Par Benjamin Bizollon, manager, et Johann Pintiaux, senior manager. Leyton
L’importance de l’innovation dans notre économie et sa dynamique font maintenant consensus dans l’opinion publique. Préserver et stimuler l’innovation passe, pour nous, par un financement pérenne et optimisé. Hélas, opérationnellement, la situation du dirigeant est plus complexe quand il s’agit de s’orienter vers les bons mécanismes. Quelles approches pour bien décider ?

En France, les entreprises ont à leur portée de nombreuses possibilités de financement de leur innovation, en fonction du financeur, du type d’activité, du financement, de son traitement comptable ou de sa chronologie. Ces dispositifs ont souvent été abordés comme des leviers d’optimisation fiscale, a posteriori de l’activité d’innovation, le financement du BFR étant traité par les seuls services financiers. À cette vision parcellaire, nous proposons d’opposer une approche holistique où l’innovation (ensemble des projets et dépenses passés et à venir) est traitée comme un tout, dans une optique de financement optimisé et pérenne. Proposons une cartographie des financements en lien avec cette approche.

Les financements publics
L’intervention publique représente une source complexe, mouvante mais également généreuse. Parlons tout d’abord des dispositifs indirects : Crédit impôt recherche (CIR), Crédit impôt innovation (CII), Jeune entreprise innovante (JEI). Le CIR, dispositif phare de la politique d’incitation fiscale à la R&D, n’a eu de cesse de prendre de l’importance dans le budget de l’État. Il se caractérise par une réduction d’impôt sur les sociétés correspondant à 30?% des dépenses de R&D, avec le droit d’obtenir le remboursement immédiat pour les PME. Le CIR est le principal outil de financement de la R&D bénéficiant à plus de 15 000 sociétés en 2012 (1). Son contrôle, cible de nombreuses critiques, génère de l’incertitude pour des structures à la santé financière fragile, incertitude que seule une démarche coordonnée entre équipe technique et financière permettra d’apaiser. En outre, le délai de remboursement pouvant être de plus d’un an et demi entre la dépense et l’obtention du crédit d’impôt, pour une PME en recherche de trésorerie pour mener ses projets, le CIR ne peut être auto-suffisant.

Depuis 2013, le CII, extension du CIR aux dépenses d’innovation pour les PME, élargit le spectre des dépenses en prenant en compte la finalité produit davantage que la démarche la précédant. Il est trop tôt pour juger de sa pertinence et de son effet. On peut cependant regretter la restriction opérée sur l’innovation éligible, la limitant à la seule innovation produit, et écartant les innovations de procédé, de commercialisation et d’organisation, jouant pourtant un rôle clé dans l’économie actuelle.

Le statut JEI, et ses avantages sociaux et fiscaux, représente une vraie solution facilitatrice pour les structures en phase de création. L’allégement du coût de l’emploi permet d’optimiser la trésorerie dans une période critique d’amorçage. Sa principale lacune est de ne pas avoir suivi l’extension du CIR avec le CII. En effet, le statut JEI ne s’acquiert que si l’on engage des dépenses de R&D, et non d’innovation, contrairement à ce que son nom laisse supposer.

Ces dispositifs jouent un rôle clé, mais ils se définissent dans une logique rétrospective de «?récompense?» en fonction du respect de critères justifiés par les entreprises, et non comme un pari sur l’avenir. Dans une démarche globale, il est donc utile d’y adjoindre les financements directs suivants. Les projets individuels ou collaboratifs peuvent faire l’objet d’une kyrielle de financements : subventions, avances remboursables, prêts (sans compter les labels bonifiant les taux d’intervention), cela via des fonds régionaux, nationaux, européens, pour des envergures de projets très variables (dizaines de milliers à plusieurs millions d’euros). Les guichets sont multiples et affichent une sélectivité certes variée mais toujours croissante. La pertinence du projet au regard de l’activité de l’entreprise et de son écosystème devient alors cruciale. En cela, les aides et subventions ne peuvent plus être sollicitées par simple opportunisme mais doivent faire partie d’une démarche intégrée et murie avec le projet de l’entreprise. Les financeurs attacheront une grande importance à cette cohérence lors de l’évaluation du projet, de son montage et de son financement. L’approche holistique de l’innovation prend ici encore tout son sens.

Les financements privés
Si l’intervention publique est bénéfique, elle ne peut être suffisante. Interviennent alors les investisseurs privés, se caractérisant par une logique de pari et d’optimisation du couple rendement/risque. Différencions deux types de financements privés : «?haut de bilan?» (capitaux) et «?bas de bilan?» (crédits, dettes).

Concrétiser l’idée innovante requiert souvent d’insuffler le capital critique au moment opportun. Si le fait d’ouvrir le capital à un tiers reste un choix stratégique, les financements «?haut de bilan?», tels que le capital-investissement (private equity), l’introduction en bourse (IPO) ou, plus récemment, le crowdfunding, s’imposent comme de réelles solutions alternatives. En période économique difficile, le private equity, par le biais de montants allant généralement de 500k€ à plusieurs millions d’euros, présente un regain de dynamisme intéressant, avec 8,2?milliards d’euros levés en 2013 (2). De même, l’IPO reste accessible pour les PME, une vingtaine d’entre elles ayant été introduites en 2014 sur la place parisienne. Le dénominateur commun de ces sources de financement reste la nécessité de susciter l’adhésion de l’investisseur au projet de l’entreprise.

En complément, des solutions «?bas de bilan?» peuvent être pertinentes pour booster les investissements nécessaires à l’innovation, telles que la monétisation de créances fiscales (ex. CIR), solutions prenant alors la forme soit d’une mobilisation, soit d’un préfinancement. Permettant d’accélérer le flux de trésorerie, notamment pour les PME en besoin de cash, comblant ainsi l’une des lacunes du CIR, ces opérations requièrent une analyse amont du risque pour débloquer le financement adéquat. Avoir connecté en amont ses process R&D et financier permettra d’accéder plus aisément à ces outils de financement du BFR.

Une approche exhaustive
Cette approche unifiant l’ensemble des outils de financement avec la dynamique d’innovation interne rencontre un vrai succès. Le réseau de partenaires que nous construisons autour des financements privés permet de créer des synergies et une complémentarité unique avec notre propre expertise des financements publics.

1 « Le Crédit impôt recherche en 2012 », ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, septembre 2014
2 « Activité du capital-investissement en 2013 », Association française des investisseurs pour la croissance, Grant Thornton, avril 2014

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