellement ? Vos stratégies ont-elles évolué ?

L’investissement immobilier est quoi qu’il arrive un investissement de moyen, voire long terme. On parle de dix, quinze, vingt ans. Il faut avoir un peu de recul quelle que soit la crise. Les SCPI ont plutôt bien résisté. Même si de manière passagère il y a des évolutions de prix de part ou des loyers qui vont baisser légèrement, cela ne remet pas en cause l’intérêt de cet investissement sur le long terme, qui délivre des rendements plus que satisfaisants, entre 4 % et 5 % net, depuis de nombreuses années.

"Il faut avoir un peu de recul quelle que soit la crise. Les SCPI ont plutôt bien résisté" 

Nous croyons aujourd’hui d’autant plus dans le modèle de la SCPI que dans d’autres car il s’agit de parcs immobiliers importants et diversifiés, et qui vont permettre, soit par le jeu d’arbitrage, soit par la collecte, d’être renouvelés, modernisés et adaptés aux nouvelles attentes. À nous de trouver les meilleurs gérants SCPI qui vont comprendre ces enjeux et avancer dans ce sens pour l’intérêt de nos clients.

Nous sommes toujours à des niveaux très bas de taux. On voit par ailleurs aux États-Unis une inflation qui pourrait durer et la Fed qui réfléchit sérieusement à remonter ses taux. À moyen terme, quel impact cela aura-t-il sur l'investissement SCPI à crédit en France ?

En ce qui concerne les taux, l’histoire récente nous a montré que nous allons probablement rester dans une structure de taux bas encore pour quelque temps. Pour ce qui est du retour de l’inflation, j’y crois un peu plus, notamment importée des États-Unis. Ponctuellement il pourrait y avoir un jeu de baisse sur les valorisations et les prix de part. En revanche en immobilier les baux sont indexés. Si remontée des prix il y a, les taux remonteront à moyen terme et les prix de part se stabiliseront. Pour l’investisseur qui se sera endetté et dont la problématique repose sur les flux, ceux-ci devraient être assez peu impactés, et par le jeu de l’inflation, la dette baissera. C’est sans doute un momentum assez incroyable en ce moment pour aller s’endetter et faire ce pari de l’inflation sur dix, quinze ans.

Outre l’immobilier et les marchés financiers, quels placements préconisez-vous à vos clients ?

Nous basons notre conseil sur des principes de prudence et de vigilance. Nous n’aimons pas ce qui est très original. Dans ces périodes de tensions, il vaut mieux avoir des fondations solides et diversifier. Nous observons cependant une tendance importante concernant un changement de mentalité de l’investisseur : il y a une vraie prise de conscience par rapport à ce que nous appelons ISR ou ESG. Les investisseurs ont envie de protéger leur planète et de faire des opérations intelligentes pour allier leur patrimoine avec les enjeux de société et d’environnement. Tous les fournisseurs se tournent vers le vert et nous insérons ces nouveaux produits dans notre offre globale sans pour autant catégoriser ou estampiller un client « ISR ». Dans quelques années ça ne sera plus un sujet.

Quelles sont les attentes de vos clients au-delà de l’ISR ?

Le thème de la défiscalisation, même s’il est récurrent, revient en force en ce moment. Les personnes qui ont des moyens paient de plus en plus d’impôts sous différentes formes, ils ont du cash et veulent investir malin pour réduire la pression fiscale. Cela faisait longtemps que nous n’avions pas vu ça. C’est notre travail de les informer des solutions qui existent. Le PER, par exemple, a bien tiré son épingle du jeu en 2020 et continue de le faire. Ce produit possède de nombreuses qualités. De manière synthétique, le PER peut être géré peu ou prou comme un contrat d’assurance-vie, avec des caractéristiques très proches. Enfin, le levier fiscal se révèle être puissant puisque l’argent récupéré immédiatement, même s’il sera « repris » par l’imposition à la sortie, peut être réinvesti pour le faire travailler intelligemment pendant les années actives.

"Sur le numérique, il va falloir aller encore beaucoup plus loin, bien que nous ayons tous accéléré ces derniers mois"

Quels sont les grands enjeux de la gestion de patrimoine actuellement ?

Sur le numérique, il va falloir aller encore beaucoup plus loin, bien que nous ayons tous accéléré ces derniers mois. Il y a de gros enjeux et des investissements colossaux à réaliser. La relation client, la capacité à les faire investir, les relations en interne avec nos propres collaborateurs et en externe avec les partenaires, sont autant de défis à relever sur le numérique. Les chaînes de digitalisation devront également aller toucher les futurs investisseurs, notamment la jeune génération, et les bons outils de communication s’avèrent déjà indispensables.

Le deuxième pan concerne la conformité, en particulier en rapport aux nouvelles pratiques numériques. Nous devons investir dans la conformité et nous doter de moyens pour protéger nos clients et nous-mêmes.

Pour finir, notre métier est d’accompagner nos clients dans leurs projets de vie, de déceler de nouvelles opportunités et de trouver des solutions, tout cela dans le cadre d’une gouvernance produit, afin d’éviter les écueils ou de se précipiter sur des investissements à la mode. Nous faisons un vrai tri qualitatif pour nos investisseurs et devons maintenir une réelle valeur ajoutée pour eux.

Un dernier mot ?

Il y aura un après Covid. La gestion de patrimoine accélère, se modernise et, je pense, se rajeunit. Nous nous sommes toujours organisés en format startup, pour intégrer cette nouvelle génération, leur apprendre le métier et les faire réussir. Ce sont eux qui reprendront le flambeau.

 

Propos recueillis par Marc Munier

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