Ancienne de chez Bouygues et Airbus, Anne-Pascale Guedon travaille à faire passer FH Metal, spécialiste de la transformation du métal, du statut de PME à celui d’ETI. La directrice générale est également investie sur les questions de parité et en politique.

Décideurs. Vous avez déroulé une grande partie de votre carrière dans l’industrie. Était-ce par choix ou plutôt le reflet de rencontres et d’opportunités ?

Anne-Pascale Guedon. C’était un choix. Après HEC, je suis partie à Hongkong car je voulais découvrir de nouvelles choses. Quand je suis revenue en Europe, j’ai intégré le conseil afin d’acquérir de la méthode et découvrir différents secteurs. Je suis ensuite allée en banque d’affaires où j’ai travaillé sur tout type de dossiers. Je me suis aperçue qu’exercer en entreprise me correspondrait mieux car je voulais avoir un impact à plus long terme et prendre des décisions. Le service, c’est immatériel, tandis que l’industrie produit des choses.

Vous êtes restée douze ans chez Airbus. Qu’est-ce qui vous motivait ?

Dans le domaine de l’industrie, le prisme international est très important et il est satisfaisant de voir qu’on exporte du "made in France" dans le monde entier. L’industrie est aussi un secteur qui a besoin de se féminiser. C’était le cas aussi bien chez Bouygues que chez Airbus. Ce sont des mondes d’ingénieurs où très peu de femmes accèdent à des organes de direction. Pour favoriser la parité, j’ai créé en 2015 un réseau de femmes chez Airbus.

Quels sont les leviers permettant d’améliorer la parité ?

Il faut éviter les antagonismes entre les hommes et les femmes. Les réseaux sont aussi une clé de réussite dans l’univers de l’entreprise. Ils peuvent être très puissants si on arrive à créer de la sororité. Chez Airbus, nous sponsorisions le Women’s Forum, qui regroupe des femmes de tous secteurs et tous pays, ce qui permet de mieux comprendre les leviers pour développer les taux de féminisation car chaque région a ses spécificités. On peut aussi mettre en place des projets transverses de manière à montrer qu’il y a une plus-value à travailler entre femmes, et donc avec des femmes, dans l’industrie.

"Les quotas de femmes en entreprise sont un mal nécessaire"

Que pensez-vous des quotas de femmes ?

Je pense que c’est un mal nécessaire. Ils ont été un extraordinaire accélérateur de la professionnalisation des conseils d’administration. Désormais les processus sont plus démocratiques car il a fallu s’ouvrir à de nouveaux profils. En ce qui concerne les quotas dans les organes de direction, je suis plus mesurée. En entreprise, il faut se construire une légitimité et un réseau de manière à bien pouvoir faire son travail. Autant dans les conseils d’administration les fonctions sont non exécutives, autant pour les comex, les entreprises doivent se constituer un vivier de dirigeants potentiels. Il est fondamental que l’éducation nationale favorise l’appétence des femmes pour les métiers de l’ingénierie et de l’intelligence artificielle, qui sont les nouveaux métiers.

Quelles sont vos activités aujourd’hui ?

Je dirige depuis deux ans FH Metal, une société familiale de transformation du métal à destination de la construction. Quand je suis arrivée, l’entreprise souhaitait s’internationaliser et se développer sur le marché du luxe BtoB grandes entreprises. Mes connexions et mes expériences précédentes font que j’ai les codes et le réseau nécessaires pour cela. Je peux aider l’entreprise à passer le cap de la PME à l’ETI car je connais le monde des grands groupes et des PME. Par ailleurs, après avoir été présidente aux prud’hommes, je suis devenue juge au tribunal de commerce de Paris. C’est une activité pro bono qui me permet de voir d’autres aspects du monde de l’entreprise.

Vous êtes également engagée en politique. Votre carrière dans l’industrie nourrit-elle cet engagement ?

C’est un tout et la politique est d’abord un engagement citoyen. Le monde de l’entreprise reflète une grande partie de ce qu’est la société. J’ai eu la chance de mener trois campagnes électorales mais cela reste un métier. Ce que je peux apporter ? Ma vision de l’entreprise et de ce qu’elle peut être dans le futur. Par exemple, je vois la question de l’immigration à travers le prisme du monde de la construction, qui a des besoins de main-d’œuvre. Je peux créer des ponts entre ces deux mondes qui se fréquentent mais restent assez imperméables. L’ancien président d’Airbus, Thomas Enders, avait envoyé un mail au moment des élections européennes pour inciter les collaborateurs à aller voter. Ces derniers avaient été très choqués estimant qu’il s’ingérait dans leur vie personnelle. Dans un nouveau chapitre de ma vie, je m’engagerai en politique à 100 %.

La réindustrialisation de la France est-elle nécessaire ?

On peut se poser la question de savoir si l’industrie est indispensable à un pays. Je suis réserviste dans l’armée de l’air et je travaille sur l’industrie de la défense. Je suis un peu étonnée que l’on considère qu’y investir est contraire au développement durable ou à des critères non financiers. L’industrie se fonde sur des innovations, permises par des chercheurs. Sans industrie, moins de chercheurs. Sans chercheur, vous perdez une partie de la matière grise d’un pays. Ensuite, il y a des questions de souveraineté à prendre en compte. Quand on voit ce qui se passe en Ukraine, on prend conscience qu’il ne faut pas être naïf. Enfin, l’industrie crée plus d’emplois que les services et encore davantage que l’agriculture.

Propos recueillis par Olivia Vignaud

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