Homme de terrain qui aime aller au contact des collaborateurs, le DRH du Groupe Manitou plaide pour le changement dans la continuité.

Décideurs. Comment avez-vous vécu les trois mois qui viennent de s’écouler ?

Guillaume Rabel-Suquet. Je conserve l’impression d’un retour aux sources. Cela faisait des années que je n’avais pas passé autant de temps chez moi, entouré de mes proches. Le confinement a en ce sens constitué un moment de ralentissement et d’expérimentation. "Privé" de déplacements internationaux, j’ai réaménagé avec beaucoup de bonheur mon rapport au temps et prévu des plages horaires pour les autres, pour moi, pour le sport... J’ai profité de cette parenthèse spatio-temporelle pour essayer de nouvelles manières de travailler. Je me suis même lancé dans des certifications en e-learning

Et sur le plan professionnel ?

Les crises extraordinaires comme celle que nous avons traversée vous font progresser à vitesse grand V. Les paramètres changent quotidiennement, si bien que ce qui était vrai la veille, ne l’est plus le lendemain. Du comité de direction aux équipes opérationnelles, tout le monde tâtonne et apprend à fonctionner en hyper-agilité. Les fonctions support comme les managers doivent accepter de se tromper, savoir dire "je ne sais pas" tout en trouvant in fine des solutions. En même temps, la crise agit comme un véritable crash test de votre capacité à prendre du recul, à redéfinir les axes prioritaires de l’entreprise tout en vous assurant que vos actions soient en résonnance avec la vision du groupe.

"Les fonctions support comme les managers doivent accepter de se tromper"

Est-ce un atout d’être un "employeur humaniste" pour affronter une crise d’une telle ampleur ?

Humaniste ou pas, la crise sanitaire a mis en demeure chaque employeur d’apporter de nouvelles réponses à des questions anciennes comme la sécurité ou l’organisation du travail dans ce nouvel environnement. Néanmoins, s’attacher à une certaine forme de cohérence entre les paroles et les actes représente sans aucun doute un levier primordial de confiance. Pendant toute la durée du confinement, j’ai eu à cœur de me rendre sur site. Il me semblait important d’indiquer aux équipes mobilisées en première ligne qu’elles n’étaient pas seules. Aller sur le terrain oui, mais pas pour faire du présentéisme. Je voulais vérifier par moi-même la pertinence des mesures de sécurité, discuter avec les collaborateurs de la manière de les améliorer et, tout simplement, prendre le pouls de l'entreprise. L’humanisme est une coquille vide s’il n'est pas dans l'empathie avec les équipes.

Les collaborateurs du groupe ont-ils effectivement ressenti un tel respect ?

Tous nos choix sont éclairés à la lumière de deux critères : premièrement, la santé et la sécurité des collaborateurs ; deuxièmement, la vie et la sauvegarde du groupe. Il existe, par ailleurs, un ordre entre ces deux priorités qui exige que la seconde soit abandonnée si la première n’est pas garantie. Certains collaborateurs  ont pu le vérifier dès la première semaine du confinement. Nous avions alors basculé nos équipes de production en activité partielle, nos équipes siège et supports en télétravail à l’exception de l’activité de service (pièces détachées). Face au sentiment d’injustice qui commençait à émerger dans ces derniers rangs, décision a été prise de tout arrêter, le temps de réfléchir et de mettre en place de nouvelles mesures de protection adaptées à chaque situation individuelle. Nous avons œuvré, en concertation avec les équipes concernées, la médecine du travail, la commission santé, sécurité et condition de travail (CSSCT), à tenir compte des interrogations et des inquiétudes légitimes dans l'intérêt de tous.

"Je ne crois pas au Big Bang mais aux accélérations de tendances"

Continuerez-vous de prêter une oreille attentive à ceux qui voudront rester en télétravail à temps plein ?

Manitou a toujours eu une culture du présentiel très forte, c'est dans sa culture. En même temps, nous avions instauré le télétravail depuis cinq ans de manière progressive. Du volontariat pour les cadres, nous l'avons élargi progressivement à toutes les fonctions tertiaires. Mais, cela n’a pas suffi à lever toutes les réticences. Peut-on faire confiance autant aux employés qu’aux cadres ? Ce genre d’interrogation n’a plus lieu d’être aujourd’hui. La crise a fait voler en éclats ce qui restait de préjugés. Le travail à distance peut être étendu à l’ensemble des équipes sans que l’entreprise ne cesse de fonctionner. Cependant, je ne pense pas que le présentiel disparaisse complètement d’une part, parce qu’il est inscrit dans notre ADN et, d’autre part, parce que le contact demeure important. Je crois à la mise en place de fonctionnements agiles et individualisées mêlant présentiel et distanciel, posant quelques jalons comme, par exemple, les mardis et jeudis en présentiel.  Il n’en reste pas moins que la crise a introduit des changements de paradigme. Nos points de repère et autres certitudes bougent, c’est particulièrement vivifiant.

Au point de remettre en cause votre perception de la fonction RH ?

Non, je continuerai d’exercer mon métier demain comme je le faisais hier ou aujourd’hui. L’expérience du confinement ne change rien de ma conception d’une DRH de proximité, lovée au cœur de l’entreprise à tous les niveaux et surtout au cœur du business. Je ne crois pas au Big Bang mais plutôt aux accélérations de tendances. Prenons, par exemple, notre digital campus qui, ne suscitait jusqu’alors que peu d’engouement. Nous avons réussi en à peine deux mois à le faire décoller. Sur ce sujet, comme pour d’autres, les curseurs se sont déplacés. Notre profession devra apprendre à gérer de nouveaux paradoxes et à se réinventer en permanence, c'est primordial pour continuer d'apporter de la valeur à nos organisations.

Propos recueillis par Marianne Fougère

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