Favorisée – voire imposée – par Internet et les réseaux sociaux, la transparence s’impose aujourd’hui avec force dans la relation qui lie un collaborateur et son entreprise. Aux DRH de la vivre comme une opportunité plus que comme une contrainte.

Selon une étude menée par Hootsuite en 2018, Internet est utilisé par 4 021 millions de personnes dans le monde. La liberté d’expression y règne en maître et les informations partagées se répandent comme une traînée de poudre. Les entreprises sont directement touchées par cette réalité : aujourd’hui, tout ce qui s’y passe se sait ou peut se savoir. De quoi les conduire à modifier en profondeur leurs pratiques, leur communication et leur gestion des risques. Alors que certaines sont encore en train de s’ajuster à cet état de fait, d’autres ont fait le choix, il y a quelques années déjà, d’entrer de plain-pied dans cette ère de la transparence et d’en tirer profit. Et il semble bien que cette tendance soit là pour durer.

Le name and shame est à la mode

Quand la transparence est imposée, les conséquences sont lourdes. Et elles le sont d’autant plus lorsque le « lanceur d’alerte » n’est autre que le gouvernement. L’exécutif utilise en effet désormais la technique anglo-saxonne du « name and shame » (« dénoncer et couvrir de honte » en anglais) pour faire passer ses messages. En 2006, le scandale des pratiques de recrutement discriminatoires d’Eurodisney avait conduit à revoir l’efficacité des lois contre le racisme à l’embauche. Plusieurs stratégies avaient alors été mises en place – notamment le CV anonyme – mais aucune n’avait réussi à faire ses preuves. En 2016, sous l’impulsion de Myriam El Khomri, le ministère du Travail s’était alors inspiré du name and shame. Deux entreprises aux politiques de recrutement douteuses avaient été priées d’établir un plan d’action pour être davantage transparentes. Ayant refusé de se plier à cette exigence, elles avaient vu leur nom dévoilé. En 2018, le procédé est à nouveau utilisé par le même ministère du Travail et le secrétariat d’État à l’égalité femmes-hommes, qui affiche le nom des entreprises refusant de communiquer leurs ratios hommes/femmes. Jusque sur la porte d’entrée du bâtiment du ministère d’ailleurs… Voilà qui peut sérieusement abîmer l’image de marque.

« Glassdoorisation »

« Nos sources d’informations préférées sont ce que nous disent nos collègues, nos amis, nos proches. Ça n’a pas changé. » Voilà comment Robert Hohman, CEO de Glassdoor, expliquait son succès. Leader de la notation des entreprises en ligne, Glassdoor a durablement modifié la gestion de leur réputation par les entreprises. En France, ce ne sont pas loin de 3200 entreprises qui ont déjà été passées au crible de leurs employés. Le phénomène est si large que certains directeurs des ressources humaines utilisent désormais le terme de « glassdoorisation ».

Pour Arnaud Devigne, CEO France d’Indeed, il s’agit d’une tendance lourde. « On évoque parfois le risque de dérive, de surreprésentation de salariés mécontents, explique-t-il. Mais lorsque le site recense entre 200 et 300 notations pour chaque entreprise, cette critique n’est plus pertinente. » Le phénomène ne cesse par ailleurs de s’intensifier. En 2018, la maison mère d’Indeed, Recruit Holdings, a racheté la plateforme Glassdoor. Le français Cadremploi a adopté la même démarche en s’associant à Viadeo. Les annonces d’emploi feront donc aujourd’hui directement apparaître les avis laissés par les candidats, salariés ou anciens employés de l’entreprise qui recrute.

La marque employeur se renouvelle

Si la tendance bouscule les organisations, elle revêt toutefois de nombreux aspects positifs. « La transparence est l’occasion pour les entreprises de répondre aux besoins des chercheurs d’emploi en quête de sens », indique Arnaud Devigne. Aujourd’hui les candidats accordent plus d’importance au bien-être au travail, à la flexibilité, au management… Mais les plaquettes des entreprises mentionnent rarement si les managers sont dans le contrôle ou dans la collaboration ! » Aux entreprises alors de saisir l’occasion pour soigner leur communication, et évoquer tous ces éléments qui étaient jusqu’alors négligés.

Authenticité

Une exigence émerge toutefois, celle de l’authenticité. Un décalage entre le message délivré par l’entreprise et le quotidien des collaborateurs pourrait s’avérer contre-productif. Didier Pitelet, président de l’agence Onthemoon, avertissait ainsi dans un entretien aux Échos en juin 2017 : « La transparence a cela de bon : elle impose à l’entreprise de s’assumer avec ses défauts et ses qualités, ses rêves et ses espérances. Elle ne peut plus se contenter de parler d’éthique, de sens des valeurs : tout désormais est dans l’action et dans la preuve. »

Afin de faire correspondre leur communication à la réalité, les entreprises se tournent naturellement vers leurs salariés, qui témoignent sur les réseaux sociaux et relaient les informations postées par leur groupe. C’est ce qu’on appelle la pratique du « salarié ambassadeur ». Et cette approche revêt un avantage de poids : elle permet de développer le sentiment d’appartenance des collaborateurs et devient un outil de motivation. Au début de l’année 2018, Jean-Marie Lambert, directeur des ressources humaines de Veolia, a dirigé la refonte de la marque employeur du groupe. Son projet s’appuie largement sur les collaborateurs eux-mêmes. « En donnant la parole aux salariés du groupe, nous souhaitons faire connaître à la fois la diversité de nos métiers, de nos projets et l’état d’esprit avec lequel nos collaborateurs s’engagent », explique-t-il. En interne, nous voulons que chaque collaborateur (…) puisse être fier de contribuer à la mission du groupe (…) Développer la fierté et donner du sens sont deux leviers essentiels pour soutenir l’engagement des collaborateurs et répondre aux attentes de nos clients », conclut le DRH.

Marie-Hélène Brissot et Juliette Mamelonet Régnier

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