Big bang de la formation : les réactions du secteur
Côté entreprises, Jean-Paul Charlez, président de l’Association nationale des DRH (ANDRH) confirme : « Il s’agit d’une réforme d’une ampleur considérable, qui répond aux quatre reproches que nous faisions au système actuel : complexe, coûteux, inefficace et injuste.»
Retour sur quatre mesures phares : le compte personnel formation (CPF) libellé en euros, la collecte de la taxe par les Urssaf, l’élargissement du rôle du conseil en évolution professionnelle (CEP) et l’introduction d’outils digitaux à destination des salariés.
La monétisation du CPF
Tous les salariés – à temps plein comme à temps partiel – verront leur CPF crédités de 500 euros par an, plafonnés à 5 000 euros. Ce montant sera augmenté à 800 euros, plafonné à 8 000 euros pour les personnes sans qualification. Bertrand Martinot, directeur général adjoint des services et conseiller emploi et formation professionnelle de la région Ile-de-France, accueille cette disposition avec enthousiasme et salue la création d’« un vrai droit individuel, stipulé en euros "sonnants et trébuchants", et non pas un droit largement virtuel comme aujourd’hui. »
Les Opca privés de la collecte
À compter de fin 2020 - début 2021, les fonds seront désormais collectés par les Urssaf, qui les transfèreront à la Caisse des dépôts. La collecte est actuellement réalisée par les organismes paritaires collecteurs agréés (Opca). Nombre d’acteurs du secteur voient dans ce changement un gain de transparence et de simplicité.
Bertand Martinot confirme : « Cela va sans doute permettre de faire des économies sur les frais de gestion du système, prélevés par les Opca, qui s’élèvent à 10 %. »
Les organismes, eux, doivent désormais trouver les ressources pour résister à cette secousse d’envergure. Yves Hinnekint, directeur général d’Opcalia, l’un des plus importants organismes de France, regroupant 31 branches adhérentes dans les services et l’industrie, accueille la réforme avec une certaine sérénité. « On parle d’une évolution des métiers des Opca mais pas d’une révolution » affirme-t-il. Il concède néanmoins que « l’acte de collecte était important pour l’Opca, et permettait une vraie connaissance de son portefeuille d’adhérents. »
Le CEP prend du galon
Un financement spécifique sera dédié à cette structure, actuellement censée accompagner, gratuitement, toute personne qui le souhaite dans son parcours professionnel pour être conseillé, mener un projet. Le montant pourrait tourner entre 200 et 300 millions d'euros, selon le cabinet ministériel. Le CEP sera géré par les régions, l'État et les partenaires sociaux, qui établiront notamment le cahier des charges pour sa sélection. Le marché s’ouvrira aux acteurs privés, ce qui sera certainement l’occasion pour de nombreux conseils en ressources humaines de faire évoluer leur offre afin de se positionner sur ce métier. Et l’opportunité pourrait bien être saisie par des acteurs que l’on n’attendait pas sur ces sujets. «Nous nous posons la question du rôle qui pourrait être le nôtre en la matière », nous confie ainsi Yves Hinnekint.
Sa formation sur appli
La ministre du Travail a annoncé la mise en place d’une application qui permettra de s'inscrire et de payer directement une formation, sans passer par un intermédiaire, de connaître ses droits acquis, les formations certifiantes dans son bassin d'emploi, le taux de satisfaction des stagiaires ou celui d'insertion dans l'emploi. Jean-Paul Charlez ne cache pas son enthousiasme : « Je suis un fanatique de cette application mobile ! déclare-t-il. Aujourd’hui on ne peut rien faire aujourd’hui en entreprise qui ne soit pas accessible sur un smartphone. »
Pour poursuivre les réflexions sur l’ensemble de ces questions, 700 dirigeants (CEO, DRH, directeurs d'université d'entreprise, directeurs de formation…) sont attendus le 15 mars au Pavillon d'Armenonville dans le cadre de U Spring, le printemps des universités d’entreprises, à Paris.
Marie-Hélène Brissot & Roxane Croisier