Le plafonnement des indemnités prud’homales, mis en place par les ordonnances dites « Macron », a facilité la capacité des acteurs à évaluer les risques liés à leurs litiges. L’intérêt de transiger les contentieux en droit du travail semble être accru. Il est donc utile de revenir sur les questions qu’il convient de se poser avant de transiger.

Le fait de transiger permet pour le salarié d’échapper à des délais judiciaires qui peuvent s’avérer très longs. Selon le ministère de la Justice, le délai moyen de traitement d’une procédure prud’homale en 2017 était de 17,3 mois1 (hors procédure courte). Bien que les délais de procédure aient vocation, dans le prolongement des différentes réformes du conseil de prud’hommes, à se réduire, il ne fait aucun doute que, dans la majorité des cas, la résolution amiable d’un litige est plus rapide qu’une procédure judiciaire classique.

« Le délai moyen de traitement d’une procédure prud’homale en 2017 était de 17,3 mois »

Par ailleurs, l’aléa judiciaire est plus important en droit social que dans d’autres matières. En 2015, le taux d’appel en matière prud’homale était passé, entre 2004 et 2013, de 62 % à 67 %2 ce qui, selon le gouvernement, est « excessivement important au regard des autres juridictions3 ». En conséquence, le fait de mettre un terme à un litige par la voie de la transaction permet d’échapper à cet aléa qui, trop souvent, génère des frustrations chez les parties. Comment alors faut-il prendre la décision de transiger ? Dans quels cas est-il encore pertinent de plaider ?

Éviter les cas de nullité

Avant d’envisager de conclure une transaction, il convient de s’interroger sur la possibilité même de conclure un tel contrat. Il existe en effet des circonstances dans lesquelles les parties ne peuvent, en théorie, y recourir. Ainsi en est-il lorsque des dispositions d’ordre public protègent certaines catégories de salariés comme les représentants du personnel, les futures mères, les salariés victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Dans ce cas, la transaction pourrait être remise en cause devant le juge et être frappée de nullité.

Évaluer les risques financiers

Avant d’évaluer les chances de succès ou de condamnation, il est indispensable d’estimer, dans un premier temps, les enjeux financiers d’un litige.

À titre de rappel, le barème d’indemnisation mis en place par les ordonnances du 24 septembre 20174, fixe un montant minimal et maximal de dommages et intérêts à attribuer au salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ces indemnités qui varient en fonction de l’ancienneté du salarié s’avèrent plus faibles que dans le passé pour les salariés dont l’antériorité est peu élevée. Ainsi, un salarié présent depuis deux ans pourra prétendre au versement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre trois et trois mois et demi de salaire. À supposer même que le salarié ait saisi le conseil des prud’hommes, l’intérêt de plaider serait, dans de telles circonstances, limité dans la mesure où les frais et le temps de la procédure pourraient s’avérer disproportionnés au regard des enjeux financiers. Dans ce cas, recourir à la transaction pourrait être pertinent.

L’évaluation des risques financiers suppose aussi de se poser la question de l’applicabilité du barème d’indemnisation. On sait que la prochaine décision de la Cour de cassation sur la conformité du barème aux conventions internationales est très attendue. Outre ce débat, l’article L.1235-3-1 du Code du travail prévoit en tout état de cause des circonstances dans lesquelles l’employeur ne pourra s’appuyer sur l’article L.1235-3 du Code du travail. Tel sera le cas lorsque le licenciement aura été prononcé en méconnaissance d’une liberté fondamentale ou fondé sur l’un des critères discriminatoires visés par l’article L.1132-1 du Code du travail.

À titre de rappel, lorsque le barème d’indemnisation n’est pas applicable, le juge peut octroyer au salarié une indemnité pour licenciement nul qui ne peut être inférieure à six mois de salaire. Dans cette situation, le risque financier est moins maîtrisé ; il l’est d’autant moins que les problématiques soulevées pour obtenir la nullité sont généralement sensibles (discrimination, harcèlement moral/sexuel, maternité, état de santé du salarié…). Sauf à considérer que le salarié souhaite obtenir une condamnation de l’entreprise - par principe -, il est possible que cette dernière ait tout intérêt à transiger.

Évaluer les risques extra-financiers

Les entreprises, comme les personnes physiques, disposent d’un casier judiciaire au sein duquel le juge répressif peut inscrire les condamnations qu’il prononce. Or, une telle inscription peut constituer un empêchement significatif au développement de l’entreprise. À titre d’exemple, la possibilité de conclure des marchés publics est subordonnée à l’absence de condamnations dans le casier judiciaire. Rappelons qu’en droit du travail, le risque pénal n’est pas anodin. Ainsi, lorsque l’employeur identifie un tel risque, éviter le contentieux par la voie de la transaction peut s’avérer nécessaire.

De la même manière, l’entreprise aura tout intérêt à envisager d’éteindre un litige lorsque celui-ci sera susceptible d’être médiatisé.

Le choix de la plaidoirie

Bien que l’introduction du barème dit Macron puisse constituer un encouragement à recourir à la transaction, il demeure des cas où l’entreprise conservera un intérêt à plaider. Ainsi, le fait de recourir de façon systématique à la transaction peut avoir des effets pervers, particulièrement si l’employeur se montre, dans le cadre des négociations, trop complaisant. En effet, une telle attitude pourrait créer un effet de contagion.

Enfin, le choix du contentieux peut également s’avérer nécessaire lorsque la faute du salarié porte atteinte à la raison d’être de l’entreprise. Ainsi en est-il du salarié qui travaille au sein d’une banque et qui procède à des prélèvements de fonds frauduleux sur les comptes des clients de la banque pour laquelle il travaille. Dans ce type de situation, l’entreprise peut avoir intérêt à se montrer stricte afin d’éviter que la résolution amiable du litige soit interprétée comme une forme de tolérance à l’égard de tels faits. 

Florence du Gardier et Pierre Safar, avocats associés, Dupuy & Associés

Notes : 

1° Site internet Performance-publique budget : https://www.performance-publique.budget.gouv.fr/sites/performance_publique/files/farandole/ressources/2017/rap/html/DRGPGMOBJINDPGM166.htm.

2 ° « Les litiges individuels du travail de 2004 à 2013 », site du ministère de la Justice 11 septembre 2015, http://www.justice.gouv.fr/statistiques-10054/infostats-justice-10057/les-litiges-individuels-du-travail-de-2004-a-2013-28321.html.

3 ° Lettre n°137 de la direction générale du trésor, « Le traitement des litiges en droit du travail : constats et perspectives économiques ».

4 ° Article L.1235-3 du Code du travail

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