Le 20 janvier prochain, Donald Trump prendra ses fonctions de 47e président des États-Unis. Principale ambition de son nouveau mandat, son objectif de croissance économique devrait à terme se heurter à la politique de la FED et à la surévaluation du dollar. Le gardien monétaire américain subira-t-il le courroux du président ?
Donald Trump va-t-il s’attaquer à la Fed et au dollar ?
Tout puissant. Depuis sa réélection en novembre dernier, Donald Trump savoure son momentum dans un climat bien diffèrent de celui de sa première élection, en 2016. Toutes ses décisions serviront sa politique de stimulation de la croissance, conçue pour bénéficier aux cols bleus qui ont permis sa victoire plus qu’aux cols blancs à majorité démocrate, et de renouer avec le plein emploi.
La Fed sur le grill ?
Mais, animées par des mouvements inverses, les politiques du républicain et de la Fed pourraient bien s’entrechoquer. Après une nouvelle baisse des taux en décembre 2024, Jerome Powell, le président de l’institution, a annoncé vouloir aller "plus lentement" concernant de futures réductions, alors que les taux directeurs évoluent aujourd’hui entre 4,25 % et 4,5 %.
La banque centrale craint en effet un regain de l’inflation causé par la hausse des droits de douanes sur les produits importés souhaitée par Donald Trump. Elle pourrait donc réaliser une seule baisse des taux en 2025, au lieu des deux diminutions anticipées par les investisseurs. La réaction des marchés a été immédiate : les taux longs sont montés en flèche, notamment le taux obligataire américain à dix ans, passé de 4,1 % début décembre à presque 4,7 % le 8 janvier. Ces indicateurs, déterminants dans le financement de l’économie américaine, pourraient à terme perturber la politique économique de celui qui fut animateur de téléréalité.
La banque centrale craint en effet un regain de l’inflation causé par la hausse des droits de douanes sur les produits importés souhaitée par Donald Trump
Ce dernier a déjà estimé que « le président devrait au moins avoir son mot à dire » sur les actions de la Fed, et presse pour qu’elle accorde ses violons avec ceux de la Maison-Blanche. De son côté, Jerome Powell réitère ses volontés d’indépendance, lui qui avait d’ores et déjà déclaré : "Nous ne pensons pas, lorsque nous prenons nos décisions, au bien-être d’un parti politique ou quoi que ce soit du genre. Nous nous contentons d’examiner les aspects macroéconomiques […]."
Au risque d’entraîner une énième crise politique, Donald Trump pourrait malgré tout être tenté de revenir sur l’autonomie de la banque centrale, en faisant pression pour qu’elle baisse ses taux afin de faciliter le financement de l’économie tout en diminuant le taux de change du dollar.
Le dollar au firmament, retour de la "guerre des changes" ?
Depuis la réélection de Donald Trump, le dollar continue de grimper et se situe début janvier à trois points de pourcentage de son record de 2022. Chose rare, alors que son taux de change avec l’euro est proche de la parité en ce début d’année, il a en 2024 progressé par rapport aux quatre autres principales devises. S’il est surévalué d’au moins 10 % selon différents indicateurs ayant notamment sous-estimé le déficit américain, la forte valeur du dollar reste une preuve de l’attractivité économique des États-Unis.
Un dollar plus faible permettrait d’augmenter le coût des importations américaines, donc de favoriser les produits nationaux et d’inciter les entreprises à se relocaliser au pays de l’Oncle Sam
Cependant, dès son premier mandat, Donald Trump s’était soucié des bonnes performances du dollar. Il accusait alors les pays à la balance commerciale excédentaire avec les États-Unis, comme la Chine ou le Japon, de dévaluer leur monnaie afin que leurs produits gagnent en compétitivité sur le sol américain. À l’inverse, un dollar plus faible permettrait d’augmenter le coût des importations américaines, donc de favoriser les produits nationaux et d’inciter les entreprises à se relocaliser au pays de l’Oncle Sam. La "guerre des changes", et sa course aux dévaluations compétitives pourrait ainsi rapidement revenir sur le devant de la scène.
La rigueur monétaire annoncée par la Fed favorisera le dollar et ne pourra pas le faire baisser à la hauteur des espérances du nouveau septuagénaire de la Maison-Blanche. Donald Trump cherchera donc probablement à influencer la politique de la banque centrale pour l’orienter en son sens dans ce qui s’annonce comme l’un des principaux duels des quatre prochaines années. Dans ce contexte, Jerome Powell a affirmé en novembre dernier qu’il ne démissionnerait pas si le président le lui demandait, et que le forcer à le faire était "interdit par la loi". Ce à quoi le miliardaire a répondu : "Si je le lui demandais, il ne le ferait probablement pas. Mais si je le lui disais, il le ferait." Ambiance.
Tom Laufenburger